Par Julia Itel – Publié le 26/01/2023

À la mort ou à la démission du pape, les cardinaux se réunissent au Vatican afin d’élire le nouveau Souverain Pontife. C'est ce qu’on appelle le conclave. Comment se déroulent les élections ? Qui peut être candidat ? Décryptage ici. 

Qu’est-ce qu’un conclave ?

Le pape, c'est-à-dire le chef de l’Église catholique, est un cardinal élu par ses pairs. Lorsque celui-ci meurt ou qu’il choisit de quitter ses fonctions (comme ce fut le cas avec Benoît XVI en 2013), un nouveau conclave a lieu afin de lui trouver un successeur. Le mode d’élection du pape représente un temps particulier pour l’Église dicté par des règles bien précises remontant, pour certaines d’entre elles, au Moyen-Âge.

Écoutez le père Yves Combeau raconter comment on élit un nouveau pape

Comment élit-on un pape ?

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Garantir la liberté de l’Église : Libertas Ecclesiae

Dans les premiers temps du christianisme, l’Évêque de Rome est désigné a clero et populo, c'est-à-dire « par le clergé et par le peuple ». Rapidement, à partir du IVe siècle, ce mode d’élection est restreint aux seules grandes familles et notables romains lorsque l’empereur Constantin voit dans le christianisme une importante force d’unification pour son empire : une religion d’État. L’Église se trouve donc mêlée aux affaires politiques de Rome. 

Mais les choses évoluent avec la réforme grégorienne de la deuxième moitié du XIe siècle qui cherche à restaurer la liberté de l’Église, notamment grâce à la figure du pape. En 1059, le pape Nicolas II fait adopter le décret In nomine Domini lors du synode romain qu’il organise et qui donne aux cardinaux le monopole de l’élection pontificale. En 1179, il est décidé, lors du troisième concile de Latran, que le pape doit être élu par une majorité aux deux-tiers


Cum clave : l’enfermement des électeurs

L’enfermement « sous clé » (du latin cum clave qui a donné le terme « conclave ») des électeurs a été promulgué comme règle canonique par le pape Grégoire X dans la constitution Ubi periculum (1274). En effet, à la mort du pape Clément IV en 1268, les cardinaux ne parviennent pas à se mettre d’accord sur un nom. Exaspérées par ce délai interminable (presque trois ans !), les autorités romaines décident de les emmurer afin de les presser à trouver un nouveau pape. Le successeur de Clément IV, Grégoire X, inscrit ainsi solennellement le conclave comme seule méthode d’élection du pape.

Mais cette méthode sert un autre intérêt : celui de préserver, encore, la liberté de l’Église face à l’ingérence des États dans le choix du prochain pape. En scellant le local où se trouvent les cardinaux, aucune pression extérieure ne peut chercher à influencer le vote. Ce principe a été renforcé dans la constitution apostolique Universi Dominici gregis, promulguée en 1996 par Jean Paul II, qui affirme le scrutin secret comme seul mode de désignation possible.


Qui participe au conclave ?

La constitution apostolique Romano pontifici eligendo, édictée par Paul VI (1975), précise les conditions d’éligibilité des votants : pas plus de 120 cardinaux âgés de moins de 80 ans peuvent participer au conclave. Cette limite d’âge permet d’éviter aux cardinaux électeurs de vivre le temps du conclave – parfois éprouvant – dans des conditions difficiles.


Qui peut être élu « pape » ?

Contrairement aux élections politiques, aucun candidat ne se présente ici. Le pape est l’un des membres du Collège des cardinaux qui a été choisi par ses pairs pour assumer le rôle de chef de l’Église (i.e. le cardinal est un évêque désigné par le pape pour l’assister dans ses fonctions).  

Souvent, certains cardinaux sont pressentis comme potentiels nouveaux papes. Ces favoris sont appelés « papables », de l’italien papabile (papabili au pluriel).


Comment se déroule le conclave ? 

Le conclave suit donc des règles précises. Entre 15 à 20 jours après la mort ou la démission du pape, les cardinaux électeurs âgés de moins de 80 ans arrivent au Vatican pour élire le prochain Souverain Pontife. Pendant plusieurs jours, ces derniers vont s’enfermer dans la chapelle Sixtine jusqu'à s’être mis d’accord sur un nom. Pendant toute la durée du conclave, les cardinaux n’ont aucun contact avec le monde extérieur. Les fenêtres sont scellées, les téléphones ne sont pas autorisés, le réseau est brouillé. Ils dorment même dans la résidence Sainte-Marthe, attenant la chapelle et située dans les jardins du Vatican.

Chaque jour, deux scrutins sont organisés le matin et deux l’après-midi. Le conclave débute toujours par des tours à blancs. D’abord, chaque cardinal inscrit sur son bulletin le nom de la personne qu’il souhaite élire. Peu à peu, des noms ressortent puis, des majorités se dégagent jusqu'à arriver à une majorité absolue. 

À la fin de chaque journée, les bulletins sont brûlés et la couleur de la fumée qui s’en dégage indique au monde extérieur les résultats de leur vote : noire si aucun consensus n’a été trouvé, blanche si un nouveau pape est élu. 

Lorsqu’une majorité aux deux-tiers est obtenue, le cardinal doyen demande à l’élu s’il accepte sa nouvelle fonction : « Acceptez-vous votre élection canonique comme Souverain Pontife ». S’il accepte, le doyen continue : « De quel nom voulez-vous être appelé ? ». La fumée blanche et les cloches annoncent en cœur aux fidèles qu’ils ont un nouveau pape. Celui-ci s’avance sur le balcon central de la basilique Saint-Pierre pour se présenter et le cardinal doyen prononce le fameux Habemus papam !

À voir « Un conclave inspiré – Récit de l’élection du pape François »