Par Julia Itel – Publié le 21/12/2023

Les Églises orthodoxe et catholique sont toutes les deux chrétiennes. Elles partagent donc une même foi, un même Credo, un même dogme et les mêmes sacrements. Toutefois, elles présentent aussi des singularités propres à chaque aire d’influence culturelle ainsi que des différences disciplinaires, théologiques et liturgiques que nous proposons de découvrir ici. 


Qu’entend-on par « Église orthodoxe » ?

L’Église orthodoxe, aussi nommée Église des sept conciles, rassemble plusieurs Églises autocéphales d’Orient (ex : Patriarcat œcuménique de Constantinople, Église orthodoxe russe, etc.), dont les dogmes ont été établis lors des sept premiers conciles œcuméniques. Du grec orthos « correct » et doxa « croyance, opinion », l’Église orthodoxe se place dans la continuité ininterrompue de l’Église primitive, fondée par les apôtres. Elle est considérée comme la troisième plus grande confession du christianisme, après le catholicisme et le protestantisme.

Son aire d'influence s'étend principalement dans l'Europe de l'Est, les Balkans, la Russie, le Moyen-Orient et certaines parties de l'Afrique, avec une diaspora croissante dans le monde entier. L'organisation de l'Église orthodoxe est caractérisée par une structure collégiale et conciliaire, où les décisions importantes sont prises collectivement par les évêques, sans une autorité centrale unique comme le pape dans l'Église catholique.

Écoutez le père Yves Combeau parler des différences entre orthodoxes et catholiques

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Histoire de la séparation entre les Églises orthodoxe et catholique

Les Églises chrétiennes orthodoxe et catholique se sont construites sur deux aires géographiques et culturelles distinctes correspondant, respectivement, à l’Empire romain d’Orient d’un côté (de culture grecque, présidée par Constantinople) et à l’Empire romain d’Occident de l’autre (de culture latine, présidée par Rome). Unies et ne formant qu’une seule et même Église dans les premiers temps du christianisme, elles se séparent à la suite du schisme de 1054 et du sac de Constantinople en 1204.


Origines : une Église chrétienne unique

Après la mort de Jésus-Christ, les apôtres diffusent ses enseignements. De nouvelles communautés de chrétiens se forment et s’organisent autour des grands centres urbains de l’Empire romain. Dès le IVe siècle, lorsque Constantin choisit le christianisme comme religion d’État dans le but d’unifier son vaste Empire, le besoin se fait ressentir de préciser les contours de l’Église naissante et de préserver l’unité de foi des chrétiens. À l’initiative des empereurs, sept conciles œcuméniques sont organisés. Ils représentent des temps intenses d’élaboration doctrinale. Les dogmes fondamentaux du christianisme, que l’on retrouve dans le Credo, sont notamment définis lors des quatre premiers conciles.

À la fin du IVe siècle, l’Empire romain se divise entre une partie orientale, centrée sur Constantinople, et une partie occidentale, centrée sur Rome. Toutefois, cela ne perturbe pas encore l’organisation ecclésiastique. L’Église chrétienne est toujours unie mais répartie entre cinq pôles régionaux, ou cinq Églises patriarcales (ce qu’on appelle la « Pentarchie ») : Rome, Constantinople, Alexandrie, Antioche et Jérusalem. Si l’on reconnaît à Rome une primauté d’honneur et une autorité morale supérieure aux autres, en raison de son fondement par l’apôtre Pierre, son pouvoir juridique est cependant limité. 


Le schisme entre les Églises d’Orient et d’Occident

Deux raisons principales expliquent la séparation, ou le schisme, de l’Église chrétienne en deux branches. La première est d’ordre théologique. Bien que les deux Églises partagent la croyance fondamentale en la Trinité et la divinité de Jésus, telle qu’elle est explicitée dans le Credo de Nicée-Constantinople, l’Église de Constantinople rejette l’idée que le Saint-Esprit procède a Pâtre Filioque, c'est-à-dire à la fois « du Père » mais aussi « du Fils ». En effet, en 589, un concile de l’Église ajoute au Credo le mot latin filioque (« du Fils »). Si l’Église occidentale, latine, l’accepte, ce n’est pas le cas de l’Église orientale. Au IXe siècle, le patriarche Photius affirme que « L’Esprit procède du Père seul ». 

La deuxième raison relève de la volonté de l’Église de Rome de revendiquer l’infaillibilité pontificale et de s’ériger en autorité unique sur l’ensemble du monde chrétien et donc sur les évêques et patriarches. Cette décision s’explique dans le contexte de la réforme grégorienne qui commence au XIe siècle et dont le but est de libérer la papauté des pouvoirs temporels de l’Empire germanique. C'est dans ce cadre que le pape Léon IX envoie en 1053 le cardinal Humbert afin de persuader le patriarche de Constantinople, Michel Cérulaire, de se plier à la volonté papale. Mais ce dernier refuse et Humbert dépose alors sur l’autel de Sainte-Sophie le 15 juillet 1054, une sentence d’excommunication. En réponse, le patriarche excommunie Humbert et ses accompagnateurs. 

En revanche, dans la réalité, le schisme a peu d’impact. Il faut attendre la quatrième croisade de 1204 pour que le « divorce » soit consommé. Alors que la croisade est censée reconquérir la Terre Sainte, prise par les musulmans, les croisés, en alliance avec Venise, s’emparent de Constantinople, en profanant les églises et en brisant les icônes... Le sac de Constantinople marque une rupture profonde entre les chrétiens d’Orient et d’Occident, bien que le pape Innocent III ait condamné l’attaque. En effet, beaucoup d’orthodoxes perçoivent cet acte comme une trahison. 

Le monde chrétien est désormais divisé entre l’Église occidentale, qui se fait appeler « catholique romaine » car elle estime être l’Église « universelle », et l’Église orientale « orthodoxe », qui se considère transmettre « l’enseignement juste ».


Vers la réconciliation ?

Plusieurs tentatives de réconciliation sont entreprises dans les siècles suivants, mais sans réel succès. Il faut attendre le concile Vatican II, dans les années 1960, pour qu’un dialogue continu soit rétabli entre les deux Églises. 

Visionnez l’œcuménisme en actes

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Des sources d’autorité distinctes

Alors que l'Église catholique est dirigée par le pape, considéré comme le successeur de Saint Pierre et le chef suprême de l'Église sur Terre, l'Église orthodoxe, qui se définit comme apostolique, fonctionne de manière plus collégiale, avec plusieurs patriarches (considérés comme des archevêques) et évêques autonomes. Il n'y a pas de figure unique équivalente au pape. Les décisions sont souvent prises par consensus ou lors de conciles.

Contrairement au dogme catholique, les prêtres (qu’on appelle « popes ») peuvent se marier mais avant leur ordination. En revanche, les évêques sont contraints au célibat. 


Différences dans les rites et la liturgie

Calendrier julien vs calendrier grégorien

L’Église orthodoxe utilise le calendrier julien, introduit par Jules César en 45 av. J.-C. et qui est basé sur les cycles solaires. L’Église catholique, elle, utilise le calendrier grégorien, introduit par le pape Grégoire XIII au XVIe siècle afin de corriger le décalage accumulé par le calendrier julien. En effet, celui-ci surestime l’année solaire ce qui explique que Pâques ne soit pas fêtée au même moment dans les deux Églises.


Le rite byzantin

Les orthodoxes utilisent majoritairement le rite byzantin, qui repose en grande partie sur la liturgie de saint Jean Chrysostome, plus courte, mais aussi sur la liturgie de saint Basile de Césarée, jugée plus ancienne et utilisée lors de certaines célébrations comme Noël, les dimanches du Carême, etc. La liturgie byzantine se développe à partir des pratiques de culte de l’Église primitive à Jérusalem, infusée des traditions grecques et orientales (syriaques et palestiniennes, notamment). 

Contrairement à la liturgie romaine, plus sobre et plus intellectuelle, on considère la tradition byzantine comme étant plus complexe et plus mystique. Caractérisée par l’usage extensif d’icônes que les fidèles vénèrent comme symboles, les messes sont généralement célébrées dans la langue vernaculaire et sont accompagnées de chants a cappella, de poésie chantée (les instruments de musique étant proscrits). Il est également d’usage de brûler de l’encens dans l’église. 

Découvrez l’âme du chant orthodoxe

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Pendant le service, il existe une plus grande séparation symbolique entre le clergé, seul habilité à toucher l’autel eucharistique et « protégé » par l’iconostase, et les laïcs qui restent debout. En effet, le pope fait souvent face à l’autel pendant les parties clés de la messe et tourne donc le dos aux baptisés. Il se dirige ainsi vers l’est, la direction vers laquelle les chrétiens attendent le retour du Christ. Dans la liturgie latine, au contraire, l’accent est davantage mis sur la participation active des fidèles pendant les rites. Enfin, pendant l’Eucharistie, les orthodoxes utilisent un pain fermenté, à la différence des catholiques qui préfèrent un pain azyme, c'est-à-dire sans levain. 


Le baptême 

Le rite du baptême est également légèrement différent. Si les catholiques pratiquent le baptême par effusion, c'est-à-dire par versement d’eau sur le front du baptisé, les orthodoxes procèdent plutôt par immersion totale du corps, fidèle à la tradition originelle.


Croix et signe de croix

La différence entre la croix catholique et la croix orthodoxe réside principalement dans leur conception et leur symbolisme. La croix catholique est typiquement une croix latine, qui a une longue branche verticale et une branche horizontale plus courte. Elle est symétrique et simple dans sa forme. Il est aussi commun de voir dans les églises catholiques des crucifix, représentant la croix sur laquelle est mort Jésus et qui symbolise le sacrifice du Christ pour le salut de l’humanité. 

La croix orthodoxe, quant à elle, est généralement représentée avec trois barres : la longue branche verticale est barrée de deux barres horizontales en haut et d’une barre oblique en bas (où se seraient reposés les pieds de Jésus).

Parmi les autres différences entre orthodoxes et catholiques, on peut noter le signe de croix qui n’est pas fait de la même façon. Chez les orthodoxes, le signe de croix se fait avec le pouce, l’index et le majeur de la main droite et dans le sens suivant : front, poitrine, épaule droite, épaule gauche ; à la différence des catholiques qui se signent de gauche à droite.


Différences doctrinales sur la Vierge Marie 

Bien que les deux Églises reconnaissent la Vierge Marie comme Theotokos, c'est-à-dire comme « Mère de Dieu », deux points de divergence sont à signaler. Le premier concerne le dogme catholique de l’Immaculée Conception proclamé en 1854 qui n’est pas reconnu par l’Église orthodoxe. En effet, pour les orthodoxes, Marie est devenue pure après sa naissance. Si elle a vécu sans commettre de péché personnel, ils ne la considèrent toutefois pas exempte du péché originel à sa conception.

Le deuxième point concerne l’élévation de la Vierge après sa mort. Chez les catholiques, l’Assomption de Marie est devenue un dogme proclamé en 1950. Il enseigne que Marie, à la fin de sa vie terrestre, est montée au ciel à l’initiative de Dieu. Les orthodoxes, eux, parlent plutôt de la Dormition de la Vierge : Marie s’est endormie dans la mort. Celle-ci n’a pas fait l’objet d’un dogme.