Pour vous, qui suis-je ?

"Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ?" Tel et bien, frères et soeurs, la question essentielle à laquelle le croyant est sans cesse invité à répondre. Car, au coeur de la foi chrétienne, il n’y a pas un catalogue de valeurs, mais une Personne. Pour vous, qui suis-je ? Il s’agit d’une relation, non d’une définition : pour vous qui suis-je ?

Pour les gens de ce temps-là, Jésus est un prophète. Aujourd’hui, certains diraient sans doute qu’il est un sage, un des grands inspirés de notre histoire humaine. Depuis toujours, donc, Jésus interpelle. Chacun a une haute idée à propos de son identité. Un prophète, un sage : c’est ce qu’il y a de plus noble dans notre humanité.

Lorsque Pierre déclare : "Tu es le Messie de Dieu", il fait un pas de plus. "Tu nous viens de la part de Dieu, tu es l’accomplissement de toutes ses promesses. Tu es bien plus qu’un prophète, tu es celui que les prophètes ont annoncé, celui que nous attendions."

Celui qui vient de Dieu

Le christianisme a offert au monde, à notre Europe notamment, les valeurs humanistes de l’Évangile, qu’on le dise explicitement ou non dans le Préambule de la Constitution. Et nous ne pouvons que nous en réjouir. C’est le fruit de l’évangélisation. Mais il nous revient, à nous chrétiens, de garder en mémoire l’identité profonde de celui qui nous a donné cet Évangile. Il vient de Dieu. Dieu fait partie de son identité.

Toute la vie du Christ nous révèle que pour croire en l’homme jusqu’au bout, il faut être enraciné en Dieu. Est-ce un hasard si, au début de l’évangile d’aujourd’hui, Jésus est à l’écart, en prière ? Pour qu’un bâtiment puisse monter haut, il lui faut des assises profondes. Un humanisme qui ne serait pas fondé en Dieu serait bien fragile.

Il ne faudrait donc pas oublier que ce Jésus si proche des hommes savait se tenir à l’écart, dans la prière. Et c’est là qu’il a découvert le visage de son Père, visage qu’il nous a révélé par son propre visage transfiguré. Qui mieux que Jésus a parlé de Dieu comme un Père faisant lever son soleil sur les bons et les méchants, sans conditions préalables ? Avec des accents de poète, il nous a invités à faire confiance à celui qui habille si bellement les fleurs des champs et nourrit les oiseaux du ciel. Avec un talent de conteur, il nous a dit tout l’amour de Dieu jusqu’au pardon lorsque le fils prodigue revient de loin ou que le berger part à la recherche de la brebis perdue.

Quel Messie ?

"Tu es le Messie de Dieu !" Jésus accepte cette profession de foi de Pierre. Mais il sait que nos rêves de puissance peuvent pervertir nos désirs les plus profonds, même religieux. Le Messie, certes, le Christ, l’Oint de Dieu, mais pas pour assouvir quelque rêve nationaliste ou égocentrique. Jésus est bien conscient de toute l’ambiguïté qui peut lester ce titre. Ambiguïté qui se manifestera jusque lors de l’entrée triomphale à Jérusalem, le dimanche des Rameaux. Ce jour-là, Jésus choisira un ânon pacifique et non un cheval de guerre.

Tout en acceptant ce titre de Messie, Jésus fait appel à une autre image, celle du Fils de l’homme, expression qu’il utilise d’ailleurs souvent pour se désigner lui-même. Elle a quelque chose de profondément humain : le Fils de l’homme. Et il y associe la souffrance du serviteur dont a parlé le prophète Isaïe. C’est que Jésus va prendre sur lui toutes nos souffrances pour y faire triompher l’amour. Jésus n’a pas cherché à rejoindre l’homme dans ses grandeurs éphémères, mais dans sa douloureuse condition mortelle.

Cet immense amour fera naître une humanité nouvelle, si bien décrite par saint Paul dans la deuxième lecture d’aujourd’hui. "Il n’y a plus ni Juif ni païen, ni esclave ni homme libre, ni l’homme ni la femme, car tous, vous ne faites plus qu’un dans le Christ Jésus."Un idéal qui devrait résonner à nos oreilles en cette époque de mondialisation.

Un vieux rabbin demandait à des élèves à quoi l’on reconnaît le moment où la nuit s’achève et où le jour commence.- Est-ce lorsqu’on peut sans peine distinguer de loin un chien d’un mouton ?- Non, dit le Rabbin.- Est-ce quand on peut distinguer un dattier d’un figuier ?- Non, dit encore le Rabbin.- Mais alors, quand est-ce donc ? demandèrent les élèves. Le Rabbin répondit :- C’est lorsqu’en regardant le visage de n’importe quel homme, tu reconnais ton frère ou ta soeur. Jusque-là, il fait encore nuit dans ton coeur.

Quelqu’un à suivre

Au coeur de notre foi, donc, il y a une personne, quelqu’un qui nous invite à le suivre. Et voilà qui change notre hiérarchie de valeurs. Peut-on être plus clair : "Celui qui perdra sa vie la sauvera ?" Nous sommes habités, reconnaissons-le, par des rêves de puissance, de grandeur, de gloire. Et, sur notre chemin, nous avons rencontré le Christ qui a vécu tout autrement. Il ne s’agit pas, bien sûr, pour le suivre, de chérir la souffrance, de la rechercher. Mais, dans notre monde, il y a manifestement deux logiques. Celle du battant et celle de l’amant. Jésus nous invite à choisir cette dernière sans demi-mesure. Et, lorsqu’on choisit l’amour, on est, un jour ou l’autre, victime de ceux qui ont fait le choix de la puissance. Mais, ce jour-là, il y a encore moyen d’aimer. Tel est le message de la croix, chemin de vie. Nous pouvons donc lever les yeux "vers celui que nous avons transpercé", car il est ressuscité.

Tu as compris, Pierre ? Il ne te suffit pas de connaître la bonne réponse. Encore te faut-il le suivre jusqu’au bout dans cette logique qui va à contre-courant des évidences du monde. Avons-nous compris, frères et soeurs ? Être chrétien est une aventure de compagnonnage avec celui qui priait à l’écart pour mieux s’approcher de ses semblables et les aimer à la manière de Dieu.

Références bibliques :

Référence des chants :

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