Laissez-nous nous présenter : Nous habitons un pays beau et rugueux à la fois, au sol montagneux et réfractaire, portant à l’action de grâce et à l’adoration de par la majesté de nos Alpes. La haute Vallée du Rhône est héritière de la foi chrétienne dès le 4e siècle. Les premiers témoins en sont les martyrs d’Agaune, suivis des générations qui nous ont transmis la foi. Et pour le présent, en témoignent aussi bien les croix sur nos chemins que la persévérance des chrétiens.

Pays de vignes aussi, notre terre nous prêche la victoire de la vie sur la mort, à condition que la collaboration des Valaisans permette au printemps de faire éclater la vie, et à l’automne d’associer aux dons du Créateur le fruit du travail des hommes, comme sur l’autel, à l’offertoire.

Selon ce portrait, nous ressemblons comme des frères à la plupart des téléspectateurs de ce matin qui se sentent interpellés par le Pape Jean-Paul II annonçant un nouveau millénaire « caractérisé par un profond mélange de cultures et de religions, même dans les pays de christianisation ancienne. […] Cela met (les chrétiens) au défi de témoigner plus fortement des aspects spécifiques de leur identité» (Novo Millennio Ineunte n° 36).

Evitant la nostalgie stérile, renonçons à épiloguer sur l’évolution de la société et sur le fait que l’ancienne civilisation chrétienne paraît souvent davantage «ancienne» que «chrétienne». Du moins en ce qui concerne le milieu culturel. Car il ne faut rien généraliser, ni minimiser l’importance des croyants. Mais tentons de comprendre en quoi consiste ce défi évoqué par le Pape.

Qu’est-ce que nos contemporains attendent de nous ?

. …que nous disions Jésus Christ ? – Mais ne l’ont-ils pas entendu maintes fois, et contemplé dans les formes culturelles, souvent des chefs-d’oeuvre, où nos ancêtres l’ont su traduire ?
Notre défi prend ici un premier relief selon les mots de Jésus : il ne s’agit pas de cultiver d’anciennes racines car « on ne met pas du vin nouveau dans de vieilles outres ; sinon, les outres éclatent, le vin se répand et les outres sont perdues. On met au contraire le vin nouveau dans des outres neuves, et l’un et l’autre se conservent» (Mt 9,17).

. Alors, qu’attend de nous le monde ? – un exemple de pratique généreuse de la vertu de charité ? – mais le monde ne la pratique-t-il pas avec une générosité croissante, car les «Œuvres Catholiques» n’ont plus le monopole de l’assistance sociale et des actions humanitaires ?

. Attendrait-on des chrétiens une contribution au rétablissement moral de la société ? – mais faut-il être chrétien pour prendre des mesures efficaces, éducatives ou politiques contre la criminalité ? pour créer des comités d’éthique ? Sur ce terrain, ne sommes-nous pas piégés par l’étiquette qu’on nous a collée d’une Église moralisatrice, fixée sur la morale sexuelle, ne pouvant plus se faire entendre sur autre chose ni annoncer Jésus Christ ?

Apparemment, le monde, face à l’ancienne culture chrétienne, ne nous demande comme apport spécifique ni que nous disions Jésus Christ, ni que nous prêchions la charité, ni que nous rabâchions la morale.

Ce monde nous demande, parfois à grands cris, non pas tant d’entendre le Christ, mais de Le voir ! Voilà le défi !

Or comment verrait-on le Christ aujourd’hui sinon sur les visages de ceux qui ont contemplé Sa Face ? Et comment contempler Sa Face si nous méprisons la vertu de «religion» ? Le mot le dit bien, «religion» : qui relie, qui entretient des relations, conformément aux trois premières injonctions du Décalogue.

A l’aube du nouveau millénaire, le Pape nous invite instamment à contempler le Visage du Christ, de sa naissance jusqu’à sa résurrection… Le contempler, non pas de façon intellectuelle mais avec la foi, l’amour et l’espérance de ceux qui attendent de Lui le bonheur que le monde ne peut pas nous donner.

Chers frères et soeurs, contemplons le visage du Christ sans nous arrêter aux dévotions «faciles». Il est facile en effet de s’extasier devant le nouveau-né de Bethléem, réconfortant d’entendre le Christ consoler les malheureux, encourageant de Le voir se pencher efficacement sur les malades. Quoique indispensable, notre contemplation du Christ souffrant et mourant sur la Croix ne suffit pas à évangéliser le monde. Ce serait s’arrêter devant le problème le plus insoluble à l’homme et, du coup, méconnaître le Christ intégral. Il faut persévérer jusqu’au bout ! du Vendredi Saint jusqu’à Pâques.

Le Seigneur est ressuscité ! Il a répondu à la question la plus grave qui soit : celle de la mort. Il s’agissait de savoir si Dieu nous aime au point de nous associer à sa vie éternelle. Dieu y a répondu, en paroles,… et en acte. Il a ressuscité Jésus d’entre les morts. Ce fait majeur a galvanisé les Apôtres, il a suscité des martyrs, il nous donne enfin le sens définitif de la vie.

La fête de ce jour nous comble de joie. Mais il faut que le monde voie le Christ ressuscité dans les reflets de nos visages et de nos comportements. Célébrer Pâques ne signifie pas nous adonner à la critique d’autres religions. La resurrection-du-seigneur est un fait qui nous renvoie à nous-mêmes, et qui fonde la spécificité absolue du christianisme. Tel est le défi : démontrer que nous croyons en la Résurrection de Jésus, et finalement à la nôtre.

« Nous ne savons pas quels événements nous réservera le millénaire qui commence,- écrit le Pape – […] Et justement en célébrant la resurrection-du-seigneur), non seulement une fois dans l’année, mais chaque dimanche, l’Eglise continuera à ‘montrer à chaque génération ce qui constitue l’axe porteur de l’histoire…’ […] Je voudrais insister – poursuit-il – […] pour que la participation à l’Eucharistie soit vraiment, pour tout baptisé, le coeur du dimanche. Il y a là un engagement auquel on ne peut renoncer et qu’il faut vivre […] parce que c’est une nécessité pour une vie chrétienne vraiment consciente et cohérente» (N.M.I. n° 35 – 36).

Frères et soeurs, c’est la pratique de la vertu de religion qui nous maintient conscients et cohérents. Pour vaincre le prince de ce monde, Il avait pris la nature humaine, le risque de souffrir, la certitude de mourir et finalement de ressusciter. Avec nous et pour nous, Il a pleuré. Devant la mort de son ami Lazare, Il a été bouleversé.

Au matin de Pâques, ne soyons donc pas troublés par le mélange des cultures et l’évolution des civilisations. Imitons Marie-Madeleine ou Pierre ou Jean. Bouleversés ! C’est-à-dire en rupture de relation au monde, face aux règles de la vie et de la mort. Il faut nous laisser bouleverser par un homme nommé Jésus dont la vie et la mort ont conduit à la Résurrection.

La spécificité du christianisme s’était manifestée dans le bouleversement du calendrier faisant du premier jour de la semaine le Jour du Seigneur. Saurons-nous relever le défi de maintenir, au milieu et dans le mélange des cultures, notre caractéristique propre, la culture du dimanche ?

Pâques nous y appelle ! Nous sommes destinés non pas à communier au monde, mais à le vaincre, à être associés au Christ dans la victoire de la vie sur la mort, notre résurrection future déjà semée et germée dans la sienne au matin de Pâques. Amen.

Références bibliques :

Référence des chants :

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