Frères et S?urs,

Marchant dans le désert, les Hébreux ont soif. Puisque Dieu les a libérés d?Égypte, il est donc tout puissant. Aussitôt ils se tournent vers Lui et vers son représentant, Moïse. Quoi de plus beau que la prière, et la prière de demande ! Mais, aujourd?hui, il faut écouter le ton : récrimination, colère, mise en demeure. Si Dieu ne nous exauce pas, il n?est pas au milieu de nous, s?il n?existe par pour nous, il n?existe pas.

Piètre image de Dieu que se font les Hébreux. Tout puissant, certes, mais entièrement au service de l?homme, fournisseur universel et qui doit, à chaque occasion, prouver son existence en comblant nos besoins comme nos envies.

Piètre image de l?homme aussi : un être assisté, un bébé perpétuel asservi aux biberons qu?un autre doit lui fournir.

Dans la page d?Évangile que nous venons d?écouter, tous nos schémas habituels sur les rapports entre Dieu et l?homme sont mis à l?envers. Ici, c?est Jésus qui est fatigué. Oui, Dieu est fatigué. C?est Jésus qui a soif. Oui, Dieu à soif. C?est Jésus qui demande de l?eau à la femme. Oui, Dieu nous adresse sa prière.

Mais où sommes-nous tombés ? Tout simplement dans le Mystère de l?Incarnation. Dieu a voulu ressentir, de l?intérieur, nos fatigues et nos soifs, nos souffrances et notre mort. Plus tard, devant la catastrophe qui le menacera, il prononcera notre prière d?hommes : ? Délivre moi de cette heure ?. Voyant qu?il ne sera pas exaucé, il connaîtra notre désespérance : ? Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m?as-tu abandonné ? ? Dieu s?est voulu le frère des Hébreux du Désert jusque dans leur prière à courte vue.

Mais aussitôt, Jésus nous prend tous par la main. Ensemble, lui avec nous au bord du désespoir, il nous invite à dire : ? Père, je remets mon esprit entre tes mains ?. La parole de l?espérance dans la nuit, de l?espérance malgré tout.

Il est, en effet, une autre santé que la santé du corps, d?autres soifs humaines qu?aucun puits de la terre ne saurait désaltérer. Il est aussi une autre puissance de Dieu à laquelle nous n?osons pas croire.

? Femme, si tu savais le don de Dieu, et qui est celui qui te dit : donne-moi à boire, c?est toi qui l?aurais prié et il t?aurait donné de l?eau vive ?.

De toute part, pour qui sait écouter, notre monde crie cette soif qu?aucune eau de la terre ne peut étancher. Plus fort que les cris de tant de guerres et de famines, n?entendez-vous pas le cri sourd de la désespérance. Plus fort que les appels de tant de nos jeunes qui ne savent plus où orienter leurs pas, n?entendez-vous pas le cri sourd de la désespérance ?

Devant la soif de nos peuples en guerre, nous savons que la réponse guerrière est sans effet.

Devant la soif de générations entières nous savons ainsi que la réponse économique, ni la réponse policière, pourtant nécessaires, ne suffiront pas. Car c?est d?espérance que nous avons tous soif.

Chrétiens, mes frères, l?eau capable d?étancher la soif profonde des hommes d?aujourd?hui, Jésus, auquel nous prétendons croire, nous dit depuis vingt siècles que nous en portons la source en nous, extraordinaire puits artésien, ? source jaillissante en vie éternelle ?. Comment se fait-il que cette eau n?arrive pas à se répandre tout autour de nous ?

Ne serait-ce pas que nous aurions transformé le puits de Jacob, ouvert à tous dans l?immensité du désert, en une morne citerne, bien calfeutrée contre l?évaporation et vouée au strict usage interne de notre bastion fortifié.

Il n?est que de voir la tristesse et l?angoisse de tant de chrétiens devant le démantèlement de notre forteresse, devant l?écroulement de tant de nos institutions.

Mais depuis quand l?avenir de l?Eglise reposerait-il sur la solidité de nos constructions humaines, si saintes soient-elles ou sur le nombre de ses membres ? Et si tous ces effondrements auxquels nous assistons aujourd?hui avaient pour effet de libérer enfin cette eau qui ne cherche qu?à jaillir mais qui ne peut le faire qu?à une condition : c?est qu?elle n?apparaisse jamais comme la propriété de quelques-uns puisqu?elle est don de Dieu, elle est Dieu qui se donne et qui se donne à tous.

Dans l?Eucharistie, nous allons célébrer Dieu qui se donne aux hommes et cette eau qui jaillit du c?ur ouvert du Christ. Il nous est demandé d?être les colporteurs, les modestes diffuseurs de ce don unique. À nous de nous vouloir joyeux bénéficiaires et humbles serviteurs.

Références bibliques :

Référence des chants :

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