Jésus a chassé les vendeurs du temple? Pourquoi ?

Pourquoi ne pas l’avouer, ce passage d’évangile nous choque. Nous n’aimons pas voir Jésus en colère. Mais il n’y a pas d’échappatoire, Jésus, ce jour-là, a été violent. Les quatre évangélistes – quatre sur quatre – ont raconté la scène. L’enjeu doit être de taille.
 HIER, les témoins de la scène ont été horrifiés. Qu’est-ce que Jésus voulait leur dire ?
 AUJOURD’HUI, à la lecture de ce texte, nous sommes étonnés. Qu’est-ce que Jésus veut nous dire ?

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HIER, qu’est-ce que Jésus voulait dire aux gens qui se pressaient dans le temple ? Pourquoi a-t-il mis tant d’acharnement contre les marchands et les changeurs ? Car enfin, la présence des marchands n’était pas facultative. Les marchands étaient indispensables pour que puisse exister le culte. Il fallait bien les bêtes qu’on offrait en sacrifice. Ce sont eux, les marchands, qui ont vendu à Joseph et Marie les deux petites colombes, lors de la Présentation de Jésus au temple. Il fallait bien aussi les changeurs d’argent. Ils étaient là pour que la monnaie impie à l’effigie de César n’entre pas dans l’enceinte sacrée. C’eût été pour eux un sacrilège !

Si bien qu’en faisant ce geste, Jésus ne s’attaquait pas seulement aux marchands, mais il s’en prenait au culte lui-même. En renversant les comptoirs, il renversait la religion.
 Comment comprendre ?? Impossible de comprendre si on ne sait pas que la violence de Jésus se rattache à la grande lignée des prophètes. Bien avant Jésus, les prophètes n’y allaient pas de main morte pour dénoncer les pratiques du temple. Savez-vous quelles paroles Isaïe mettait dans la bouche de Dieu ?

" Je suis rassasié de vos holocaustes de béliers et de la graisse des veaux. N’apportez plus vos offrandes inutiles. C’est pour moi une fumée insupportable. Recherchez plutôt le droit et la justice. "

Le prophète Amos en rajoute encore : " Le sacrifice de vos bêtes grasses, dit Dieu, je ne le regarde plus. Écartez de moi le bruit de vos cantiques. Que je n’entende plus la musique de vos harpes. Mais que le droit coule comme l’eau et la justice comme un torrent qui ne tarit pas. "
Les prophètes dénonçaient, et avec quelle vigueur, l’incohérence entre ce qu’on célébrait dans les temples et ce qu’on pratiquait dans la vie quotidienne.

C’est sûrement cela que Jésus dénonçait lui aussi, ce jour-là, auprès des familiers du temple.

Mais, il y avait encore plus. Le prophète, c’est celui qui voit venir les temps nouveaux au point de s’impatienter devant la survivance des temps révolus. Marchands de bestiaux et changeurs n’ont qu’un défaut, ils sont révolus, ils sont dépassés ! Un nouveau culte arrive. Le " culte en esprit et en vérité " se célèbrera au nouveau temple. Le nouveau temple, c’est moi, dit Jésus. " Détruisez ce temple, et moi, en trois jours, je le rebâtirai. " Jésus fait allusion à sa mort et à sa résurrection, le troisième jour. Personne ne comprend cette phrase énigmatique, même pas les disciples. Jésus prédit à l’avance : " Vous pouvez détruire ce temple, puisque je suis là. " Désormais, le lieu de la rencontre de l’homme avec Dieu, ce ne sera plus le temple, ce ne sera plus un lieu, mais c’est Quelqu’un : le Corps du Christ et d’innombrables frères et soeurs avec qui Jésus ne fait qu’un !

En chassant les vendeurs du temple, ce que Jésus a voulu dire est immense !

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Et à nous, AUJOURD’HUI, qu’est-ce que Jésus veut nous dire ? Est-il possible que les mots des prophètes s’adressent à nous ? " Écartez de moi le bruit de vos cantiques. Que je n’entende plus la musique de vos harpes ! " Comment oserais-je faire écho à ces paroles dans cette paroisse vietnamienne ? Comment le ferais-je quand je sais qui vous êtes, quand je sais combien parmi vous sont des " boat-people " qui ont pris tant de risques pour fuir le régime qui s’est instauré dans votre pays en 1975. Vous vouliez vivre libres et pouvoir vivre votre foi chrétienne. Quand je sais que, de tous les coins de Paris, vous venez fidèlement ici participer à la messe. Vous n’êtes pas moins de mille chaque dimanche. Et deux cent cinquante enfants suivent le catéchisme. Je n’en finirais plus de décrire le dynamisme de votre communauté.

Je pense aussi à vous qui priez avec nous devant votre télévision. Comment ferais-je écho aux paroles sévères de Jésus devant vous ? Depuis trop longtemps la mauvaise santé vous retient à la maison, mais vous attachez tant d’importance à cette messe du " Jour du Seigneur " qui est la respiration de votre semaine.

Non, décidément, il n’est pas question de faire taire une communauté vivante.

Mais, mes amis, ils attachaient aussi beaucoup d’importance à la messe, ces chrétiens du Brésil? Helder Camara, qui était leur évêque raconte cette histoire : " Un jour, des fidèles viennent me demander de célébrer une messe de réparation dans leur village. Pourquoi ? Parce que des voleurs ont pillé l’église, ils ont cassé le tabernacle, emporté les ciboires et, en partant, ils ont jeté les hosties dans la boue. J’y suis allé, bien sûr, et je leur ai dit : ‘Vous êtes horrifiés parce que le Corps du Christ a été jeté dans la boue. Vous avez raison. Mais, n’oubliez pas qu’ici et ailleurs, le Corps du Christ est jeté dans la boue quand les plus pauvres, les plus petits sont écrasés, humiliés’."

À la lumière de ce récit, vous voyez que les paroles du Christ n’ont rien perdu de leur actualité. " Ne faites pas de ce temple une maison de trafic ! " Aujourd’hui encore, le Corps du Christ est livré aux marchands : corps d’hommes et de femmes, vendus, prostitués, humiliés, suppliciés. Et que dire de ces hommes, de ces femmes, de ces enfants qui pourraient être écrasés par les missiles ? Cela mérite bien la colère et l’indignation de Jésus. Il nous redit encore ce matin : " N’abandonnez pas mes frères aux marchands et aux brigands ".

Devant tout ce qui défigure, mercantilise, profane le visage de l’homme et donc le Corps du Christ, notre devoir est de protester et de résister.

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Chers amis de la paroisse vietnamienne, comment vous dire notre reconnaissance pour le témoignage d’espérance et de joie que représente votre communauté. Puisse cette rencontre avec vous nous stimuler tous, en cette fin de carême, à prendre très au sérieux l’avertissement sévère du Christ que nous avons entendu tout à l’heure : " Attention, attention !? pas d’incohérence entre ce qu’on célèbre dans les églises, le dimanche, et ce qu’on pratique dans la vie quotidienne ! "

Références bibliques :

Référence des chants :

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