L’Eucharistie que nous célébrons parfois de manière si routinière est une réalité grandiose. C’est la fête de Dieu pour les hommes. Et tout est emporté dans un tourbillon de joie. Notre vie quotidienne, symbolisée par le pain et le vin, comme par Melkisédék dans la première lecture, est transfigurée. Dieu l’accueille et en fait le signe d’une alliance entre lui et nous. La mort de Jésus, qui reprend toutes nos morts humaines, nous est offerte comme le triomphe de l’amour, la victoire de la vie. Dans chaque eucharistie, par-delà tous nos rassemblements humains, celui de la multiplication des pains et tant d’autres, Dieu nous annonce le plus grand rassemblement du Royaume où lui-même sera notre nourriture, et où plus personne n’aura faim.

Ils étaient 5000 personnes, sans compter les femmes et les enfants. Pour l’époque, c’était une foule considérable. Mais que cherchaient-ils ?

Les humains ont toujours eu besoin de se rassembler pour trouver ensemble un sens, un mieux-être, une espérance. Ne croyez-vous pas qu’il y a quelque chose de cela dans les grands rassemblements de ces jours-ci à l’occasion du Mondial, symbole d’amitié entre les peuples ? Ce n’est pas le ballon rond qui attire, mais le fait que des hommes peuvent se rassembler sans armes dans une saine compétition, animés par un esprit d’équipe, acceptant des règles communes. Il y a sans doute beaucoup d’argent en jeu, mais les valeurs positives et humaines sont premières pour beaucoup. Et ne sera-ce pas le même enjeu lors des fêtes septennales du mois d’août, ici à Huy ?

Je ne puis m’empêcher de me souvenir d’un autre rassemblement, celui de Paris l’été dernier sur l’hippodrome de Longchamp. C’étaient les JMJ. Le dimanche matin, nous étions 1 250 000, semble-t-il. Mais que cherchait cette foule composée majoritairement de jeunes, sinon un sens à leur jeunesse en panne d’espoir ? Qu’attendaient-ils, sinon de pouvoir se rencontrer par-delà les frontières des peuples, des langues et de cultures, pour oser croire ensemble à une humanité plus fraternelle ? La foule était bigarrée, mais enthousiaste. Ces jeunes voulaient rencontrer d’autres visages venus des quatre coins de la planète, et partager avec eux un même idéal, une même espérance. Et Jean-Paul II a su rencontrer cette attente tout comme Jésus trouvaient les mots qui parlent au coeur et les gestes qui guérissent.

Bien sûr, à Longchamp tout le monde n’était pas venu parce que le pape est le " vicaire du Christ sur la terre ", ou parce que la messe du dimanche est obligatoire. Dans toute foule, il y a de l’ambiguïté. Du temps de Jésus aussi. Croyez-vous qu’ils étaient tous venus pour ses paroles ? Certains se contentaient d’attendre un petit miracle pour eux. Mais ce qui est certain, c’est qu’au coeur de chacun il y avait une attente, et que Jésus a su les rencontrer là où ils en étaient.

Pour que le Mondial réussisse, il faut que chacun y mette du sien. Pour que les JMJ aux proportions imprévues soient une réussite, il a fallu bien du dévouement durant des mois. A Longchamp, on pouvait voir des jeunes, garçons et filles, tee-shirt vert et chapeau de paille, avec sur le dos la mention : volontaire. Une Église, tout comme la société d’ailleurs, ne peut vivre que si chacun est volontaire et prend sa part de responsabilité, gratuitement.

Comment sommes-nous engagés dans notre paroisse, dans notre communauté chrétienne ? Que ferons-nous pour que l’Eglise de demain vive et soit signe de ce rassemblement que Dieu prépare pour tous les hommes ? Nous ne sommes plus au temps où cette " institution vénérable " tenait toute seule. On y entrait pour se servir, et si on la quittait, elle continuait sans nous. Aujourd’hui, sans les croyants, elle ne tiendra plus. Et c’est une chance : elle est devenue notre affaire. Du temps de Jésus, il en fut déjà ainsi : " Donnez-leur vous-mêmes à manger. " Jésus avait besoin de ses disciples, comme il a encore besoin de nous aujourd’hui. Les foules, nos contemporains tout comme nous -mêmes, sont encore affamées d’espoir. Qui va les nourrir ? Quelle parole apportons-nous ? Faisons-nous encore par notre vie écho à l’Évangile que Jésus proclamait ce jour-là ?

On raconte chez les Chinois que quelqu’un voulut un jour donner une grande fête et invita chacun à apporter une bouteille de vin. Une jarre, à l’entrée de la salle de réception, devait accueillir ce que chacun y verserait. Lorsque le maître du repas envoya un serviteur puiser, on ne trouva hélas que de l’eau… Chacun ayant pensé que tous les autres apporteraient du vin, s’était cru dispensé d’en faire autant.

L’Eucharistie, cependant, n’est pas faite seulement de ce petit peu que nous apportons. Elle est d’abord et avant tout le don total que Jésus fait de lui-même, car il est mort pour " rassembler dans l’unité les enfants de Dieu dispersés ", dit saint Jean (Jean XI, 52). La multiplication des pains annonce ce grand rassemblement de toute l’humanité au coeur de Dieu. Ce rassemblement a commencé bien petitement. Ils étaient quelques-uns ce jeudi-là, lors de la dernière Cène, premier acte de la Passion.

Les apôtres n’ont sans doute pas bien compris ce don que Jésus faisait de lui-même. Mais, à la lumière de Pâques, ils ont saisi que seul l’amour jusqu’au don de soi peut vaincre la mort et rassembler les hommes dispersés. Lorsque saint Paul, dans la seconde lecture, rapporte aux Corinthiens ce qu’il a reçu de la tradition qui vient du Seigneur, il est face à une communauté divisée. Ils célèbrent le repas du Seigneur (1 Corinthiens XI,18), mais il n’y a pas entre eux un partage véritable. Célébrer en vérité l’Eucharistie, c’est entrer dans cette dynamique du partage qui va jusqu’au don de soi, dans l’espérance qu’un jour – le jour où le Seigneur viendra –, nous serons un dans l’amour. Ce sera alors la Fête de Dieu qui nous a créés pour nous rassembler dans son Royaume.

Nous allons maintenant poursuivre cette célébration, mais au nom de toute l’humanité. Nous sommes en effet, de par notre baptême, un peuple de prêtres. Nous n’apportons pas seulement notre pain et notre vin, mais celui de tous les hommes. Le pain et le vin sont le fruit de la terre que Dieu nous a donnée, mais aussi du travail des hommes, croyants comme incroyants… Ils sont le symbole d’une humanité qui, par son labeur quotidien, travaille pour qu’un jour nous soyons tous rassemblés dans l’amour, et qu’ensemble nous entrions dans la grande fête que Dieu prépare pour tous les hommes depuis l’aube des temps.

Références bibliques :

Référence des chants :

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