Vous savez que dans l’évangile de Luc, il y a deux récits d’annonciation. Le premier, c’est celui de l’annonce faite à Zacharie. Ce prêtre du temple de Jérusalem, époux d’Elisabeth, à qui l’ange Gabriel vient annoncer que sa femme stérile va avoir un fils. Zacharie a du mal à croire ce qui relève en effet de l’impossible, et l’ange, d’une certaine manière repart bredouille. Zacharie reste sans voix. Gabriel est envoyé ensuite dans une autre contrée, dans une autre ville du pays d’Israël : Il est envoyé en Galilée, là-bas dans cette Galilée des nations, cette terre considérée bien souvent comme impure : il s’y côtoie en tel mélange de populations, et on y trouve des gens qui ne respectent pas, semble-t-il, toutes les prescriptions religieuses. Il est envoyé à une jeune fille obscure de 14 ou 15 ans ; elle a été promise à un homme, mariée à Joseph, de la maison de David. Quand bien même nous la savons aujourd’hui véridique, c’est une histoire absolument incroyable : incroyable car dans l’histoire biblique, jamais encore Dieu ne s’était adressé comme cela à une femme, jamais encore il n’avait envoyé un ange à une femme. Vous pouvez reprendre toute votre Bible, avant Marie, jamais cela ne s’était produit. Et ce que dit cet ange à une jeune fille ? Des choses absolument époustouflantes : " Tu vas avoir un fils, et tu lui donneras le nom de Jésus ", c’est-à-dire Dieu sauve, et ce fils sera considéré, " sera appelé fils du Très-haut ", et même " Fils de Dieu ".
 C’est d’autant plus incroyable que le statut de la femme, en ce temps-là en Palestine, mettait celle-ci complètement à l’écart des choses du sacré. Une femme ne pouvait guère s’avancer dans une synagogue ; elle n’avait pas le droit de toucher aux rouleaux de la torah, les rouleaux de la Bible : elle ne pouvait pas entrer à l’intérieur du sanctuaire, là où Dieu était sensé être présent d’une manière particulière ; elle ne pouvait même pas s’adresser à un prêtre et encore moins le toucher, tant on craignait qu’elle ne soit en période de règles et qu’elle ne rende impures toutes les choses saintes.
 Et bien voilà, c’est à une femme, à une de ces êtres considérés sans importance, que l’ange de Dieu vient dire : Dieu va te couvrir de son ombre ". C’est le blasphème le plus total ! Essayons d’imaginer ce que cela pouvait représenter pour une jeune fille pieuse : voilà qu’un ange vient lui dire des choses contraires à tout ce qu’elle avait appris. On lui avait dit que Dieu était l’insaisissable, l’inconnaissable, qu’on ne pouvait pas le voir sans en mourir, qu’on ne pouvait même pas prononcer son Nom. – Vous savez qu’encore aujourd’hui les juifs ne prononcent pas le nom de Dieu, ils emploient d’autres expressions, mais le Nom de Dieu tels qu’il a été révélé à moïse jamais n’est prononcé, on n’ose même pas le lire. – Et bien voilà qu’il est dit à cette jeune fille pétrie de foi Juive : Dieu pour toi ne sera pas l’insaisissable, l’inconnaissable, parce que sa lumière va s’incarner en toi. Voilà qu’on vient lui dire que Dieu ne sera pas celui qu’on ne peut pas nommer, puisqu’en elle sera conçu un enfant qui portera le Nom de Dieu : Dieu sauve " !
 Imaginez ce que cela a pu représenter : Marie, en acceptant cela, prend le risque d’être considérée comme adultère – des traditions juives des premiers siècles présentent d’ailleurs Marie comme une femme de mauvaise vie -. Elle prend ce risque-là, Marie, qui peut aller jusqu’à la mort par lapidation par les hommes de la ville selon la coutume de l’époque. Il y a bine de quoi dire, alors, que Marie a été complètement bouleversée par les paroles qu’elle a entendues. Et cependant elle accepte.
 Vous aurez repéré que Marie ne dit pas que c’est impossible ; du coup, elle ne reste pas sans voix, comme Zacharie. Marie s’interroge simplement sur le comment " Comment cela peut-il se faire puisque je suis vierge ? " L’ange va la rassurer " Ne crains pas, Marie, l’ombre de Dieu va se porter sur toi ".
 Si Marie accepte, c’est parce qu’elle est prête. Parce que depuis sa tendre enfance, elle vit en harmonie avec la Parole de Dieu, avec ce que Dieu peut attendre d’elle. Elle sait que Dieu est créateur, et pas seulement créateur dans le passé, mais créateur sans cesse, et qu’il nous renouvelle en permanence. Marie sait que Dieu est vivant et que ses forces de vie peuvent nous saisir. Alors elle accepte cet appel à la vie, elle accepte que la vie même de Dieu entre en elle. Elle est donc prête à tous les risques : " Voici la servante du Seigneur, qu’il me soit fait selon ta parole ".
 Je crois qu’on pourrait appeler Marie : " Marie-Courage ". Marie-Courage, parce qu’elle n’a pas craint d’accepter quelque chose qui, encore une fois, allait contre l’orthodoxie ; quelque chose qui apparaissait comme hérétique aux juifs et au peuple d’Israël. Elle n’a pas craint de sortir, finalement, d’une religion toute faite, des traditions qu’on lui avait enseignées et contre lesquelles elle n’avait pas de raison jusque-là de se rebeller. D’une certaine manière, cette Marie-Courage est la première de cordée de tous ceux qui, dans l’histoire humaine, hier, aujourd’hui et demain, sont disponibles aux appels de Dieu, sont disponibles à ce Dieu qui peut venir là où on ne l’attend pas. Ce Dieu qui bien sûr est présent dans le Temple, dans nos églises, comme ici, mais qui est aussi présent tellement partout ailleurs, même là où on ne l’attend pas, même là où on aurait le sentiment que ce serait trop impur pour que Dieu surgisse.
 Marie première de cordée, Marie-Courage, mais aussi Marie, notre soeur aînée, parmi tous ceux et celles qui sont persuadés que Dieu nous offre toujours la vitalité, la nouveauté, parmi tous ceux qui sont à la recherche de ce Dieu qui vient. Marie, parfois, dans nos églises, nous avons tendance à la regarder presque comme une déesse, comme un personnage très, très loin de nous, un personnage entre Dieu et les hommes. Marie reste femme, complètement. Et il faut retenir qu’elle a été bouleversée. On voit bien que pendant la passion de Jésus, c’est une femme blessée, cassée, torturés, et, sans doute, après la mort de Jésus, elle l’est restée. Marie, c’est une femme comme nous. Et nous lui devons la vénération, celle qui est entre l’amour que nous portons à quelqu’un de très cher, et l’adoration que l’on doit à Dieu seul. Mais plus encore, nous devons avoir l’envie de la suivre, d’être comme elle disponibles, sans crainte, nous interrogeant seulement sur le " comment " : comment Dieu peut faire en nous des choses extraordinaires… Marie nous pouvons la suivre parce qu’elle est un exemple de tendresse, de sourire, de fragilité aussi.
 L’ange lui avait promis : " Tu seras bénie entre toutes les femmes toutes les générations te diront bienheureuse ". Alors, oui, salut, " Marie comblée de grâce, le Seigneur est avec toi, prie pour nous, pauvres pécheurs, maintenant et à l’heure de notre mort ". Amen.

Références bibliques :

Référence des chants :

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