Chacun à notre manière, dans notre relation au Christ, nous sommes engagés sur le chemin d’une transformation profonde. Ce chemin d’Emmaüs passe, pour les disciples que nous sommes, par le découragement et l’écroulement de nos illusions. Mais il nous ouvre aussi à une nouvelle espérance, à l’avenir du Ressuscité.

Pour nous aider à comprendre ce chemin, je voudrais vous livrer ce témoignage tiré de mon ministère d’aumônier de prison.

Jean-Pierre était entré en prison depuis quelques mois. Comme pour beaucoup de ceux qui font cette expérience, cela avait été pour lui un choc, une rupture. Sa femme l’avait quitté. Il n’avait plus de nouvelles de sa petite fille. Un terrible sentiment de désespoir et de solitude s’était emparé de lui.

Un jour, à bout d’exaspération et de rage, il a craqué. Il a tout cassé dans sa cellule. Le résultat ne s’est pas fait attendre. Il a été conduit dans la cellule de punition, le « mitard ».

Démuni de tout, plongé dans l’isolement, il n’avait plus que ses yeux pour pleurer. Au sortir du mitard, Jean-Pierre était un homme brisé. C’est alors qu’il a rencontré un visiteur de prison. À la première rencontre Jean-Pierre a expliqué sa situation : « Ma femme m’a quitté, je n’ai plus de nouvelles de mon enfant. Ma vie s’est écroulée. Il n’y a plus d’espoir. Je n’existe plus pour personne ! »

Alors, doucement le visiteur s’est mis à lui parler : « Non… Moi, je puis t’assurer que tu n’es pas seul. Il y a auprès de toi quelqu’un que tu ne connais pas. Quelqu’un qui t’aime tel que tu es. Quelqu’un qui a montré qu’il était proche des isolés, des exclus, des prisonniers… »

Et avec ses mots à lui, le visiteur lui a parlé de sa foi au Christ ressuscité, vivant.

Peu de temps après, je recevais une lettre de Jean-Pierre : « Monsieur l’aumônier, venez vite, j’ai quelque chose d’urgent à vous dire. »

Je suis venu voir Jean-Pierre et il m’a raconté cette étrange rencontre au coeur de sa nuit. Et il a ajouté ceci : « Les paroles que j’ai entendues ce jour-là m’ont fait revivre ! J’étais comme un noyé au fond d’une piscine. Et ce fut comme le coup de pied qui m’a fait remonter à la surface… Et maintenant, faites-moi connaître ce Jésus dont on m’a parlé. »

Jean-Pierre est venu à l’aumônerie de la prison. Il est devenu membre de cette petite communauté. Il est entré en relation avec Jésus comme avec une personne vivante en entendant la parole de l’Évangile. Il l’a reconnu présent à la fraction du pain dans l’Eucharistie. Et il a repris son chemin dans la vie.

Ce témoignage peut nous aider à comprendre le chemin que chacun de nous est appelé à parcourir à la rencontre du Ressuscité. C’est toute l’aventure de notre vie de baptisé.

Tout d’abord, c’est lui qui s’approche. Il vient comme un passant. Il se fait accueillir comme l’inconnu sur la route. Il peut prendre le visage de cet homme qui a parlé à Jean-Pierre ou de ceux qui un jour, par leur amitié, nous ont révélé une présence. Il se fait proche avec humilité et discrétion. Apparemment, il ignore tout des événements qui se sont passés. Mais c’est lui qui détient la clé de leur compréhension. Il ajuste ses pas aux nôtres. Avec lui nous ne nous sentons plus seuls.

Alors surgit la parole. La nôtre tout d’abord pour répondre à sa question : « Quels événements ? » « Pourquoi pleures-tu ? » demandait le visiteur à Jean-Pierre… Et il nous faut raconter notre histoire d’homme, de femme, celle qui nous a fait unique, avec ses joies, ses blessures. Trouver les mots pour le dire. Décrire le chemin de ces espoirs et de ces déceptions. Tenter de faire la vérité… « À vrai dire… » disent les disciples. Oui, il s’agit de vrai dire… Et c’est déjà un chemin de liberté. « La vérité vous rendra libres. »

Puis vient le temps des Écritures. « Et il leur expliqua… » Ces Écritures viennent questionner, éclairer le chemin de notre vie. Et cela peut donner naissance à une symphonie. Au coeur de notre vie, une autre vie murmure comme une source, quelque chose comme une passion naissante. « Ne fallait-il pas que le Christ endurât ces souffrances ? » Et nous comprenons peu à peu qu’il n’y a pas « de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis ». Déjà, nous nous sentons de ses amis.

Ces Écritures ont leur poids d’expérience. Déjà elles se traduisent en actes. Et c’est le signe de l’hospitalité : « Reste avec nous, car le jour baisse. » Cette hospitalité, vous en savez le prix, frères et soeurs venus de Madagascar. L’accueil de l’autre, de l’étranger est aussi une clé de notre relation au Ressuscité. « Qui vous accueille m’accueille » disait Jésus.

Alors, dans l’intimité de l’auberge, le voile se déchire. Cette étrange passion qui, sur le chemin, rendait déjà notre coeur brûlant, prend un visage : celui du Christ Vivant. Le geste simple du pain que l’on partage révèle une Présence, un Amour qui a passé la mort, qui l’a regardée en face. Un Amour éprouvé : Celui du Ressuscité. Et c’est le temps de cette Eucharistie que nous allons partager, signe de Sa Vie donnée, invitation pour nous à entrer dans ce don.

Seulement voilà ! Au moment où nous serions tentés de nous replier sur cette intimité, le Ressuscité disparaît. Nous comprenons alors qu’il est vain de retenir pour soi le Vivant. Cette séparation ouvre un chemin nouveau de relations avec les autres frères. Et c’est le temps de l’Église.

Frères et soeurs de la communauté malgache, cette célébration de votre anniversaire retransmise par la télévision prend une nouvelle signification. Elle ne vous replie pas sur votre identité culturelle. Elle vous situe dans la communion de toute l’Église. Par le canal de la télévision, vous êtes en communication avec le peuple des téléspectateurs. C’est votre manière de rejoindre vos frères dans la foi et de leur dire avec vos mots, vos chants, vos rythmes, votre culture : « C’est vrai, le Christ est ressuscité ! »

Références bibliques :

Référence des chants :

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