Nous venons d’entendre deux récits magnifiques : un récit de montagne, un récit de mer. La montagne d’abord : 9 siècles avant Jésus-Christ, Elie, le prophète à l’Horeb, la haute montagne du Sinaï, la montagne de Moïse, va voir passer Dieu (1R 19).

La mer ensuite. La petite mer de Galilée, mais une vraie mer avec ses dangers, ses vents, ses tempêtes. « Si c’est toi, crie Pierre, dis-moi de venir vers toi. » « Viens », répond Jésus. Pierre vient. Il a peur, il coule, Jésus le prend par la main.

Ici, aux Saintes-Maries, point de montagne (altitude :1 m !) mais la mer, oui, et quelle mer ! De pieux et vénérables récits nous racontent l’arrivée miraculeuse en ces lieux d’une étonnante équipe. Pensez donc : Lazare et ses deux soeurs Marthe et Marie, Marie Jacobé, Marie Salomé mère de Jean et de Jacques, Sarah la noire, la belle, Maximin et Ixidoine ! Ça n’étonne pas tellement le breton que je suis, enfant d’une autre mer, celle d’Armorique qui était fasciné par les récits merveilleux racontant comment les moines celtes, venant d’Irlande ou d’Angleterre, traversaient la Manche dans d’énormes auges de pierre, tenant haut leur manteau en guise de voile.

Il m’a semblé que ces deux récits, la montagne et la mer, mettaient bien en relief les deux faces, les deux aspects de notre foi chrétienne.

La montagne d’abord. Elie est un homme pourchassé, traqué ; on veut le tuer ; il veut mourir à l’entrée du désert ; mais on le secoue, on lui dit : « Mange, marche 40 jours dans ce désert, et monte ; le Seigneur va passer pour toi. »

Cet homme va voir Dieu. Il y eut un ouragan qui fendait la montagne, brisait les rochers, mais le Seigneur n’était pas dans l’ouragan ni dans le tremblement de terre, ni dans le feu ; et après le feu, « le bruit d’une brise légère », « le murmure d’un vent tranquille », « une voix, un silence subtil ». Dès qu’Elie l’entendit, il se voilà le visage avec son manteau, il sortit et se tint debout à l’entrée de la grotte. Le Seigneur passait.

Dieu, on ne le voit pas. « Si tu rencontres Dieu, tue-le, ce n’est pas lui », dit un proverbe d’Orient. Quatre siècles plus tôt, sur cette même montagne, Moïse a voulu voir Dieu. « Fais-moi voir ta face. ».« Si on voit Dieu, c’est qu’on est mort » lui est-il répondu. Le Seigneur cache Moïse dans la fente d’un rocher, passe devant lui, de toute sa gloire, mais le couvre de sa main. « Tu me verras, mais de dos ». On ne voit Dieu que de dos. Un sillage, une trace, dit Jean de la Croix, un parfum, « comme un silence ». Personne ne met la main sur Dieu. Malheur aux propriétaires tranquilles de Dieu qui savent tout de lui.

Après la montagne, la mer. Dans une barque de pêcheurs, quelques hommes se sont affrontés toute la nuit à une mer hostile. Aux premières lueurs de l’aube, un fantôme s’avance vers eux sur les flots. Pris de panique, ils crient. « N’ayez pas peur, leur dit-il, c’est moi. » Oui, c’est lui, celui sur qui ces hommes ont joué leur vie. Pour lui, quelques mois plus tôt, ils ont tout laissé. Ils ont reconnu sur le visage de cet homme la splendeur de Celui qu’on ne voit pas, la perle précieuse, le trésor. « Seigneur, dit Philippe, fais-nous voir le Père, et ça ira bien ». « Philippe, dit Jésus –j’en suis sûr, avec un sourire – il y a si longtemps que je suis avec vous, et tu ne me connais pas. Philippe, qui m’a vu a vu le Père. » Cette phrase est pour moi la plus forte de tout l’Evangile.

Ces hommes ont été entraînés dans une folle équipée qui va mal finir. Et ici, déjà, il vient de les lâcher ; il les lance dans l’aventure de la nuit. « Passez sur l’autre rive. » Seuls, sans lui. Le voilà qui revient . « Si c’est toi, crie Pierre , rends-moi fou, dis-moi de venir vers toi. » « Viens ». Pierre marche, mais les vagues sont fortes, il a peur, il coule, il appelle au secours. Jésus est là, lui prend la main, et là aussi j’en suis sûr, avec un sourire, il lui dit : « Pourquoi as-tu eu peur ? »

Voilà la montagne et la mer. Personne ne voit Dieu, mais dans notre histoire, un visage d’homme, un regard et un sourire d’homme nous disent tout de Dieu . Il faut donc s’enraciner dans cette histoire, rejoindre, de mains tendues en mains tendues, la main même de Dieu fait homme. Les saintes Maries sont des relais. Elles ont connu Jésus.

Pour terminer, je voudrais souligner ceci : il y a quelque chose de commun entre ces deux récits, c’est l’angoisse et la peur de tous.

Elie a peur, il veut mourir, « je ne suis pas meilleur que mes pères, j’en ai assez ». « Debout », lui est-il répondu, « mange, marche et monte vers ton Dieu. »

Pierre a peur ; il perd coeur, il perd pied. La mer est rude pour lui, pour ses compagnons. Ils sont terrifiés, pris dans une dépression qui, bien sûr, « arrive par l’ouest. »

Et nous ? Il y a des jours où on est plutôt en forme. On « surfe », « ça plane », « ça baigne » ; et puis le temps vient de la détresse, de l’angoisse. Il y a dans nos vies des temps et des zones de haute pression et des temps de basse pression, de dépression. C’est l’heure de la difficile espérance ; pour Elie, pour Pierre, pour chacun de nous. Mais l’heure où on coule, c’est aussi l’heure du souffle dans le silence, le murmure d’un vent tranquille, l’heure de la main tendue.

Ce n’est pas parce que c’est la marée est basse qu’il y a moins d’eau dans la mer. Ce n’est pas parce que la lune, un moment, éclipse le soleil, que le soleil ne brille plus.

Dieu est Dieu ; il n’en finit pas de donner sa Parole, de partager son Souffle, de donner la main.

Références bibliques :

Référence des chants :

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