Ils ont de 9 à 11 ans. Ils sont quarante-deux garçons et filles. Il fallait les voir, les entendre, ce mercredi-là. La journée était tout entière consacrée à préparer leur première communion. Ils en ont compris des choses sur l’Eucharistie, la messe, le pain, la communion !

Eh bien ! Je me suis dit que la réflexion de ce mercredi n’intéressait pas que les enfants et que les adultes que nous sommes y auraient trouvé un bon recyclage sur l’Eucharistie.

Tenez ! Il y a des légendes qui sont tellement suggestives pour les enfants qu’elles sont également très parlantes pour les parents. Écoutez donc cette légende que les enfants ont appréciée. Vous la connaissez peut-être, elle est de Tagore. Je la résume pour vous, ce matin.

Cela se passe en Inde. La contrée est très pauvre. Un homme, plus pauvre que les autres, marche interminablement sur les sentiers brûlés par le soleil. Il va de porte en porte, de masure en masure, mendier sa nourriture. La légende veut que ce soit du blé qu’il recueille ainsi. À la fin de ses journées, le petit sac de toile qu’il tient à la main est loin d’être rempli.

Un jour, son coeur a battu très fort quand il a aperçu, dans un nuage de poussière, quatre chevaux qui tiraient un carrosse : « Ah ! si seulement ce prince me voyait et daignait s’arrêter ! S’il me donnait une pièce d’argent ou d’or ! »

Eh oui ! les chevaux ralentissent, s’arrêtent. La porte du carrosse s’entrouvre. Un homme au regard plein de bonté fait signe au mendiant de s’approcher et lui dit : « Donne-moi ton blé ». Le malheureux, déconcerté, hésite, puis retire un grain de blé de son petit sac. L’attelage repart laissant le pauvre désespéré, qui rentre rapidement chez lui, plus triste que jamais.

Le soir, en vidant son sac de blé dans un bol, quelle ne fut pas sa surprise d’apercevoir un petit grain d’or !

« Ah si seulement j’avais consenti à lui donner tout le contenu de mon sac ! »

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On est loin de l’Eucharistie semble-t-il ! Mais non, pas du tout !

À la messe, le Seigneur nous demande à nous aussi de lui donner notre blé, quelque chose de notre « pain quotidien », de notre vie quotidienne. C’est ce que représente l’hostie offerte par le prêtre.

Mais, dites-moi, quand nous venons à la messe, qu’est-ce que nous offrons réellement ? Est-ce que nous pensons à confier à Dieu quelque chose de notre vie ?

Reconnaissons que, trop souvent, nous laissons au prêtre le soin de présenter à Dieu le pain… là-bas, à l’autel, loin de nous, comme si ce pain offert n’était rien de nous ! alors que l’hostie que le prêtre présente à Dieu à l’offertoire est riche de signification.

C’est un symbole très fort, le pain !

Le Père Varillon, dans un de ses livres, raconte : « J’aime beaucoup, dit-il, avant de célébrer la messe, prendre dans mes mains une hostie qui n’est pas consacrée et méditer devant ce morceau de pain.

Ce pain est le résultat de toute une histoire. Pour que je puisse le tenir dans mes mains, il a fallu le travail du laboureur, du semeur, du moissonneur, de tous ceux qui ont fabriqué tracteurs… ou moissonneuses-batteuses… etc. » Les enfants ont très bien compris cela, vous aussi sûrement !

Très bien compris aussi que ce pain offert à la messe ne représente pas seulement le travail des autres… mais notre travail, la vie de chacun de nous… ce que nous appelons notre « pain quotidien », notre vie quotidienne qui est faite de nos joies, de nos peines, de notre travail, de nos responsabilités, de nos amours.

Vous n’avez pas attendu ce dimanche pour le savoir et pour le vivre à la messe.

Tenez, dans la paroisse où je vis à Nantes, c’était le Jeudi Saint dernier, en offrant le pain, j’avais conscience de présenter à Dieu une grande richesse de vie…

En effet, sur l’autel, il y avait trois corbeilles remplies d’intentions de prière. Près de deux cents personnes avaient rédigé ces intentions… durant le carême, pour qu’elles soient confiées à Dieu ce jour-là.

Vous avez bien raison, vous aussi, d’apporter tout ce poids de vie, chaque dimanche à la messe.

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Mais pourquoi apportons-nous quelque chose de notre vie quotidienne à chaque messe, en offrant le pain ?

Eh bien ! pour que Dieu transforme ce pain quotidien en sa propre vie.

Pour que ces grains de blé – comme dans la légende – deviennent précieux comme de l’or… Pour que notre « pain quotidien » soit transformé, transfiguré, habité, divinisé par la présence réelle du Christ.

A l’offertoire, la prière du prêtre est très claire : « Nous te présentons ce pain, fruit de la terre et du travail des hommes, il deviendra le pain de la vie. »

À la communion, Dieu nous redonne ce pain, mais il est habité de la présence réelle du Christ.

Quand nous nous nourrissons de ce pain, nous recevons en nous l’Esprit Saint, l’Esprit de Jésus. Alors nous repartons, ayant en nous, non seulement une énergie humaine, mais une véritable énergie divine, pour continuer notre travail, mener à bien nos responsabilités, vivre toute notre vie avec la force de l’Esprit Saint, l’Esprit de Jésus, l’Esprit d’amour.

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Vous voyez bien que je suis en train de faire un plaidoyer pour le réel… pour que nous comprenions ce qui se passe réellement à la messe… pour que nous ayons une présence « réelle » à la messe et non pas formelle.

Si la messe ne suscite chez certains qu’un ennui résigné, c’est peut-être que ceux-là arrivent à la messe comme des « désoeuvrés »… Oui des désoeuvrés n’apportant dans leur chair et dans leur coeur presque rien de ce qui fait leur vie.

Retenez donc cette formule toute simple : la messe, c’est la rencontre de deux présences réelles… la présence réelle du Christ, qui, elle, ne fait aucun doute, et notre présence réelle, qui, elle, est parfois hypothétique.

Bien plus – et c’est par là que je termine – nous communions à la présence réelle du Christ pendant la messe pour devenir nous-mêmes une présence réelle du Christ après la messe.

Avez-vous remarqué le « réalisme » de la prière eucharistique : « Regarde avec amour, Père très bon, ceux qui vont recevoir le corps du Christ, fais qu’ils deviennent ensemble par la force de l’Esprit Saint, le corps de ton Fils ressuscité. »

Nous devons devenir ensemble le corps du Christ, après la messe, le signe visible de sa présence dans le monde. Vous vous rendez compte ! Oui, c’est après la messe que l’on sait vraiment si la messe a été vivante.

Une messe vivante, c’est une messe qui fait vivre.

Vous dites parfois : « C’était une belle messe ! » Pourquoi ? Parce que quelqu’un a bien chanté ? Parce que quelqu’un a bien parlé ? Prenez garde ! Une belle messe, c’est celle qui embellit la vie. Sinon, la messe ne serait qu’un moment d’esthétisme religieux qui nous rassure à bon compte au lieu de nous renouveler, et qui nous distrairait au lieu de nous entraîner.

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Sommes-nous devenus plus croyants encore à l’Eucharistie… Je le souhaite. Encore faut-il être croyable !… Et qu’autour de nous, cette semaine, on ne se demande plus ce que nous sommes venus faire, ce dimanche à la messe.

Références bibliques :

Référence des chants :

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