Dans la foi, Abraham partit, ne sachant où il allait ". Au 4ème siècle, un Père de l’Église, commentant cette phrase : " il partit sans savoir où il allait ", note simplement : " Signe qu’il était dans la bonne direction ". Le peuple juif, aujourd’hui encore, prie souvent ainsi : " Mon Père était un araméen errant ".

Être chrétien, c’est être nomade, être pèlerin, être de passage, être en route, et non pas s’installer dans quelque parking, fut-il sacré. Rocamadour est passage. Nous n’avons pas d’itinéraire bien fixé, pas de carte bien tracée ; ce n’est pas non plus l’errance absolue ; c’est, dans la foi, l’ "itinérance " (itin-errance).

Mais comment dire la nécessité et le bonheur pour l’homme d’être un nomade, un migrant, alors que des millions d’hommes et de femmes ne connaissent que les migrations de la fuite et de la terreur ! Comment célébrer la marche et l’exode quand tant de marches et d’exodes sont de famine et de mort ! Le pèlerinage serait-il un luxe de riches ?

Non ! L’homme est pèlerin ; le peuple de Dieu est un peuple qui marche ; chaque croyant est un nomade. Dieu, après tout, est sans domicile fixe ; il n’a pas où reposer la tête. Pour nous les hommes, il descendit du ciel ; il s’est fait homme, est mort, descendu aux enfers ; il monta au ciel ; il reviendra dans la gloire… Quel Exode !

Notre foi n’est pas une fidélité à un passé pétrifié, la fidélité d’une statue à son socle, d’une momie à ses bandelettes. Notre foi est fidélité à un avenir ; chaque jour est un défi. " L’Église, disait Jean XXIII, n’est pas un musée d’archéologie, mais la fontaine au milieu du village qui donne l’eau vive aux hommes d’aujourd’hui, comme elle l’a donnée à ceux d’autrefois ". " De commencement en commencement par des commencements sans fin " disait Grégoire de Nysse au 4ème siècle.

Étrangement, l’évangile de ce jour nous propose une toute autre image : il faut veiller dans la maison. Car " le Maître viendra à l’heure que tu ne sais pas ". Attendre, le jour et la nuit, comme on attend un ami, un enfant, celui qu’on aime. Antigone dira : " Je veux que, si j’ai quelques instants de retard, tu me crois morte ".

Abraham, au chêne de Mambré, a accueilli " celui qui passe " ; celui qui passe était trois. Le Père prodigue a veillé et couru. Le bon Samaritain s’est arrêté. A Emmaüs, le pain a été partagé. Les routes ont leur refuges ; les déserts ont leur oasis. Nos chemins se croisent. " Nos vrais voyages, ce sont les autres " (Michel de Certeau). Les rencontrés. A chacun d’être pour les autres l’oasis et la table ouverte.

Une dernière étape s’ouvre au pèlerin. Saint Augustin l’évoque : " Je te cherchais dehors : je ne t "ai pas trouvé ; car tu étais en moi et moi je n’étais pas chez moi ". " Ne vas pas au jardin des fleurs, ami ; le jardin des fleurs est en toi " disait l’Orient jadis. " Où cours-tu, nous est-il dit aujourd’hui ; ne sais-tu pas que le ciel est en toi ? " (Christiane Singer).

La grande aventure, elle est en toi, elle est en moi. Peut-être au coeur d’un amour ; peut-être sur un lit de souffrance, dans le drame d’une déchirure, d’une solitude ou d’un deuil. Les grandes routes sont aussi dedans.

Chacun de nous porte dans son coeur son Rocamadour, son chemin de saint Jacques, sa Jérusalem.

Rocamadour, c’est une oasis, une étape. Saint Dominique, ici, se reposa et pria. Rocamadour, c’est un passage, un départ vers " plus loin ". Rocamadour, c’est aussi un but, un haut lieu. C’est l’image de cette ville où tout, enfin, s’accomplira : " Ô ma joie, voici que mes pas s’arrêtent devant tes portes, Jérusalem ".

Références bibliques :

Référence des chants :

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