Vous voici, Anne-Marie Javouhey et vos sœurs ! En cette première moitié du XIXe siècle, avant l’abolition de l’esclavage, vous voici fondatrices d’écoles gratuites pour les enfants démunis, soignantes des orphelins et des malades, libératrices d’esclaves guyanais, éducatrices sociales, promotrices de vocations de prêtres sénégalais !

Et vous êtes née en pleine tourmente révolutionnaire ; vous ne vous êtes vraiment pas repliée frileusement sur vos talents ; et vous n’avez pas non plus gardé enfouie la foi de votre baptême ; vous l’avez proclamée courageusement autour de vous.
Entraînez-nous dans votre foi et dans votre amour des plus petits, au grand large de la liberté qui vient de Dieu !

Nous vous revoyons dans cette église Saint-Pierre de Chalon, voici exactement deux siècles. Vous venez de recevoir de l’évêque son accord, pour commencer à réaliser le projet communautaire que Dieu a déposé dans votre conscience. Avec huit autres jeunes filles, vous recevez ici même le signe de votre consécration à Dieu, en revêtant l’habit religieux, et vous prononcez vos premiers vœux.

Avec vos sœurs, vous êtes des femmes pleines d’initiatives et d’audace, capables de libérer les pauvres, parce que vous-mêmes avez choisi d’être pauvres.
Voici votre secret : vous avez tout quitté pour vous laisser aimer par Dieu et suivre ses chemins ; libérées alors de tout ce qui n’est pas de lui ou pour lui, vous devenez des libératrices actives pour les autres.

Anne-Marie, vous êtes une fille qui avez du caractère et de la volonté. Vous connaissez le poids et la joie du travail partagé dans la communauté villageoise de votre enfance.
Nous voudrions nous approcher un peu de votre immense générosité et vous imiter dans la réponse que vous donnez à l’appel de Dieu. Vous avez compris, encore toute jeune, qu’être libre et heureuse, ce n’est pas fabriquer son projet individuel, mais se donner entièrement au projet que Dieu nous montre.
Et voilà pourquoi, nous voudrions vous demander : comment connaître justement ce projet de Dieu sur nous ?

En lisant une lettre écrite plus tard à vos sœurs, nous trouvons une précieuse indication : vous aimez la droiture intérieure, et vous aimez la vérité des actions faites en conscience devant Dieu. Vous écrivez donc ceci à vos sœurs : « Mes chères filles, je ne saurais trop vous recommander la pureté d’intention dans toutes vos actions. Souvent, nous faisons de bonnes choses en apparence, et qui n’auront nul mérite pour le ciel, parce que nous les faisons machinalement et sans motif de plaire à Dieu. La pureté d’intention donne le prix à toutes nos actions ; elle les vivifie, les ennoblit, et les plus petites deviennent grandes par la grandeur du motif qui les détermine. »

Il s’agit de chercher à plaire à Dieu seul, d’être vrais devant lui, dans ce que nous pensons et ce que nous faisons. Combien de fois vous vous redirez à vous-même et à vos sœurs, que la seule chose nécessaire, c’est de vouloir accomplir la sainte volonté de Dieu. Impossible de reconnaître le projet d’amour de Dieu, sa sainte volonté, sans cette droiture et cette vérité intérieure. Alors, dans la vérité de notre conscience à découvert devant lui, nous commençons à sentir que nous ne devons pas seulement quitter des choses matérielles ; nous devons aussi et surtout nous quitter radicalement nous-mêmes, pour n’être occupés que de Dieu et de son travail de salut dans le monde.

Mais comment être sûr de la volonté de Dieu, et ne pas nous illusionner ? Anne-Marie, vous nous dites ici combien est importante la prière, cette écoute et ce dialogue intérieur avec le Dieu vivant qui se livre entièrement à nous en son Fils unique Jésus-Christ.
Et avec vous, en ce dimanche, nous l’entendons nous dire lui-même : « c’est la paix que je vous laisse, c’est ma paix que je vous donne ; ce n’est pas à la manière du monde que je vous la donne. »

Anne-Marie, avec toutes vos sœurs, vous comprenez que cette paix n’a rien à voir avec l’acceptation passive de la tranquillité d’une existence égoïste, vécue dans un monde injuste. Au contraire, avec votre sens de l’action d’autant plus fructueuse qu’elle s’enracine dans l’obéissance à ce que Dieu nous montre, vous voici engagée dans un chantier éducatif novateur auprès des enfants pauvres. Attentive à réaliser la volonté de Dieu auprès de tous, vous n’auriez pas contredit le poète Dante qui disait : « c’est dans ta volonté, ô Dieu, qu’est notre paix ! »

Oui, c’est la raison de votre secrète paix intérieure et de votre inlassable persévérance dans les épreuves et les combats de la vie : vous trouvez, comme Jésus et en lui, la paix que Dieu seul donne. Et vous la trouvez en agissant non pas à la manière du monde, mais en accomplissant la volonté de Dieu, c’est-à-dire en aimant comme Jésus lui-même, en devenant vraiment pauvre intérieurement, pour écouter et faire la volonté sainte de Dieu. Vous nous le redites à tous ce matin dans une lettre à vos sœurs : « Oh ! Que nous serons heureuses si nous avons ce véritable esprit de pauvreté ! Que ne puis-je vous le faire comprendre, comme Dieu me le fait sentir ! Songez qu’avec lui nous avons tout, nous ne désirons rien, rien que l’accomplissement des desseins de Dieu sur nous ; toute notre crainte est d’y mettre quelque obstacle. Voilà, mes bien chères filles, la source du vrai et parfait bonheur sur la terre ; n’en cherchons point d’autre. »

Bienheureuse Anne-Marie Javouhey, priez pour nous !

Références bibliques : Ac 15, 1-29 ; Ap 21, 10-23 ; Jn 14, 23-29

Référence des chants :

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