Nous n’aimons pas trop le mot « Passion ». Il nous fait même souvent peur, parce qu’il est synonyme de grande souffrance. Quand il s’agit de surcroît de la Passion du Christ, beaucoup voient défiler devant eux des images de couronne d’épines, de flagellation, de crucifixion, de torture et de mort. Et lorsque nous pensons, pour cause d’actualité ou par volonté de solidarité, à nos frères d’Irak ou d’autres contrées de notre monde, ce sont d’autres images encore qui nous étreignent le cœur, des images de bombes qui tuent, de destruction, de violence, d’enlèvements, d’assassinats, des images de l’horreur infligée à des victimes innocentes, des images chargées du poids insupportable de nos capacités toujours plus grandes de détruire et de donner la mort.

Il est bien clair que nous ne devons pas minimiser les souffrances du Christ, gommer le moindre repli de son visage défiguré. Mais pour bien vivre la Semaine Sainte nous ne devons pas la vivre seulement comme la semaine de l’épreuve et de la souffrance. Dans le projet de Dieu et dans l’obéissance du Christ elle est la semaine de l’amour. Que ce soit le dernier repas et le lavement des pieds, la nuit au Jardin des Oliviers avant l’arrestation, le pardon de Pierre qui a renié, le dialogue avec le bon larron, tout sur le chemin suivi par Jésus vers sa mort est amour, service, don de soi, pardon. La Croix n’est plus le sommet de l’horreur, elle est le sommet de l’amour qui est de donner sa vie pour ceux qu’on aime.

C’est une lecture des événements difficile à accepter et difficile à faire. Nos frères, les chrétiens d’Irak, avec qui nous sommes aujourd’hui dans une particulière communion, sont provoqués, au seuil de la Semaine Sainte à accueillir la cruelle actualité de la mort de Mgr Paulos Faraj Rahho, archevêque chaldéen de Mossoul, enlevé il y a près de deux semaines et dont le corps a été découvert il y a peu de temps. Comment ne pas être écrasé par l’horreur de cette volonté d’anéantissement qui s’attaque à un homme dont le seul défaut était d’être un disciple du Christ, n’acceptant pas la violence et le déni d’humanité, d’être un bon pasteur rempli d’amour pour ses brebis, d’inviter à la résistance de l’amour face aux injonctions de l’extrémisme. Comment ce peuple ne tomberait-il pas dans la désespérance, quand il voit ses repères sapés, ses perspectives se transformer en impasse, ses chances de vie se transformer en risque de mort !

La réponse est dans le témoignage même du Christ et de tous ces martyrs qui à sa suite ont donné leur vie par amour. Permettez-moi de citer une phrase du P. Ragheed, un jeune prêtre irakien assassiné, sur la tombe duquel notre délégation est allée se recueillir : « Nous nous sommes sentis semblables à Jésus, quand il entre à Jérusalem, sachant que la conséquence de son amour pour les hommes sera la croix ». Cette phrase Mgr Rahho et tant d’autres l’ont signée de leur sang, du don de leur vie. Elle exprime le sens de la passion du Christ, le consentement à toutes les conséquences d’un amour sans limite. L’amour de Dieu en Jésus Christ est créateur de vie, même lorsque la mort est au rendez-vous. Dans un cœur habité par le Christ, toutes les barrières qui sont mises à la capacité d’aimer, de donner, de pardonner, sont pulvérisées, parce que son amour a été plus fort que toutes les morts qui restreignent et détruisent la vie de l’homme, la mort qu’est la violence, la mort qu’est l’injustice, la mort que sont l’exclusion, le mépris, la haine, la domination du fort sur le faible.

La Semaine Sainte est un grand message pour tous en un temps où l’on se replie beaucoup sur soi pour n’avoir pas à affronter la part de souffrance qu’il y a dans un véritable amour de l’autre. Sachons ajuster notre amour à celui du Christ qui éclate en lumière au matin de Pâques.

Références bibliques : Mt 21, 1-11 ; Is 50, 4-7 ; Ps 21 ; Ph 2, 6-11 ; Mt 26, 14-27, 66

Référence des chants :

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