" Quand il eut fini de parler, il dit à Simon : avance au large et jetez les filets. "

Chacun son métier ! Le patron de la barque renâcle. C’est absurde… Il faudra encore après laver les filets pour rien. Mais il obéit à une parole dont il a déjà expérimenté l’efficacité. Or, cette efficacité est encore au rendez-vous : le résultat dépasse même les capacités des filets de Simon qui sont sur le point de se déchirer.

Sur la parole de Jésus, l’échec devient succès, avec une surabondance incroyable.

Mais l’événement le plus étonnant n’est pas la pêche miraculeuse. C’est la suite. Jésus dit à Simon : " Sois sans crainte, désormais, ce sont des hommes que tu prendras. " Avez-vous remarqué ? La meilleure pêche, c’est le Christ qui l’a faite : " Laissant tout ils le suivirent… " ! Voilà des pêcheurs pêchés ! C’est eux qui sont pris ! Ils ont été pris sans filet… Par ce Christ dont saint Jean dira " qu’il attirera tout à lui ", librement.

Ce n’est pas un filet jeté sur les poissons, c’est le pêcheur qui devient lui-même capable d’attirer les poissons.

Les disciples du Christ laissent leurs filets, leur barque, leur pêche, tout, pour suivre le Christ. Ils vont faire corps avec lui, puisqu’il les institue apôtres pour être, pour rester avec lui, pour devenir eux-mêmes pêcheurs d’hommes.

Simon est mis en avant dans ce récit. Il est présenté comme le symbole du disciple véritable, c’est-à-dire de celui qui embarque avec le Seigneur. Il est le symbole de tous les disciples du Christ, c’est-à-dire de l’Eglise, et non pas de quelques-uns, qui seraient des spécialistes, des professionnels de l’annonce de l’Evangile !

" N’aie pas peur, désormais ce sont des hommes que tu prendras. " Ce verset est sans doute la clef de lecture de tout l’épisode. Mais que veut dire Jésus ? Cette pêche, cela va de soi, se passe sur les eaux, sur un lac. Les eaux, dans la bible, sont le symbole des forces du mal. Le miracle est alors une manière de dire que Simon-Pierre, et donc l’Eglise, a pour mission de tirer l’humanité en dehors des eaux du péché. L’Eglise seule ne le pourrait pas – " nous avons peiné toute la nuit sans rien prendre " – mais c’est possible grâce à l’action de son Seigneur. De même que Jésus enseignait les foules, de même les communautés chrétiennes doivent continuer à faire connaître en paroles et en actes cette libération opérée par Jésus.

Pour tout croyant, quel qu’il soit et quel que soit son itinéraire personnel, sa vocation particulière, les choses se déroulent de la même manière que dans ce récit.

De notre peu ou de notre rien proviennent, sans que nous sachions comment, mais pourvu que nous croyions, des fruits qui débordent toute attente.

La peur qui est peut-être la vôtre ce matin, la peur qui me tenaille souvent dans ma vie de prêtre, c’est celle du prophète Isaïe : " Malheur à moi ! Je suis perdu, car je suis un homme aux lèvres impures. " Ou bien celle de saint Paul, dans la lettre aux chrétiens de Corinthe : " Je ne suis pas digne d’être appelé apôtre, puisque j’ai persécuté l’Eglise de Dieu. " Ou encore celle de Simon-Pierre : " Seigneur, éloigne-toi de moi, car je suis un homme pécheur. " Oui, Seigneur, je sais mon indignité et mes insuffisances, je sais que je ne suis pas à la hauteur de ton appel. Comment vais-je être capable de répondre et d’avancer au large, vers des eaux inconnues et peut-être hostiles ?

De fait, nous pouvons nous poser mille questions, évoquer mille obstacles en nous ou autour de nous qui empêchent d’embarquer et d’avancer au large. Quelques réactions glanées au fil des rencontres : – " J’ai tellement de mal à vivre l’Evangile, à pardonner, à partager… " – " Je suis encore trop jeune… ou je suis trop fatigué ou trop vieux ! " – " Je ne suis pas sûr de croire. " – " Je ne sais pas parler ni expliquer quelle est ma foi. " – " Autour de moi il y a très peu de chrétiens, je me sens isolé, même dans ma famille. " – " Dès que je dis autour de moi que je suis catholique, on se moque de moi, on trouve cela dépassé et ridicule. "

C’est vrai, les évêques de France le rappelaient à Lourdes, en novembre dernier : les temps sont rudes, l’Eglise ne fait plus corps avec la société globale, l’adhésion à la foi revêt un caractère volontaire. Elle demande souvent d’aller à contre-courant de l’opinion commune.

C’est vrai… Et pourtant, disciples de Jésus, la puissance de Dieu fait de nous des pêcheurs d’hommes, en dépit des obstacles et des difficultés, en dépit de… ou plutôt avec nos faiblesses et limites, en dépit de… ou plutôt avec nos doutes, notre péché, notre obscurité.

C’est aujourd’hui la Journée chrétienne de la communication. Nous allons prier dans quelques instants pour tous ceux et celles qui exercent cette mission difficile et passionnante, à la télévision, à la radio, dans la presse écrite et maintenant dans le numérique. Mais finalement, c’est chaque chrétien qui, au nom de son baptême, est appelé à communiquer la saveur de l’Evangile, la joie et le plaisir de croire. C’est l’identité même du chrétien d’être appelé pour annoncer au grand large le Christ ressuscité.

Nous sommes porteurs d’une puissance de vie qui nous dépasse, qui ne nous appartient pas, mais qui devient la nôtre, et qu’il nous faut attester à nos frères.

Nous sommes ces aveugles éblouis par la lumière qui doivent dire que la lumière existe. Nous sommes ces pécheurs baignés par le pardon qui doivent oser pardonner. Nous sommes ces êtres mortels à qui, sans cesse, la vie est donnée pour qu’ils partagent la vie. Telle est cette joie qui nous habite… Joie incommunicable par nos forces mais puissance de résurrection chaque fois que Dieu la donne.

Le pape Jean-Paul II, dans sa récente Lettre apostolique, intitulée Au début du nouveau millénaire, cite et commente quatre fois l’évangile d’aujourd’hui. " Avancez au large ! Cette parole résonne aujourd’hui pour nous et elle nous invite à faire mémoire avec gratitude du passé, à vivre avec passion le présent, à nous ouvrir avec confiance à l’avenir. […] Nous devons maintenant regarder devant nous, nous devons avancer au large, confiants dans la parole du Christ."

Frères et soeurs, aux jours où vous aurez l’impression de vous enfoncer, de sombrer, où tout semblera inutile ou stérile, il fera bon retrouver ce récit évangélique et entendre Jésus inviter au grand large et aux pêches audacieuses.

Frères et soeurs : bonne pêche !

Références bibliques :

Référence des chants :

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