Permettez-moi une question très personnelle, à vous qui êtes dans cette église ou bien devant votre écran de télévision : êtes-vous amoureux ? Ou avez-vous été amoureux ? Je vous le souhaite et si vous êtes ou avez été amoureux, vous comprenez que nous disions d’une autre personne qu’elle peut être « notre chemin ». Ce serait d’une prétention insupportable, s’il n’y avait pas la confiance… S’il n’y avait que de l’affectivité, nous craindrions la fascination d’un gourou. Mais s’il y a l’amour et la confiance, nous pouvons comprendre les mots de Jésus : « Je suis le chemin. »

Dans la page d’Évangile que je viens de lire, saint Jean nous rapporte que, si j’ose dire, Jésus a un problème. Il sait que ses disciples sont des croyants : ils croient en Dieu, le Père, le Créateur. Mais vont-ils tenir bon par-delà sa mort et sa résurrection, vont-ils croire en lui, Jésus, le Fils, le « Fils de l’homme » ? « Ne soyez pas bouleversés, vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi. » dit l’homme de Nazareth à ceux qu’il a appelé.

Comment les disciples vont-ils faire face au challenge qui leur est proposé ? Dans notre épisode de l’Évangile nous trouvons deux interlocuteurs privilégiés, deux types de réactions : Thomas d’un côté, Philippe d’un autre côté. Mais plus encore, à travers ces deux la, il s’agit de tester nos réactions à nous, à chacun d’entre nous !

Thomas : « Seigneur, nous ne savons même pas où tu vas, comment pourrions-nous savoir le chemin ? » Ne taxons pas trop vite l’apôtre Thomas de grand naïf ! Son exclamation vise plus que la demande d’un itinéraire géographique. À travers lui, je crois entendre un certain nombre de chrétiens qui sont les femmes et les hommes des "consignes". Donnez-nous des consignes, disent-ils, nous obéirons, nous suivrons, mais de grâce dites-nous où, quand, comment et avec qui agir, que nous soyons dégagés d’avoir à nous prendre la tête en nous risquant à inventer nos chemins !

Non, Thomas ! Non, Madame et Monsieur qui demandez des consignes ! L’Évangile ne vous dit pas pour qui voter, jusqu’où accueillir les étrangers, comment répartir votre argent ou bien trouver la réponse définitive en "oui" ou en "non" aux défis éthiques de notre société ! On ne peut enfermer Dieu en un catalogue de normes et de consignes à appliquer. La vie est plus aventurée que cela ! Il vous est demandé d’accepter de suivre quelqu’un, de risquer vos pas à sa suite sans trop savoir jusqu’où il peut vous mener. Votre foi consiste à connaître Jésus, à faire demeurer en vous ses attitudes et ses paroles, à vous en inspirer pour inventer votre chemin, pas tout seul mais en vous confrontant aux autres.

Après le disciple Thomas – et notez que ce terme de disciple désigne « celui qui suit » – vient le disciple Philippe. À travers lui, bien sûr, ce sont certaines de nos attitudes qui sont pointées. « Montre-nous le Père, cela nous suffit. » dit Philippe à Jésus. Ah ! Ce fantasme d’aller à Dieu « en direct » sans médiations ! Et Jésus de répondre : « Tu ne me connais pas Philippe ! Celui qui m’a vu a vu le Père ! »

Aujourd’hui, tant de croyants se contentent d’un sentiment religieux, et même s’ils ne le disent pas ouvertement, ils pensent : « Jésus, et l’Église, bof ! À quoi bon ? » Mais si Jésus se présente comme le chemin, la vérité et la vie, c’est pour nous faire comprendre que nous ne pouvons pas nous passer de médiations pour aller vers Dieu. Ces médiations, il les nomme « les œuvres » et il affirme : « Celui qui croit en moi accomplira les mêmes œuvres que moi. » Notre évangéliste de ce matin, saint Jean, écrit ailleurs, dans sa première lettre : « Dieu, nul ne l’a jamais contemplé. Si nous nous aimons les uns les autres, Dieu demeure en nous. Son amour en nous est accompli. » La foi ne se réduit pas à un sentiment religieux individuel et privé, elle se vérifie dans les œuvres, les actes. Elle ne se joue qu’avec les autres et avec l’Église, elle est un jeu de société avec comme première étape le baptême !

Et précisément, nous avons rappelé notre baptême au début de cette messe par l’aspersion avec l’eau. Comme le dit l’apôtre Pierre (1 Pierre 3, 21) ce baptême n’est pas « la purification des souillures du corps, mais l’engagement d’une conscience droite envers Dieu. » Si nous sommes fidèles à notre baptême, nous sommes des acteurs. Voilà les œuvres ! Nous sommes des « porte-Christ » Aujourd’hui, celui qui voit un chrétien à l’œuvre découvre, grâce à sa médiation, le Christ et son chemin.

Il est porte-Christ, cet évêque assassiné il y a quelques semaines en Irak. Elle est porte-Christ, cette maman qui en plus de son travail salarié accepte d’animer un groupe de catéchisme. Elle est porte-Christ, cette femme en aumônerie d’hôpital qui accompagne les derniers instants de gosses atteints de leucémie. Il est porte-Christ, cet homme qui en raison de sa foi anime le soutien scolaire pour des enfants d’origine étrangère. Elle est porte Christ, cette grand-mère qui dit son lien avec Jésus à sa descendance préoccupée le dimanche matin de dormir ou de faire du sport !

Baptisés, nous sommes appelés à être des « porte-Christ » Et lorsque nous désirons répondre à cet appel, nous savons bien le poids de nos peurs et de nos faiblesses. Mais nous avançons vers la Pentecôte : nous célébrerons l’Esprit, la force que Dieu nous donne non pas pour devenir de super héros, mais pour être fidèles à sa joie !

Références bibliques : Ac 6, 1-7 ; Ps 32, 1 p 2, 4-9 ; Jn 14, 1-12

Référence des chants :

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