En cette journée des vocations je voudrais rendre grâce pour l’appel que j’ai reçu il y a quarante ans. Mon bonheur, ma chance, mon privilège auront été de passer les trois-quarts de ma vie de prêtre avec vous les jeunes.

Je me suis émerveillé de votre authenticité. J’ai ri dans vos rires. J’ai pleuré avec vos larmes. J’ai rêvé avec vos rêves. J’ai été secoué par vos révoltes. Je me suis laissé interroger par vos doutes.

Jamais je n’ai pu me fatiguer de vous. Pendant quarante ans de sacerdoce, je vous ai contemplés comme de fabuleux cadeaux pour le monde. Je vous ai regardé vous découvrir, vous inventer, choisir vos modèles et vos repères, chercher vos marques, guetter les dangers. Je vous ai trouvé déroutants, imprévisibles et magnifiques « grâce à la splendeur dont Dieu vous a revêtus » (Ézéchiel XVI).

J’étais venu il y a quelque temps pour vous rencontrer, vous les jeunes de cette école. Invité ainsi dans quatre ou cinq collèges différents chaque mois à travers la planète, c’est toujours la même doléance que j’entends, la même protestation. Sur les centaines de questions qui m’assaillent la plupart portent sur le mal et la souffrance.

« Pourquoi ce nouveau-né handicapé à vie ?
Pourquoi ce jeune lycéen qui se suicide ?
Pourquoi cette inondation, ce tremblement de terre, cet accident ?
Pourquoi les camps de concentration ? »

Élie Wiesel, juif rescapé des camps a écrit une lettre à Dieu dont j’aimerais vous faire partager quelques phrases : « Auschwitz avait comme but non seulement de nous détruire mais de Te détruire Toi le Père de l’Humanité. Pourquoi alors ne pas songer en même temps à Ton chagrin ? Regardant Tes enfants souffrir, n’as-Tu pas souffert comme eux, voire avec eux ? » Il me semble entendre le Dieu crucifié dire à Élie Wiesel : « Tu n’es pas loin du Royaume de Dieu. »

Aucune parole n’est à la démesure de certaines souffrances mais savoir que Dieu souffre avec nous peut nous délivrer d’un Dieu indifférent ou malveillant.

Dieu est si peu indifférent qu’Il ne cesse d’appeler, de mobiliser, de solliciter nos générosités pour diminuer la part de malheur. « Sauve Mon peuple » demande-t-Il à Moïse. « Sauve cette femme qui va être lynchée » demande-t-Il au jeune Daniel. « Sauve Mon Église » demande-t-Il à François d’Assise. « Sauve ma planète » demande-t-Il à chacun de nous aujourd’hui.

Chaque homme, chaque femme est en mission pour le monde. Les talents que Dieu nous a confiés ne sont pas pour nous. Ce sont des énergies pour empêcher les désastres ou secourir les victimes. Le pape Jean-Paul II écrivait aux jeunes en 1985 : « Vous vous posez la question : Réussirons-nous à changer ce monde ? Que devons-nous faire pour ne pas être écrasés par l’injustice, le mépris de l’homme ? » Il lançait ce jour-là une mobilisation générale : « Ne soyez pas passifs… C’est de vous que dépend l’avenir. »

Est-ce trop difficile de comprendre que la cause de nos malheurs n’est pas dans une indifférence venue de Dieu mais dans une passivité venue des hommes ? « Tu as vu ces choses et Tu les as permises, je ne Te comprends pas » dit l’homme à Dieu, comme pour ne pas entendre que Dieu justement ne cesse de lui poser la même question ! Dieu aurait-Il pu créer un monde où les hommes sauraient découvrir l’urgence de la solidarité, l’enjeu de l’amour et qu’en même temps ce soit Lui, Dieu, qui supprime cette urgence en réparant Lui-même par des miracles tous nos manques. « Ta lèpre, c’est de l’amour inemployé » disait Giono.

Un journaliste demanda un jour à Mère Teresa : « Qu’est-ce qui ne va pas dans le monde, ma soeur ? » Elle répondit brièvement : « Vous et moi Monsieur. »

Si nous admettons que Dieu veuille, lors de notre séjour terrestre, nous initier à l’éternité de l’amour, alors nous comprenons pourquoi Dieu s’est effacé. Dieu ne peut pas à la fois nous demander d’apprendre à aimer et nous retirer nos responsabilités. Dieu a remis Sa Toute-Puissance entre nos mains.

Alors face à ce cri : « Mais le Bon Dieu, qu’est-ce qu’Il fait ? » nous pouvons entendre un autre cri : « Viens. J’ai besoin de toi. Viens tailler Ma vigne. Viens récolter Ma moisson. Prends soin de Mes agneaux. » C’est surtout Dieu qui prie l’homme. Il n’est pas toujours exaucé !

« Il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus. » Ces paroles ne sont pas à entendre comme une limitation des entrées au Paradis, mais comme une convocation à servir ici et maintenant. Ce n’est pas une exclusion, c’est une plainte. Dieu ne manque pas aux vocations. Ce sont les réponses qui manquent à Dieu ! Tous ont vocation à aimer et peu y répondent. Tous sont appelés. Mais toi viendras-tu ?

S’il y a parmi vous, ici ou derrière le petit écran, un jeune homme ou une jeune fille qui rêve de donner un sens à sa vie, qu’il entende les appels qui montent de l’immense douleur humaine. L’amour n’est pas aimé. Trop de haines, trop d’exclusions, trop de famines, trop de blessures, trop d’injustices, trop de solitudes !

Parmi toutes ces douleurs, n’oublions pas le vide spirituel de notre époque. Pourquoi dans certains médias tant de caricatures sur le Christ, tant de parodies de tout idéal. Pourquoi dans les lycées tant de jeunes qui n’entendent jamais parler de Dieu ? Qui leur en parlera sinon leurs camarades croyants ? Les chantiers nouveaux pour de nouvelles vocations sont innombrables, dans notre Église qui ne cesse de rajeunir.

Quand je lis les centaines de lettres d’hommes et de femmes qui me disent : « Il y a vingt ans tu m’as aidé à accrocher ma vie à une étoile » ou « Il y a trente ans tu m’as révélé un Dieu d’Amour », mon bonheur n’a pas de bornes. Croyez-vous que je regrette d’avoir répondu à l’appel ?

Chers jeunes qui m’écoutez ce matin et surtout vous qui avez été confirmés, ne laissez pas mourir l’Espérance. Vous êtes des témoins de ce monde nouveau où Dieu effacera toute larme de nos yeux. Découvrez encore et encore les trésors inouïs que le Pasteur et Sauveur du monde a mis à la disposition des hommes. Dieu rendra fécond, au centuple, tout ce que vous ferez en Son nom.

Références bibliques :

Référence des chants :

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