La coïncidence des calendriers politique et liturgique dans notre pays nous fait prier pour les vocations entre les deux tours de l’élection présidentielle. Nous choisirons, dans une semaine, qui présidera notre république durant cinq ans. Or, vivre notre vocation chrétienne, n’est-ce pas aussi choisir, en priorité, celui qui présidera à jamais notre vie, même après la fin du monde ?

Les jours de notre baptême et de notre confirmation, nous avons choisi notre camp : celui du Bon Pasteur qui « nous conduit aux sentiers de vie ». C’était le premier tour de notre vote en faveur de Dieu. Mais depuis, notre vocation chrétienne est en attente de seconds tours, pas d’un seul mais de plusieurs. Ce sont ces moments où nous devons nous engager plus concrètement, soit en choisissant un état de vie, une fois pour toutes, soit en prenant une décision importante qui marquera un tournant dans notre histoire – et cela arrive plusieurs fois dans une vie.

Prier pour les vocations, c’est prier pour que, dans notre Église, il n’y ait pas trop d’abstention pour choisir Dieu quand les événements le demandent. C’est espérer que soient nombreux ceux qui prendront le chemin de l’isoloir de leur cœur pour offrir leur voix à Dieu, lui qui reste fidèle à ses promesses de bonheur.

Les lectures bibliques de ce dimanche donnent de précieuses indications pour une telle prière. La première se trouve dans l’Évangile. Jésus fait preuve d’un optimisme foncier qui peut nous dérouter. Il annonce calmement : « Mes brebis écoutent ma voix; moi je les connais, et elles me suivent. » Ce qui peut nous apparaître comme un automatisme repose sur une conviction, l’efficacité de la Parole de Dieu : quiconque écoute ma voix… me suit.

Tout de suite des obstacles peuvent surgir : « Écouter la voix du Seigneur ? Mais que va-t-il me demander ? Que va-t-il vouloir me prendre ?…» Il y a fort à parier que la crainte ou le doute ne saisisse le cœur de celui ou celle qui désire écouter sans retenue la Parole du Seigneur. Or, que nous dit l’Évangile ? Que Jésus ne demande rien : aucune exigence, aucun impératif, nul sacrifice. Jésus dit : « À ceux qui écoutent ma voix, je donne la vie éternelle, je donne la vie sans fin. ». Jésus ne demande rien, il donne.

Retenons cette première indication : sans cette expérience initiale de l’amour vivifiant de Dieu, sans la reconnaissance et la réception de ce que donne Jésus sans rien exiger en retour, impossible de répondre gratuitement, impossible de parler de vocation chrétienne.

Le récit des actes de Paul et Barnabé, entendu dans la première lecture, illustre bien ce premier et ces deuxièmes tours inhérents à la vocation chrétienne. À Antioche de Pisidie, ils annoncent une première fois la vie éternelle. Résultat du premier tour ? Un raz de marée – « beaucoup de Juifs et de convertis au judaïsme les suivirent ». La semaine suivante – second tour – « presque toute la ville se rassemble pour entendre la Parole du Seigneur ». Mais, poursuit le récit, « quand les Juifs virent tant de monde, ils furent remplis de fureur ; ils repoussèrent les affirmations de Paul et Barnabé ». Le vote du premier tour n’est pas confirmé par les Juifs. Le démon de la jalousie emporte leurs suffrages. La jalousie à l’égard de la joie des païens qui, nombreux, accueillent, comme eux, le don de Dieu mais sans jamais avoir obéi à la Loi, cette jalousie fait le plein des voix.

Nous tenons là le second indice : le propre de Dieu est d’appeler à la joie, le propre de son adversaire est de susciter la jalousie. Impossible de se tromper.

Tel est le fruit que nous pouvons attendre de notre prière pour les vocations : susciter au sein de l’Église les « serviteurs de la joie divine » dont le monde a besoin. Car devenir prêtre ou diacre, choisir la vie monastique, apostolique ou consacrée dans le monde, n’est pas un choix qui rend triste, et encore moins un choix qui met en position de supériorité. C’est un choix qui s’enracine dans la joie et qui conduit à la joie.

Mais n’allons pas confondre cette joie de Dieu avec l’aisance qu’apporte la richesse, ni avec l’honneur que procure le fait d’avoir été choisi(e), et encore moins avec la gratification que donne une reconnaissance sociale ou ecclésiale. La foule immense que Jean contemple dans sa vision vient de la grande épreuve. De quelle épreuve ? Le livre de l’Apocalypse ne le dit pas. Il parle de faim, de soif, de brûlures du soleil… Ce sont des personnes qui ont enduré le poids des jours et affronté la souffrance des hommes. Vécu sans doute des deuils intérieurs douloureux. Des larmes, nous dit-on, ont coulé de leurs yeux.

La joie divine qui est la leur, et qui est aussi la nôtre, est la joie du crucifié ressuscité ! Non pas une joie « fleur bleue », une joie sans blessures, ni sacrifices, mais la joie de celui ou celle qui, avec le Christ, affronte victorieusement les forces de la mort.

Recevoir le corps du Christ, à chaque messe, nous fait communier à cette joie là. « Devenons ce que nous recevons aujourd’hui dans la joie pascale, le Corps du Christ ressuscité d’entre les morts » . Oui, que nos communautés chrétiennes appellent et interpellent les « serviteurs de la joie divine » dont l’Église et le monde ont besoin.

Références bibliques : Ac 13, 14-52 ; Ap 7, 9-17 ; Jn 10, 27-30

Référence des chants :

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