Ce que Jésus décrit dans l’Évangile, c’est ce qu’on appelle habituellement la correction fraternelle. « Si ton frère a commis un péché, va lui parler seul à seul et montre-lui sa faute. » Voilà qui est très délicat. Parce qu’on risque de chercher à enlever la paille qui est dans l’oeil de notre frère sans voir la poutre qui est dans le nôtre. Qui suis-je donc pour faire la leçon à mon semblable ? Est-ce qu’un chrétien est un redresseur de torts ?

On ne peut pas comprendre ce que dit Jésus si on oublie que la clé de tout l’Évangile est l’amour. Cet amour qui selon saint Paul (2e lecture) résume et accomplit toute la Loi. C’est donc l’amour qui donne le sens de tout l’enseignement de Jésus. La correction fraternelle ne peut s’exercer qu’au sein d’une relation fraternelle. « Si ton frère a commis un péché… » La correction fraternelle ne peut procéder que de l’amour fraternel et ne peut avoir comme objectif que la communion fraternelle. Seul l’amour la rend légitime, autrement c’est insupportable. Au nom de l’amour nous avons le droit, et même le devoir, de nous parler les uns aux autres. Cela vaut pour toutes les relations, en particulier l’amitié ou les liens familiaux. Ce n’est pas toujours facile. Lorsqu’un ami est en faute, si je mets le doigt sur sa faute je risque de perdre son amitié. C’est un risque, mais il n’y a pas de vraie amitié, de vraie relation sans vérité. Ça vaut le coup de s’affronter à un dialogue même difficile, car on en sort grandi.

Au-delà des liens naturels, c’est au niveau de toute l’Église, comme fraternité spirituelle, que Jésus nous invite à faire la vérité. Cela se pratique de façon particulière dans les communautés religieuses ou d’autres formes de vie communautaire. Mais cette exigence de fraternité est pour tous. Parce qu’il y va de la nature même de l’Église. L’Église du Christ n’a de sens que comme communion dans le Christ. Et le péché de chacun est une brèche dans cette communion, une blessure plus ou moins profonde dans le corps du Christ. Depuis toujours, l’Église voit le péché non comme un simple écart par rapport à une règle, mais comme une atteinte à la communion dans le Christ. Le péché n’est pas une affaire purement individuelle, car ce qui touche un membre touche tout le corps, comme nous l’enseigne saint Paul. L’Église est sainte de la sainteté du Christ, mais elle est marquée du péché de chacun d’entre nous. Nous sommes ensemble responsables de la lumière du Christ et nous avons à nous aider mutuellement à la porter.

Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais cette invitation à la correction fraternelle est située, dans l’Évangile selon saint Matthieu, juste après la parabole de la brebis perdue. Je trouve cela très éclairant. Cette brebis égarée dans la montagne, le berger va la chercher jusqu’à ce qu’il la retrouve. Et Jésus conclut : « Ainsi, votre Père qui est aux cieux ne veut pas qu’aucun de ces petits ne se perde. » C’est là le coeur du message. Dieu ne veut pas qu’un seul de ses petits ne se perde. Donc si, moi enfant de Dieu, je vois qu’un de mes frères est en train de se perdre, je dois m’attacher à le sauver. À le garder comme frère. Pas comme Caïn qui disait : « suis-je le gardien de mon frère ? » Car de fait je suis le gardien de mon frère. Au nom de quoi ? Au nom de ce qui nous unit devant Dieu. Au nom du Christ qui nous rend frères. Au nom de l’amour que Dieu nous donne ensemble comme but et comme chemin.

Pour cela, Jésus invite à la rencontre personnelle dans la confiance, dans la charité et dans la vérité. Un dialogue peut suffire à changer beaucoup de choses. Sans doute n’osons-nous pas assez nous parler les uns aux autres quand quelque chose ne va pas. Souvent, malheureusement, lorsque quelqu’un est en faute, les jugements précèdent et pourrissent le dialogue. Encore une fois, rien ne peut se faire sans amour pour l’autre, quoi qu’il ait fait. Seul l’amour peut aider quelqu’un à avancer. Mais le dialogue peut aussi échouer. Et Jésus envisage le cas où une personne se ferme jusqu’au bout, et se coupe de l’Église elle-même. À ce moment-là, dit Jésus « considère-le comme un païen et un publicain ». Ce qui ne veut pas dire rejette-le, mais : laisse-le libre de ne plus se considérer comme ton frère. Tu as fait tout ce que tu pouvais pour lui. À ce moment-là, rappelons-nous la parabole de la brebis perdue. Car ce frère qui s’est éloigné, il faut croire que le Christ est encore capable d’aller le rejoindre là où il est.

Le Christ, donc, est venu pour mettre les hommes dans une communion, dans un amour qui a sa source en Dieu lui-même. L’Église n’a pas d’autre raison d’être que cet amour à proclamer et à propager. Alors nous devons nous aider mutuellement à en vivre. Et cela commence tout petit : « Lorsque deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis là au milieu d’eux. » Oui, lorsque deux ou trois s’unissent dans une même prière, ou lorsqu’ils se rencontrent dans une démarche de vérité et de réconciliation, à deux ou trois, déjà, ils disent la présence de Dieu.

Références bibliques :

Référence des chants :

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