Pour nous conduire au coeur du mystère, j’ai relevé une caractéristique propre à tous ces récits et qui ne se retrouve pas dans les chapitres précédents. Les évangiles de la Résurrection ne se bornent pas à relater des faits, comme c’est généralement le cas, mais ils nous renseignent abondamment sur tout ce que les disciples ressentent. Plus que partout ailleurs il y est question, tour à tour, d’étonnement, d’inquiétude, de joie, de ferveur ou encore de découragement et de résignation, de doute et de mutisme, de foi et de nouveau courage. Nulle part ailleurs les émotions des disciples ne sont aussi palpables. Et d’autre part (mais cela va probablement de pair) le rôle des femmes dans l’annonce de la Bonne Nouvelle apparaît ici pour la première fois aussi déterminant. Toujours est-il que, pour tous les disciples, ces journées ont été à l’évidence une expérience bouleversante.

Et pour nous, qu’en est-il ? La Fête de Noël nous touche, les jours de la Passion nous émeuvent profondément, mais quant à la fête de Pâques, il semble qu’elle nous atteint moins fort. Pourquoi ?

Notre foi en la Résurrection est pourtant forte. Mais elle est peut-être trop théorique et je dirais «a priori». Nous avons entendu Saint Paul nous dire : "Si le Christ n’est pas ressuscité, notre prédication est vaine, vaine aussi est notre foi.» (1C 15,14) Alors, puisque nous ne voulons surtout pas que notre foi soit vide ou vaine, nous croyons à tout prix à la Résurrection. Mais nous devons avouer que nous sommes un peu dépassés par ce mystère et finalement nous sommes personnellement moins concernés. On a tellement exalté toutes dimensions glorieuses, voir cosmiques, de cet événement que nous n’osons plus tellement y associer notre propre vie, si simple et terre à terre.

Aussi, je voudrais ici, en paraphrasant Angelus Silesius : «Il nous importe peu que le Christ soit ressuscité il y a deux mille ans. S’il ne l’est pas pour nous ici, aujourd’hui , comment croire à la Résurrection si nous ne pouvons pas en faire, quelque peu au moins, l’expérience ?

Je crois que si l’Eglise nous invite à célébrer chaque année la fête de Pâques, ce n’est pas pour commémorer indéfiniment un événement révolu, si important soit-il, mais bien pour que cet événement nous devienne toujours plus concret, toujours plus contemporain. Il n’est donc pas indigne d’un si grand mystère de le vivre dans notre vie ordinaire, dans nos petits (ou grands) relèvements quotidiens.

Comprenez-moi bien ; il ne s’agit pas d’aplanir notre foi dans la Résurrection en déclarant que toutes nos expériences positives ou même la venue du printemps sont des expériences de Résurrection. Mais il peut y avoir dans notre vie ordinaire des expériences très précises de la force du Seigneur Jésus et de ce qu’on appelle son mystère pascal, comme le dit saint Jean dans son épître : « Nous sommes passés de la mort à la vie, parce que nous aimons nos frères. » (1 Jn 3,14). De fait, quand nous engageons vraiment toute notre vie dans l’amour pour nos frères et nos soeurs, nous constatons bien vite que cela exige un grand renoncement et un don sans mesure. « Si le grain de blé ne tombe en terre et ne meurt, il reste seul ; s’il meurt, il porte beaucoup de fruit. » (Jn 12,14) Sans le secours du Seigneur, comment pourrions-nous aller jusqu’au bout de ces exigences ? Même si, le plus souvent, cela se passe dans le cadre limité de notre existence, nous pouvons reconnaître qu’une telle démarche est vraiment une démarche pascale. Car il s’agit, à chaque fois, d’accepter de mourir un peu et de recevoir une vie nouvelle. N’est-ce pas la Pâque au coeur de notre vie ? En tout cas nous comprendrons alors d’autant mieux les dimensions de cette fête ainsi que l’espérance de vie nouvelle et éternelle qui y sont révélées.

Mais je voudrais encore aller plus loin : je crois qu’une telle expérience de la Résurrection n’est pas seulement une occasion bienvenue pour vivre de façon concrète et savoureuse la foi en la Résurrection. Cette démarche qui consiste à « aimer jusqu’au bout » (cfr Jn 13,1) est la vocation la plus fondamentale de tout chrétien. Aussi nous ne pouvons pas nous limiter à reconnaître que Jésus est vivant pour nous ; nous sommes appelés à attester aux autres qu’il est la vie du monde et la paix pour tous les hommes.

Aujourd’hui plus que jamais – mes chers frères et mes chères soeurs, ici dans cette assemblée eucharistique de Clerlande, ou vous tous qui participez à cette Eucharistie par le moyen de la télévision, – nous sommes tous invités à nous engager à la suite du Christ sur ce chemin, pour faire triompher la vie, la vérité, la justice et la paix.

Une des caractéristiques de notre temps, à côté d’aspects très positifs, est la prolifération de la violence à tous les niveaux, dans la rue, à l’école, parfois même dans les maisons. Il semble que dans la mesure où la puissance technique progresse la tentation de la violence augmente et nous entraine dans un cercle vicieux. Mais nous pouvons briser ce cercle chaque fois que nous pardonnons à nos frères ou que nous accueillons plus sincèrement les autres, chaque fois que nous inventons des manières de les rencontrer avec plus de respect. Sans cette disposition que nous voyons chez le Christ Jésus à ne pas rejeter sur les autres la responsabilité et le poids du péché et de la souffrance, mais à les prendre sur nous, tant soit peu, nous ne sortirons jamais du cercle vicieux. Mais en dépassant au contraire une certaine résignation pour permettre à la vie de ressurgir nous attestons qu’il y a une issue et que l’amour peut triompher de toutes les puissances de mort.

Dans l’évangile il est dit de saint Jean «Il vit et il crut ». En voyant le tombeau vide il a commencé à croire en la Résurrection. Aujourd’hui ceux qui verront de tels signes évidents de la puissance du Seigneur parmi nous pourront alors aussi commencer à croire que Jésus est le Vivant.

Références bibliques :

Référence des chants :

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