Provoquant, toujours, Jésus nous dit : «C’est vous qui êtes la lumière du monde». Un peu ou beaucoup de crainte nous saisit et nous nous protégeons en criant contre un triomphalisme supposé : «L’Eglise a trop souffert de ces cocoricos sentant bon le mépris de ceux qui ne pensent pas comme nous !» N’empêche, je tiens que le triomphalisme ne nous menace guère par les temps qui courent. Ce qui nous atteint plutôt, dans un monde qui a la dent assez dure avec les croyants, c’est le syndrome des catacombes : Retirons-nous, timorés et inquiets, d’un monde qui ne comprend rien ! Le piège de l’intégrisme n’est pas loin !

Je crois que Jésus fait bien de nous rappeler que nous sommes la lumière du monde. Pas parce que nous serions meilleurs que les autres. Parce que nous sommes dépositaires d’une richesse qui ne vient pas de nous, qui ne nous appartient pas, que d’autres nous ont transmis, et que nous avons la joie de confier à notre tour comme un héritage : cette richesse, c’est la Parole de Dieu ! La lampe à huile à l’époque de Jésus, ne brillait pas par elle-même : elle ne tenait que par le combustible qui l’alimentait. Pourquoi ne pas rendre compte de notre combustible à nous ?

La deuxième image de l’Evangile, celle du sel, va me permettre d’être plus précis. On ne sait plus trop ce qu’est le sel, qu’on gaspille parce qu’il ne vaut pas cher. Je me revois il y a fort longtemps en Afrique noire, dans la ville de Mopti. Là de grands gaillards baraqués trimballaient en pirogue et sur leurs épaules de lourdes plaques de sel brut arrachées à la terre au prix d’efforts considérables. Sel dur à obtenir. Sel coûteux à transporter. Sel indispensable pour conserver le poisson du fleuve et survivre. Sel sans lequel l’alimentation est fadasse !

De ce sel, Jésus, toujours provoquant dit : s’il perd sa saveur, s’il se dénature, alors on le met par terre. Qu’il serve au moins à égaliser le sol ! Mais quelle dérision : Voilà un bien précieux foulé aux pieds ! C’est vrai, parfois il me semble que des personnes connues et aimées perdent le goût de vivre. Alors, je voudrais bien savoir rendre plus savoureux ce monde, mais comment ? Je repense au discours des béatitudes que l’Eglise nous proposait d’entendre dimanche dernier : «Heureux les doux, heureux les affamés de justice, heureux les artisans de paix…» C’est un discours-programme qui me paraît plus dynamisant que bien des discours de campagne électorale ! Je pense que par notre attachement à la Parole de Dieu, nous sommes signes de contradiction dans le monde : Heureux sommes-nous, lorsque dans un monde alarmiste, nous savons semer des graines d’espérance ! Heureux sommes-nous, lorsque dans un monde qui souffre violence, nous savons dire des paroles de paix ! Heureux sommes-nous, lorsque dans un monde de dérision, nous nous efforçons à un regard bienveillant !

Souvenons-nous de la première lecture de ce jour : Le prophète Isaïe propose trois attitudes élémentaires : Partage ton pain, recueille chez toi celui qui est sans abri, couvre celui qui est sans vêtement. A chacun de nous de répondre à la question : «Avec qui puis-je, cette après midi, demain lutter pour la justice, favoriser davantage celui qui a moins, faire disparaître la « parole malfaisante» comme dit Isaïe ? Ecoutons Isaïe encore : «Si tu fais disparaître de ton pays le joug, si tu combles les désirs du malheureux, ta lumière se lèvera dans les ténèbres et ton obscurité sera comme la lumière de midi.»

Mais voici qu’Alain, un chrétien de mon quartier me confie : «Parler de ma foi à mon boulot, tu n’y penses pas, je me ferais lyncher !» Pourtant cette foi donne de la saveur à sa vie : Pourquoi ne pas parler de ce qui le rend heureux ? Il nous faut lutter contre ce que j’appelle volontiers l’objection d’inconséquence. On nous dit que nous sommes inconséquents parce que nous ne sommes pas toujours capables de pratiquer l’amour dont on nous accuse de nous gargariser. Cette inconséquence est parfois réelle. Elle ne détruit pas pour autant tout ce que nous sommes et encore moins la Parole de Dieu ! Nous sommes des pécheurs, c’est vrai. Et nous sommes des pécheurs pardonnés. Et nous sommes des pécheurs pardonnés envoyés en mission. Nous ne sommes pas des héros. Mais nous sommes conviés à être des hérauts ! J’ai une dernière chose à vous dire, à vous de vous demander pourquoi je rajoute cela pour terminer : J’ai rencontré un groupe d’étudiants, de familles traditionnellement chrétiennes. Ayant pris conscience de tout ce qu’ils avaient reçu par leur éducation, par leurs aumôneries, ils disaient : «nous avons beaucoup reçu, alors sans doute Dieu attend beaucoup de nous !»

Vous êtes le sel de la terre ! Vous êtes la lumière du monde !

Références bibliques :

Référence des chants :

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