Frères et Sœurs,

C’est une question importante, une question grave qui nous est posée ce matin : de quoi vivons-nous ? Vivre, au sens fort, pour nous, c’est quoi ?

Aujourd’hui, oui, – mais, au-delà de la mort, qu’est-ce qui nous fera vivre ?

Si l’Évangile nous pose cette question, c’est parce que c’est une grande souffrance pour le Christ, pour Dieu, d’abord de voir tant et tant de nous manquer du minimum nécessaire pour manger à leur faim, aujourd’hui même, y compris tant d’enfants que leurs parents n’arrivent pas à nourrir, jusqu’ici en France, en Belgique, mais encore infiniment plus ailleurs. A cause de tout notre égoïsme économique et social.
Mais aussi grande souffrance pour le Christ, de voir tous ceux et celles qui, comme cet homme dont nous parlait l’Evangile, passent à côté de ce qu’est la vie – la seule vie plus forte que la mort. La mort – la mort physique – nous dit quelque chose d’essentiel : si tu ne penses qu’à toi, si tu ne penses qu’à manger, toi – un jour, de mort tu mourras. Une vie centrée sur soi, ce n’est pas la vie. La vie, c’est d’aimer.

Tout à l’heure, au début de cette messe, le père Bernard a lavé les pieds de quelques pèlerins de Saint Jacques. Quand le Christ a-t-il lavé les pieds de ses disciples ? Juste avant de mourir, lui. Et pourquoi nous dit-il d’en faire autant ? Parce que c’est cela « LE » chemin pour passer la mort – pour vivre, ici et aujourd’hui, d’une vie plus forte que la mort. Et le Christ fait ce geste au moment du dernier repas qu’il prend avec les siens sur cette terre. Justement pour nous dire que ce n’est pas de manger qui fait vivre, mais de nous laver les pieds les uns les autres, de partager, d’aimer. Tandis que si je laisse les autres mourir de faim, moi, je meurs dans mon cœur.

Mais nous-mêmes nous le savons bien, nous en avons tous fait l’expérience : le nombre de fois où en voulant aider les autres, nous avons reçu bien plus que nous n’avons donné. Chacun, nous savons le bonheur de rencontrer, de manger et de boire ensemble, de fraterniser. Là, notre cœur vit, il respire.

Peut-être, frères et sœurs, n’avez-vous pas oublié les contes de notre enfance qui parlaient de ces méchants ogres qui rôdent, cherchant à tout dévorer, même les humains !
Ces contes disent vrai. Ils ont pour but de mettre les enfants en garde. Car c’est vrai qu’il y a des hommes qui deviennent des ogres au milieu des autres, qui ne cherchent qu’à dévorer, même leurs frères et sœurs humains. Alors attention – attention à ne pas devenir nous-mêmes des ogres dans cette société de consommation à tout va. A vouloir toujours consommer, dévorer, nous signons notre propre mort, la mort de notre cœur. Et Dieu devra alors y mettre beaucoup de sa miséricorde pour nous rendre la vie – mais, vous le savez, rien n’est impossible à Dieu.

Nous, tout au contraire, nous sommes invités à avoir la foi : la foi que la vie humaine est ailleurs que dans la consommation et dans l’argent. Cela n’a rien d’évident, et donc, oui, c’est une question de foi. Nous aurons sans cesse la tentation de nous replier sur nos propriétés, sur nos sécurités de tous ordres. Mais l’amour de l’argent est une maladie mortelle. La soif du profit est la source de concurrences, de guerres incessantes où rien ne compte plus que de gagner, en écrasant les autres. L’argent est un maître impitoyable, un dieu cruel.

Alors que la foi, au contraire, nous dit que la vie, c’est tout autre chose. La vie, c’est d’avoir un cœur nouveau, à la ressemblance du cœur du Christ. Et la foi, c’est de nous mettre en marche vers cette nouveauté de vie. Nous mettre en marche, pour devenir des femmes et des hommes nouveaux, et ce sera un long chemin, comme celui de Compostelle.
Pour être non plus des ogres, mais des sœurs et des frères nourriciers, nourriciers les uns pour les autres.

Comme le Christ, lui, notre frère nourricier – lui, le Vivant à jamais. Amen !

Références bibliques : Ql 1, 2; 2,21-23 ; Col 3, 1-5.9-11 ; Lc 12, 13-21

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