Frères et sœurs,

Laissons-nous porter par cette page de l’Évangile que la liturgie de l’Église propose aujourd’hui. L’ensemble du passage, tout comme ses détails, invite à le comprendre spirituellement, au delà du simple récit.

Pierre dit : « Je vais à la pêche », les autres lui répondent : « Nous allons avec toi ». L’invitation parle d’elle-même aux chrétiens des Iles du Pacifique, tout comme, je l’imagine, à tous ceux qui vivent au voisinage de l’eau, sur une île, sur le rivage de la mer ou d’un lac. Il n’y a pas besoin d’autres explications. La parole de Simon-Pierre donne envie de le suivre, les disciples présents lui répondent immédiatement : « Nous allons avec toi ».
Suivons-les donc…

Profondément déstabilisés par la Passion de leur Maître qu’ils ont vécue les jours précédents, les disciples saisissent encore mal le sens de la présence mystérieuse du Seigneur ressuscité. II leur est déjà apparu à Jérusalem, trop brièvement à leur goût. Quelques uns d’entre eux reprennent pied dans leur région d’origine, la Galilée, loin de Jérusalem, la ville sainte, où l’épreuve a été si dure. Et naturellement, ils retrouvent les gestes familiers de leur métier. Simon-Pierre, placé par Jésus à la tête du groupe des Apôtres, redevient le patron pêcheur. Il décide en connaisseur, où, quand et comment on va prendre le poisson : depuis la barque, durant la nuit et au moyen du filet.

Malgré les efforts de toute la nuit, la pêche n’a rien donné. Amateurs ou professionnels, les pêcheurs de tous les temps et de tous les pays comprennent trop bien ce genre de situation et le sentiment de découragement qui en découle. Le Seigneur a choisi le lever du jour pour les rejoindre sur le rivage. D’abord, depuis la barque, ils ne le reconnaissent même pas. « Jetez le filet à droite de la barque et vous trouverez ». Ils n’ont rien à perdre à suivre le conseil, puisqu’ils n’ont rien pris de la nuit.

Soudain tout change, le signe de la pêche miraculeuse leur est offert. Alors que leur expérience d’hommes de métier et leurs efforts de toute la nuit avaient été vains, la pêche, exécutée dans la lumière du matin, sur la seule parole du Seigneur donne un résultat qui dépasse toute espérance. Normalement avec une prise pareille, le filet ne devrait pas résister lorsqu’on va le traîner jusqu’au rivage. Pourtant, le filet tient bon… Mais déjà Jean, puis Pierre, ont reconnu Celui qui leur avait parlé : « C’est le Seigneur ! ». Le Maître est vivant, il se fait reconnaître des siens, et il réconforte ses disciples en leur partageant le repas – comme il le leur avait demandé autrefois de le faire, pour la foule au désert – du pain et du poisson grillé au feu.

Dès le début de sa vie publique, le Maître avait appelé ses Apôtres. Ils avaient quitté leur barque et leur père pour le suivre. Jésus avait dit à Simon : « Ne crains pas: désormais ce sont des hommes que tu prendras » (Lc 5, 1-11). Échec ou succès, c’est l’affaire du Seigneur. Sur sa seule parole, l’Église, comme un filet indéchirable, rassemble une prise au delà de toute espérance.

Un plein filet de gros poissons, sous tous les cieux, la quantité a toujours fait rêver les pêcheurs, et spécialement ce nombre de 153, un nombre à clés multiples évoquant toutes les espèces possibles répondant à l’énumération de tous les peuples présents à Jérusalem au moment de la Pentecôte. Certains Pères de l’Église ont même observé que ce nombre correspondait à la somme des nombres entiers de 1 jusqu’à 17, ils y ont décelé un symbole pour exprimer la multitude dans l’Église, comme un écho de la multitude des élus dans l’Apocalypse, du genre de celle que nul ne pouvait plus dénombrer…

À l’opposé des efforts humains déployés en vain dans les ténèbres de la nuit, une parole du Seigneur Ressuscité : « Jetez le filet à droite de la barque » conduit à une prise exceptionnelle, montrant bien qu’il s’agit d’un don de Dieu, d’une grâce. Accueillir ce don qu’est l’Église rassemblée, ou devenir témoin du Ressuscité, ne résulte ni d’un effort de concentration sur soi-même, ni d’une réflexion particulière, fût-elle hautement spirituelle. Il s’agit avant tout, d’être disposé, pauvrement, à recevoir, comme un cadeau immérité, la grâce de contempler Celui qui se fait reconnaître, vivant à jamais, au delà de la mort, par les amis qu’il a choisis, dans sa liberté souveraine.

Ainsi, ni les grands prêtres aveuglés par leurs calculs, ni les scribes du peuple juif tellement assurés de leur connaissance de Dieu qu’ils en avaient fait leur propriété privée, ni les membres de l’administration romaine soucieux de maintenir ce qu’ils considéraient comme leur bon droit et leur bon ordre, ni même le peuple trop versatile et attiré par le sensationnel, n’ont pu être bénéficiaires de ce signe inouï, le Seigneur est vivant pour les siècles, il est le salut désormais offert à tous ceux qui seront assez humbles pour le recevoir.

L’itinéraire des disciples est particulièrement éclairant pour comprendre notre condition spirituelle, celle de tous les croyants jusqu’à la fin des temps. Tous ceux qui sont capables de reprendre, en vérité, l’humble prière : « Je crois, Seigneur. Mais viens en aide à mon incroyance » (Mc 9, 24).

Ils ont fait l’expérience de l’épreuve, de la déception, de la tristesse, de la peur et de la souffrance. La grâce de voir le Christ ressuscité leur a été faite, mais dans un premier temps, ils n’ont pas été en mesure de la recevoir. Seulement, après coup, ils se sont souvenus de ce qu’ils avaient vécu, le cœur brûlant, avec Celui qui, sur les chemins de Palestine, leur avait « ouvert les Écritures ». Celui qui les avait fait passer progressivement de la tristesse à la paix et à la joie, qui leur avait offert ce signe du repas partagé, alors les disciples ont reçu ce don qui leur était offert : « Le Seigneur est ressuscité, il est vivant, nous l’avons vu et nous en sommes les témoins ».

Amen.

Références bibliques : Ac 5, 27-41 ; Ap 5, 11-14 ; Jn 21, 1-19

Référence des chants :

Vidéos liées

Recevez chaque
semaine vos newsletters :

Les différentes newsletters