Dieu veut célébrer les noces de Son Fils en invitant toute la famille humaine, enfin réconciliée, au festin de l’Agneau. Les expressions missionnaires abondent. Nous venons d’entendre trois fois le verbe envoyer : «Il envoya» des serviteurs, d’autres encore… «Il envoya même ses troupes» pour empêcher de nuire ceux qui avaient maltraité et tué les précédents. Et de nouveaux envoyés doivent partir à leur tour : «Allez donc aux croisées des chemins». Et ils allèrent !

Juste quarante ans après l’ouverture du Concile Vatican II, anniversaire que nous avons célébré avant-hier, nous gardons en mémoire son enseignement si vigoureux sur la mission. Le Concile remonte à la source de tout amour : «De sa nature, dit-il, l’Eglise est missionnaire, puisqu’elle-même tire son origine de la mission du Fils et de la mission du Saint-Esprit, selon le dessein de Dieu le Père (…). Ce dessein universel pour le salut du genre humain ne se réalise pas seulement d’une manière secrète (…). Tout ce qui a été prêché et accompli par le Seigneur Jésus doit être proclamé et répandu jusqu’aux extrémités de la terre» (Ad gentes 2 et 3). Ces paroles me rappellent celles du Pape Jean-Paul II que le Cardinal Billé aimait beaucoup et que j’ai plusieurs fois entendu citer par lui: «L’annonce de l’Evangile est l’acte d’amour suprême à l’égard de l’homme, de sa liberté et de sa soif de bonheur».

Quel beau chemin parcouru, depuis l’origine et au cours des derniers siècles ! Songeons à la figure de Saint Paul, en cette église justement qui porte son nom et où viennent de s’achever de très importants travaux de restauration. Saint Paul, l’apôtre infatigable qui a semé l’Evangile tout autour du bassin méditerranéen, et qui disait dans la seconde lecture : « Etre rassasié et avoir faim (…), manquer de tout (…). Je peux tout supporter avec celui qui me donne la force . » L’Eglise de Lyon – grâce à Pauline Jaricot, à Mgr de Brésillac et au Père Planque, grâce à beaucoup d’autres encore, comme les membres de la Société de Marie née dans la prière devant Notre-Dame de Fourvière – a été à l’origine d’un extraordinaire renouveau missionnaire au XIXème siècle. Combien de serviteurs, partis de cette ville, ont donné leur vie pour annoncer l’Evangile jusqu’en Extrême-Orient ! Elle est grande la reconnaissance de nombreuses Eglises d’Afrique pour notre Eglise diocésaine. Le cardinal Bernardin GANTIN, de passage à Lyon ces jours derniers, avant son retour définitif au Bénin, avait manifestement de la joie à nous redire cette gratitude.

Nous entrons aujourd’hui dans la Semaine missionnaire mondiale. Après les catéchistes et les prêtres invités ces deux dernières années, plusieurs évêques de jeunes Eglises viennent d’arriver en France pour vivre avec nous des temps de rencontre et de partage. Comment, dans des contextes culturels et sociaux si différents, nous acquittons-nous de la mission reçue ? Faut-il continuer à appeler (« Tout est prêt : venez au repas de noce ») alors que les invités ne tiennent guère compte de notre parole ? Pourquoi ne veulent-ils pas participer au festin des noces de l’Agneau ? Bienheureuse pauvreté de Celui qui a tout préparé depuis des siècles, qui est prêt à tout donner dans le mystère de l’Alliance, la Pâque de Son Fils, mais qui jamais ne forcera les coeurs. Il se contente d’inviter et nous demande d’entrer librement dans le jeu de sa grâce. Malheureuse richesse et suffisance de ceux qui croient n’avoir besoin de rien ni de personne, et qui, ayant à peine entendu l’invitation, répondent par un refus, et se perdent dans leurs petites affaires…

Vous le savez, frères et soeurs, aucun refus n’arrêtera ce roi. Encore et toujours, il envoie ses serviteurs, mais le ton change : « Conviez aux noces tous ceux que vous pourrez trouver. » Et les serviteurs s’en vont, ils ramassent tous ceux qu’ils trouvent, les mauvais comme les bons, pour remplir la salle de convives, comme les greniers du Père seront remplis de bon grain. Quelle joie de penser que, rassemblés ce matin dans cette église pour le festin eucharistique, nous sommes les « ramassés » de la dernière chance, un « ramassis » de bons et de mauvais, de pauvres pécheurs qu’on a trouvés au coin de la rue et qu’on n’a pas regardés de trop près, par chance !

Que les derniers mots de l’évangile : « La multitude des hommes est appelée, mais les élus sont peu nombreux » ne fassent peur à personne. Oui, le peuple élu est un peuple choisi et peu nombreux, et il annonce la miséricorde de Dieu à la multitude des nations. Toute la parabole d’ailleurs vise à nous assurer que Jésus n’entend pas limiter le nombre de ceux qui seront sauvés : « Allez donc aux croisées des chemins : tous ceux que vous rencontrerez, invitez-les… ». Et l’Ecriture nous enseigne maintes fois que : « Dieu veut que tous les hommes soient sauvés .» Le message de salut est universel.

Mais voici que parmi tous les convives, il y en a un justement dont la présence fait naître une grave difficulté. On nous offre même la possibilité d’arrêter la lecture de l’Evangile juste avant ce passage, si on le trouve trop gênant. Le roi s’approche donc de ce malheureux, et lui demande : "Comment es-tu entré ici, sans avoir un vêtement de noce ?"

Cette question nous touche profondément. Je sais bien qu’elle s’adresse à moi, et chacun de vous peut en dire autant. Un peu de courage ; nous n’allons quand même pas la fuir ou l’éviter. En outre, nous voyons clairement ce qu’elle signifie. C’est Dieu qui nous demande : Qu’as-tu fait de ton baptême, de toutes les grâces que tu as reçues ? Que signifie ta présence au milieu des « saints », pourquoi t’avances-tu et viens-tu dans ce banquet recevoir le Pain Vivant, alors que tu t’es éloigné de ton Seigneur, de Celui avec qui tu devais vivre en communion ? Or cet homme ne répond pas. Pourquoi donc garde-t-il le silence ? On devine aisément ce qui l’a amené ici : le banquet est attirant, et il a négligé de s’y préparer correctement. C’est une banale histoire de précipitation ou peut-être de passe-droit. Quelle affaire ! Mais pourquoi ne le reconnaît-il pas tout simplement ? En s’enferrant dans son mutisme, le malheureux provoque sa perte. Vient alors cette parole effroyable que nous préférerions n’avoir pas à entendre : «Jetez-le, pieds et poings liés, dehors dans les ténèbres.»

La fin de la parabole est terrible. Dans l’Evangile, l’enfer est présenté comme une possibilité réelle, toujours liée à l’offre de conversion et de vie. Rien ne nous permet de savoir avec certitude de quiconque qu’il soit effectivement en enfer. Nous avons le devoir d’espérer pour tous, et donc la mission urgente d’agir pour que tous les hommes soient sauvés et pour que personne ne se bloque dans le refus. A ce pauvre bougre qui garde le silence, j’aurais envie de dire, comme à tous ceux d’entre nous qui ont honte d’avoir abîmé la grâce de leur baptême et qui sont enfermés dans leur culpabilité : Ne soyez pas étonnés, ni meurtris. Ouvrez la bouche, dites une seule parole pour confesser vos péchés, et vous serez revêtus du vêtement de noce. Vous avez votre place parmi les convives. Vous savez combien Son amour est plus puissant que toutes nos lâchetés ou nos trahisons !

Il est clair qu’en son coeur de Père, Dieu veut voir tous ses enfants rassemblés au festin des noces de son Fils. Dans sa maison, il y a place pour tous. Oui, heureux les invités au festin de l’Agneau.

Références bibliques :

Référence des chants :

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