Pas très loin d’ici, Marie-Françoise doit regarder sa télévision, au dernier étage de sa résidence. Depuis sa terrasse, on voit les toits de Paris. Depuis près de quatre mois, une bonne bouteille m’attend dans son petit frigo. Jusqu’il y a peu, elle m’était malheureusement rigoureusement inaccessible. Marie-Françoise aurait beaucoup aimé que je lui rende visite, mais bien sûr, ce n’était pas possible. Comme pour nous tous, impossible de recevoir d’invité. Pourtant, c’était un geste gratuit, on n’attend rien en retour, pas de récompense. C’est simplement au fond de nous un instinct viscéral, vital et donc sacré que d’offrir l’hospitalité à quelqu’un. Le confinement nous aura appris cela : ce qui nous a manqué le plus pendant cette période, ce n’était peut être pas de sortir, dans la rue, dans la nature… mais bien plutôt de rentrer, ou plutôt de faire entrer chez soi, de partager chez soi.

D’ailleurs, je suis certain que l’on garde encore le souvenir de celui ou de celle qui a franchi le premier le seuil de notre appartement, de notre maison ou de notre chambre lorsqu’il a enfin été de nouveau possible de se recevoir. Le premier hôte post-covid. Peut-être que certains l’attendent toujours. Ou, en y réfléchissant un peu peut-être aussi que le confinement nous a fait prendre conscience de l’importance de ces hôtes discrets, presque hôtes malgré eux qui n’ont jamais cessé de nous rendre visite pour notre bien : infirmier, éboueur, facteur, livreur. Avons-nous appris à les regarder autrement ? N’étaient-ils pas les prophètes qu’il nous fallait en temps de crise : nous appelant à la vie, à l’espérance et à la fraternité ? Avons-nous compris cela : compris que le prophète n’est pas toujours celui que l’on croit…

Je crois que si notre désir d’exercer l’hospitalité est si intense, c’est parce que Dieu lui-même l’a planté dans notre cœur. Dieu nous appris l’hospitalité. Et cela a commencé dès notre baptême, lorsque Jésus lui-même nous a accueillis. Où cela ? Dans son tombeau, comme nous venons de l’entendre : « par le baptême, nous avons été mis au tombeau avec lui ». Un tombeau, quel drôle de lieu pour une première rencontre ! On aurait certainement préféré la terrasse tout juste meublée de la riche femme qui accueillit Elisée le prophète. Mais en vérité nous ne perdons pas au change. Parce qu’invités dans le tombeau avec le Christ, nous constatons pour nous même que ce lieu de mort est devenu lieu de vie. Bien sûr, ce fut à notre baptême, et nous n’avons pas compris de suite. Mais il faut y revenir. Invité par le Christ au cœur du tombeau, nous avons eu le privilège de visiter le lieu même où la résurrection a commencé.

Alors voilà, beaucoup me diront sans doute que le confinement, ça faisait plus tombeau que terrasse. Que l’on ressort aujourd’hui progressivement à la lumière et que cela peut nous éblouir. Qu’on aimerait oublier ces mois passés, les mettre entre parenthèse. Ce matin je vous dis : « surtout pas ! » Et je vous laisse avec deux conseils :

Si ces mois vous ont fait désirer plus que jamais l’hospitalité, exercez-là maintenant que vous en avez le loisir, avec une prime spéciale pour tous ces prophètes qui n’en ont pas l’air et qui pourtant nous ont permis de vivre ces derniers mois.

Et puis, retournez, en pensée, dans ce tombeau de mois de confinement dont nous sortons à peine, et demandez-vous si le Christ n’y était pas caché avec vous. Mais si d’aventure vous vous y trouvez encore, au cœur du désespoir et de la solitude, offrez à Dieu l’hospitalité de ce tombeau où vous vous trouvez, et demandez au Christ de venir y faire son travail. Surtout, n’hésitez pas, parce qu’il n’y a pas de réalité si obscure qu’il ne puisse visiter. Inviter le Christ dans ces lieux ténébreux en nous, là où nous n’oserions inviter ni même nos parents, nos enfants de peur d’être jugé, condamné par eux, cela s’appelle aimer Jésus plus que tous. C’est oser lui offrir l’hospitalité dans ce qu’il y a de moins hospitalier en nos vies, en nos histoires. Nulle nuit n’est plus noire que celle du tombeau de Pâques. S’il a éclaira celle là, il éclairera aussi les nôtres sans s’étonner des ténèbres que nous lui présentons. Ni s’émouvoir de ce que nous l’y invitons. Bien au contraire.

Je me résume : Invitez nos frères les hommes dans nos maisons, et inviter le Christ dans nos cœurs, sans nous soucier de l’état général de leur propreté. Je vous laisse, une bouteille m’attend au frais, depuis bien trop longtemps. Marie-Françoise, si vous me regardez, j’arrive !

Références bibliques : 2R 4, 8-11.14-16a ; Ps 88 ; Rm 6, 3-4.8-11 ; Mt 10, 37-42

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