« – Avez-vous compris tout cela ? – Oui. »

J’envie un peu les disciples de pouvoir répondre à la question de Jésus d’une manière aussi nette, affirmative et sans hésitation. Car moi, je ne suis pas sûr d’avoir compris toutes ces paraboles, ces images que Jésus utilise pour parler du royaume des Cieux, pas sûr d’avoir saisi ce que c’est au juste que ce « royaume des Cieux ». Est-ce un trésor caché dans un champ, est-ce une perle trouvée par un négociant, est-ce un filet lancé dans la mer puis ramené sur le rivage ? Quelle est donc la réalité mystérieuse qui se trouve derrière ces images ?

Si nous voulons « comprendre » à notre tour les paroles de Jésus, ne restons pas trop fixés sur l’image, celle du trésor, de la perle ou du filet, mais regardons plutôt ce qui se passe dans l’image. Car il s’y passe beaucoup de choses ! Ce ne sont pas des images immobiles, statiques, ce sont comme des dessins animés, de petites séquences de cinéma.

Il y a d’abord quelqu’un qui, un jour de sa vie ordinaire, fait une découverte extraordinaire. Travaillant ou passant dans un champ dont il n’est pas le propriétaire, il tombe sur un trésor qui était là depuis longtemps, mais bien caché, enfoui. Celui qui l’a trouvé, par un coup de chance en apparence, comprend aussitôt qu’en réalité ce trésor l’attendait, lui, qu’il est pour lui, qu’il est à lui. C’est le trésor de la foi, frères et sœurs, la foi au Christ, à son Évangile, à la Bonne Nouvelle. La foi, certains parmi nous l’ont reçue dès l’enfance, au baptême, mais ils l’ont enterrée si profondément qu’ils l’avaient oubliée ; d’autres, qui ont grandi hors de la foi, sont passés à côté d’elle pendant des années sans la voir, comme le trésor caché dans le champ. Mais quand les uns la retrouvent, quand les autres la découvrent, c’est pour chacun une joie si intense et si intime qu’elle doit être « achetée » au prix de tout le reste, quitte à la cacher de nouveau, le temps que cette foi grandisse et s’affermisse encore. Le temps du témoignage, de l’annonce de la foi, du partage de ce grand trésor viendra, mais plus tard.

Changement de scène. Le personnage n’est plus quelqu’un qui trouve sans avoir cherché, c’est quelqu’un qui cherche, qui cherche avec persévérance, application, et qui sait très bien au fond de lui ce qu’il recherche : non pas des perles qu’il pourra revendre ou échanger contre d’autres perles, et ainsi de suite à l’infini, mais la perle unique, plus précieuse que toutes les autres. Et voilà qu’il l’a trouvée, cette perle ! Alors, lui le négociant, il ne négocie plus rien : il vend tout ce qu’il a et il achète la perle. Quelle est cette perle dont la valeur ne se mesure à aucune autre ? Pour moi, frères et sœurs, c’est la perle de l’amour, l’amour de Dieu que Jésus est venu nous manifester et qui a été répandu en nos cœurs par l’Esprit Saint. Quand on découvre un jour que l’amour de Dieu, que ce grand amour nous a été donné dès notre premier jour, et que Dieu lui-même nous rend capables de répondre à son amour, on cesse enfin de négocier, on se repose en lui. Et nos amours, nos amitiés, nos affections humaines, ces perles fines, est-ce qu’elles perdent du même coup toute valeur ? Doivent-elles être abandonnées, mises au rebut ? Au contraire, c’est alors qu’elles trouvent leur vraie valeur, car elles sont désormais comme fixées, indexées sur la perle qui a valeur absolue, sur Dieu qui est Amour.

Voici cependant qu’une dernière séquence semble tout gâcher, tout assombrir. Elle commence par une scène de pêche, un grand filet que l’on plonge dans la mer et qui ramène toutes sortes de poissons, mais elle se termine sur la vision redoutable d’une fournaise où il y aura des pleurs et des grincements de dents. Je vais peut-être vous surprendre, frères et sœurs, mais cette image ne m’effraie pas ; je vois bien plutôt dans ce filet le filet de l’espérance. Car il ramasse de tout, du bon et du mauvais, jusqu’à ce qu’il soit rempli, à la fin des temps. Cela signifie que personne n’est d’emblée exclu du royaume des Cieux, qu’il n’y a pas d’un côté les justes et de l’autre les méchants, d’un côté le bien, de l’autre le mal ; les deux coexistent, y compris en nous-mêmes. Certes, un tri, un jugement, se fera entre ce qui est bon et ce qui ne vaut rien, mais ce jugement ne nous appartient pas. Ce qui nous appartient en revanche, c’est de laisser Dieu nous purifier, nous simplifier, nous rendre bons, tant que nous vivons dans le large filet de l’espérance. N’est-ce pas cela devenir « disciple du royaume des Cieux » ?

Références bibliques : 1R 3, 5.7-12 ; Ps 118 ; Rm 8, 28-30 ; Mt 13, 44-52

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