Je ne sais si vous avez souvent pensé que nous aussi, les évêques et les curés, les animateurs des pèlerinages et les membres des chorales, les sacristains et les enfants de choeur, nous sommes aussi à notre façon, comme vous, des travailleurs du dimanche, des spécialistes de la fête et même parfois des agents touristiques. L’Eglise est presque toujours, vous l’avez remarqué sans doute, comme vous, au coeur des grands événements familiaux (baptême, profession de foi, mariage…) ou des festivités communales (pardons, kermesse ou ducasse…)

Ce rapprochement peut en irriter quelques-uns : qu’y a-t-il de commun entre les fêtes humaines, règne de l’argent, de l’alcool et du sexe, avec les célébrations chrétiennes marquées par la pénitence, le sacrifice et la vie intérieure. L’évangile de ce dimanche nous le rappelle en des termes sévères. Tout quitter, tout haïr, tout rejeter pour être disciple de Jésus, porter sa croix derrière lui. Quel triste programme ! N’est-ce pas tout le contraire de la fête ?

Et pourtant nous ne saurions oublier tous les autres textes de l’Ecriture qui invitent à la joie. Le Royaume de Dieu que Jésus annonce n’est-il pas le rassemblement de toute l’humanité dans un Esprit nouveau, une compréhension au-delà des différences de langue, un pardon au-delà des conflits, une famille pacifiée par-dessus les frontières, une vie éternelle par delà les souffrances et les cimetières, Non, Jésus ne nous demande pas de renoncer à la joie et à la fête. Il ne nous dit pas de renoncer à bâtir une tour ! Il ne nous dit pas de renoncer à l’ambition d’un royaume. Il demande seulement qu’on n’oublie pas le prix qu’il faudra payer et les hommes qu’il faudra sacrifier pour aller au bout de ce que l’on entreprend.

C’est pourquoi l’Eglise ne se sent nullement étrangère dans une fête. Elle sait que son devoir est de rappeler le projet du Père : le grand repas de noce où tous sont invités, la fête de la moisson et des vendanges du dernier jour, le pèlerinage à la Jérusalem céleste sont des paraboles qui disent la fête que Dieu prépare. Chaque messe annonce la fête éternelle du Royaume qui vient en même temps qu’elle rappelle la mort de Jésus en croix. Chaque dimanche l’Eglise invite l’ouvrier au repos, l’esclave à la liberté, l’étranger au partage. Elle rythme le temps par ces moments de fête qui rappellent que l’éternité de l’amour de Dieu est déjà là, que la fête définitive est déjà commencée, que tous les hommes y sont dès aujourd’hui conviés.

Mais elle est aussi à sa place quand au coeur de la fête, elle rappelle ce qu’on voudrait oublier : le sort des artisans dont on renvoie les caravanes loin des centres-ville, le drame de l’acrobate blessé quand le clown s’écrie « que la fête continue ! », les garçons et les filles livrés aux appétits des riches étrangers, les conditions précaires de la vie des travailleurs saisonniers, l’ennui de tous les exclus de la fête et des vacances. Il est temps de savoir si nous avons les moyens de bâtir la tour. Il est temps de porter attention à ceux qui payent les loisirs dont nous profitons. Il est temps de dire bonjour au commerçant qui nous sert.

La fête ne peut être réussie si l’on en oublie le prix, si ceux qui la font ne peuvent en profiter, si l’exploitation remplace la fraternité, si la fête produit de l’oubli et non pas de la joie. Le vin de Cana a pour vocation de devenir le vin de la dernière Cène avant d’être celui que Jésus partagera dans son Royaume. On ne boit pas pour oublier mais pour se souvenir et espérer, pour trinquer avec tous, pour chanter avec les anges et danser avec les étoiles, pour faire la ronde de toutes les générations, pour dire le sens du travail et de la souffrance, pour entrer dans la fête du Dieu trinitaire.

Références bibliques :

Référence des chants :

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