Homélie de Louis Clerget, seul diacre sourd en France, en langue des signes aux téléspectateurs sourds.

Laissez-moi vous rappeler un souvenir de jeunesse : à 16 ans, au retour du marché de la rue Mouffetard, j’arrive avec ma mère place de la Contrescarpe. À ma grande surprise, je la vois s’avancer vers des clochards assis sur le trottoir, elle bavarde tranquillement avec eux… Je fais un pas en arrière, je tiens à éviter tout contact : ces hommes sont sales et repoussants. Me prenant à part, ma mère me réprimande : " Mon garçon, souviens-toi que Jésus ne juge pas les hommes sur leurs apparences. Les pauvres et les humbles seront toujours les préférés de Dieu."

Ce matin, justement, l’Évangile de Luc interroge notre regard ; Luc présente une femme prostituée qui entre dans la salle du repas : craintive, elle reste à distance et se tient derrière, Jésus se tait, il ne la repousse pas ; elle ose alors s’approcher. À la surprise de tous, Jésus se laisse toucher par cette femme impure ; de tout son corps, elle exprime tout son amour, sans ambigüité, car elle se sait pardonnée et aimée. Enfin, quelqu’un qui ne l’enferme pas dans son péché, qui ne regarde pas ce qu’elle a fait, mais ce qu’elle est : une femme voulant retrouver sa dignité.
Quelle Bonne Nouvelle ! Jésus met toute sa joie à remettre debout et à redonner l’espérance à cette femme que tout le monde considérait comme perdue.

Il nous révèle le désir de Dieu de nous libérer du mal et de nous remettre debout, c’est pour cela qu’il s’approche de nous ; il nous aime le premier : sachons accueillir sa miséricorde qui, dans notre cœur, descend plus profond que notre misère.
Oui, Jésus nous le répète : je ne suis pas venu appeler les justes mais les pécheurs.
Comme Simon nous avons du mal accepter un Dieu qui ne condamne pas les égarés mais qui nous sauve par son pardon.

Finalement, ce Simon, ne nous ressemble-t-il pas : pour nous qui sommes bien pensants, il y a des gens non fréquentables, une prostituée à table avec des hommes religieux, fidèles observateurs de la loi, c’est intolérable, sa place n’est pas ici. Face au silence et à la patience de Jésus, il est décontenancé : si Jésus est un homme de Dieu, il ne peut se commettre avec les pécheurs.
Enfin, Jésus prend la parole pour lever toute confusion sur son comportement : " Je suis venu chercher et sauver ceux qui étaient perdus ". Dans le cœur de Dieu, il y a une surabondance d’amour : il nous aime le premier, gratuitement et sans mérite de notre part.
Emerveillé par son pardon, je me sens appelé à le révéler, à mes frères sourds souvent ignorants de la bonté de Dieu à leur égard.

Comme ce dimanche de mai, au fond de l’église Saint-Jacques, à la chapelle de la Vierge, où un jeune couple sourd d’origine indienne venait d’assister à la messe en LSF (Langue des Signes Française), il s’avance vers moi, le garçon me demande : « Est-ce possible de se marier à l’église ? Je suis baptisé, ma fiancée ne l’est pas. » Soulagé par mon oui et mon sourire, il accepte de s’asseoir. Je lui pose une question directe : « Sais-tu qui est Jésus? » Je lis sur son visage une déception : « Je ne sais rien de Jésus, pourtant je suis allé souvent avec mes parents à la messe, mais je n’entendais rien, je ne comprenais rien… Maintenant, je crois que Dieu comprend la langue des signes. »

Comme la femme pardonnée de l’Évangile, mes amis de Fontenay-sous-Bois et vous qui êtes devant votre téléviseur, laissez-vous regarder par le Christ car il vous aime, afin que vous regardiez les autres comme Jésus, lui qui est « Chemin, Vérité et Vie ».

Références bibliques : Is 12, 7-10.13 ; Ga 2, 16.19-21 ; Lc 7, 36-8,3

Référence des chants :

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