Frères et sœurs,

celui qui vous parle n’en mène pas large.

Parce que par exception, ce sermon est un sermon à domicile. Chez moi, dans mon couvent, devant mes frères dominicains ; avec en plus l’équipe du Jour du Seigneur au sein de laquelle, pendant la semaine, je travaille. Devant un tel aréopage, on ne peut que se sentir modeste.

Fort heureusement, l’Évangile nous rassure : la récolte ne dépend pas du semeur. Que veut dire Jésus, en effet, par les deux paraboles que nous venons d’entendre ?

D’abord, que le semeur n’a aucune idée de la façon dont le grain germe. Certes, depuis les environs de l’an 30, la science a progressé, mais sous le règne de l’empereur Tibère, on ne savait rien du mystère de la germination. On semait, on récoltait, et entre les deux… C’était l’affaire de Dieu.

Ensuite, que la graine la plus petite peut donner le plus bel arbre. Là encore, c’est l’affaire de Dieu.

 

Lorsque nous — non seulement nous, les prédicateurs, mais nous tous, les chrétiens — voulons transmettre notre foi, nous faisons cela : nous semons. Nous semons une toute petite graine, parce que notre foi est fragile et notre parole embarrassée. En famille ou avec nos amis, à l’église ou au catéchisme, avec nos enfants, avec nos petits-enfants, nous sommes bien conscients de ne pas semer beaucoup plus que des graines de moutarde. Quelquefois nous nous en faisons reproche. Mais en vérité, cela n’a pas d’importance. Dieu fait un jardin d’une graine de moutarde.

De même, nous nous inquiétons de savoir ni notre graine germe, nous peinons, nous suons, nous nous impatientons, nous tirerions presque sur la tige pour qu’elle grandisse plus vite — c’est vrai surtout, n’est-ce pas, pour les parents —, mais en vérité, elle grandit comme elle veut. Ou plutôt, elle grandit comme Dieu veut. Non seulement nous ne décidons pas, mais la terre dans laquelle nous avons semé, nos proches, nos fidèles, nos enfants, ne décident pas non plus. C’est Dieu qui fait germer la foi, c’est Dieu qui fait fleurir les cœurs.

 

Tout ce qui nous est demandé, c’est de semer les graines que nous avons. Si modestes soient-elles. De semer et d’espérer.

Cela est vrai de tous les prédicateurs ; de tous les enseignants ; cela est aussi vrai de chacun de nous. Notre témoignage, notre parole, notre exemple, sont les germes du Royaume de Dieu. Nous devons le croire, nous devons continuer à semer.

Nous n’avons pas à avoir peur de notre inexpérience, ou de notre peu de charisme, ou de nos propres défauts. Puisque ce n’est pas de nous que dépend la récolte. Nous n’avons pas à craindre l’hiver, l’échec apparent, les rebuffades, le regard d’autrui ; puisque c’est l’Esprit de Dieu qui fait germer.

Nous n’avons qu’à être comme les vrais semeurs, je veux dire, ceux qui, chaque année en novembre, sèment les vraies graines dans les champs dénudés, et qui attendent, qui espèrent, qui croient que le mystère de la vie, encore une fois, s’accomplira.

Nous n’avons qu’à croire que s’accomplira le mystère de la vie de Dieu dans le cœur de ceux que nous aimons, de ceux qui nous été confiés, de ceux même que nous n’avons fait que croiser un instant et qui n’ont reçu de nous qu’une minuscule graine de moutarde, un mot, un sourire, la plus petite graine qui soit.

Et nous le croyons. Parce que c’est ainsi que la foi s’est transmise dans l’humanité ; parce que c’est ainsi, d’hiver en printemps, qu’a toujours refleuri l’amour ; parce que Dieu n’abandonne jamais son peuple, son peuple de modestes semeurs, son immense peuple de semeurs de graines de moutarde.

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