En cette période de l’année, il est agréable, n’est-ce pas, de nous souhaiter un bon été. Eh bien ! Jésus a une drôle de manière de nous souhaiter d’être heureux en ce premier dimanche de juillet. Dans l’Évangile que nous venons de lire, avez-vous retenu les dernières phrases ?

A un homme qui voulait le suivre partout où il irait, Jésus répond : «Sache que le Fils de l’Homme n’a pas d’endroit où reposer sa tête».

A un autre qui voulait aller aux funérailles de son père, Jésus demande de partir immédiatement annoncer le Royaume : «Laisse les morts enterrer les morts».

A un troisième qui veut tout simplement aller dire au revoir à sa famille, Jésus rappelle : «Celui qui regarde en arrière après avoir mis les mains à la charrue n’est pas digne du Royaume de Dieu».

A ce régime-là, qui donc peut suivre Jésus ? Avec des phrases comme celles-là, peut-on continuer de dire que l’Évangile est une Bonne Nouvelle ?

Ce qui n’arrange rien, c’est que ces paroles extrêmement dures que saint Luc met sur les lèvres de Jésus vous ont peut-être remis en mémoire – comme à moi – d’autres paroles de Jésus qui font sursauter : «Si ton oeil te scandalise, arrache-le… Si c’est ta main, coupe-la». Et la meule qu’il faut attacher au cou du coupable… Et cette lancinante phrase qui tombe comme un couperet : «Jetez-les dans la géhenne».

Cette brassée d’images redoutables et de formules tranchantes fait partie de l’Évangile, on ne peut pas en arracher les pages. Supposons que ce midi, autour de la table, vous ayez envie d’en reparler, et que l’un d’entre vous, en haussant les épaules, dise : «Il faut cesser de dire des choses pareilles dans les églises». Ou bien qu’un petit, un de vos enfants, vous dise qu’il a peur de Jésus qui punit si sévèrement les méchants. Comment répondre ou plutôt, comme comprendre ?

Oui, il faut comprendre, car c’est avec des phrases comme celles-là qu’on a parfois défiguré Dieu en en faisant un Dieu cruel, un Dieu «pervers», un Dieu inhumain, exigeant l’impossible… Si c’est cette image-là qui nous vient à l’esprit, c’est que nous n’avons pas compris, car Jésus est venu nous dire exactement le contraire.

Alors, comment comprendre ces paroles… ? Comment expliquer le ton de Jésus prononçant ces paroles ?

Les paroles de Jésus… ? Ni l’Église ni personne ne les a jamais interprétées au pied de la lettre. On a tous compris que Jésus ne veut pas dicter des conduites pratiques du style : il ne faut plus aller enterrer ses parents, etc. Ces formules très fortes ne sont pas des règles de conduite. A plus forte raison, la main qu’on coupe, l’oeil qu’on arrache, ce ne sont pas des ordres à exécuter. L’exagération n’est pas absente de ces formules à l’emporte-pièce et de ces sentences à la formulation paradoxale.

Tournons-nous plutôt vers Jésus qui prononce ces paroles fortes sur un ton qui nous étonne. C’est le ton de la sévérité, c’est même le ton de la menace. On ne reconnaît plus Jésus ! Où est le Jésus qui pardonne ? Où est le jardinier qui patiente une année encore pour que le figuier donne du fruit ? Où est le maître de la vigne qui embauche jusqu’à la onzième heure ?

Eh bien ! C’est le Père Besnard, un dominicain, qui m’a aidé à comprendre ces pages déroutantes de l’Évangile. Il a écrit à peu près ceci. Toute la prédiction de Jésus n’est que bonne nouvelle et promesse de bonheur. Mais il a rencontré un obstacle majeur chez les hommes de son temps, de même qu’il rencontre aujourd’hui le même obstacle majeur chez nous. Cet obstacle, c’est notre dureté de coeur. De toutes les manières, Jésus a essayé d’entamer cette dureté, de briser cette croûte de nos coeurs. De toutes les manières, tantôt en se faisant tendre, en prononçant des paroles de douceur, tantôt en se faisant dur, en prononçant des paroles sévères.

Mais en tout cela, il ne vise qu’une seule chose : faire une brèche dans notre coeur muré. Alors, cessons de dire que Jésus est dur. La dureté, elle est en nous.

Nous sommes durs d’oreille, pas étonnant que Jésus élève le ton pour nous réveiller de notre somnolence et de notre assoupissement.

Nous sommes durs à convaincre et à mettre en route, plutôt portés à remettre à plus tard : «On verra bien, y’a pas le feu !». Pas étonnant que Jésus élève le ton pour dire : «C’est maintenant, c’est tout de suite, c’est urgent, convertissez-vous, c’est important».

Et enfin, nous sommes durs de coeur. Le monde est dur.

Des millions d’enfants, garçons et filles, sont vendus sur le marché du travail, comme des esclaves, dès qu’ils ont 8 ans. Alors, qui est dur ? Jésus quand il dit : «Malheur à celui qui méprise ou scandalise un de ces petits ?».

Et les petits, ce sont aussi les pauvres de ce monde, les sans-voix… Combien sont méprisés à côté de nous sans que nous y prenions garde ! Alors, qui est dur, Jésus… ? Ou bien notre monde ?

Nous ne sommes pas là pour dresser la litanie des péchés du monde, mais si l’on faisait le bilant du XXe siècle, on serait effrayé par ce que la haine raciale, l’esprit de vengeance, l’appétit de l’argent, la violence arbitraire ont pu accumuler comme sacrifices de vies d’hommes, comme ruines, comme souffrances innocentes ! Alors, qui est dur ?

Nous avons bien compris, n’est-ce pas, que la dureté de certaines paroles de Jésus ou la rudesse de son ton sont tout simplement proportionnées à la dureté du monde.

Jésus n’est pas violent, mais il est ferme parce qu’il ne tolère pas l’intolérable. Ce n’est pas un Jésus doucereux et mièvre, mais un homme courageux et exigeant. C’est pour cela que nous l’aimons. Et nous devons, nous aussi, à sa suite, parler haut et fort et lutter pour dénoncer l’intolérable, ou alors ne nous disons plus disciples de ce Jésus.

J’espère que nous sommes un peu réconciliés avec ces pages d’Évangile qui nous déroutaient. Jésus ne veut que notre bonheur, l’Évangile est Bonne Nouvelle. L’amour de Dieu, l’amitié de Dieu pour l’humanité est le coeur même de l’Évangile. La Brûlure de la Parole de Dieu n’est pas pour détruire mais pour guérir. Si on en doutait, le message de saint Paul entendu tout à l’heure le confirmerait. Il écrit aux premières communautés chrétiennes : «Le Christ vous a libérés. C’est à la liberté que vous êtes appelés».

Le christ n’est pas venu voler notre liberté, mais la faire exister.

Les vacances – pour ceux qui peuvent en prendre – sont un temps libre. Puissent ces mois d’été nous faire grandir dans cette liberté-là…

BON ETE !

Références bibliques :

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