Pour Jésus, la vie éternelle est une évidence : « Dieu n’est pas le Dieu des morts mais le Dieu des vivants ». Dans sa bouche, c’est comme un cri vers le Père. Le Dieu vivant, le Dieu créateur, ne règne pas sur les morts, sa puissance est pour la vie et la vie est faite pour durer toujours. Croyons-nous cela, frères et sœurs ? Le croyons-nous en vérité, ou faisons-nous partie de ceux dont l’apôtre saint Paul dit que « tous n’ont pas la foi » ? Car une grande partie des drames de l’humanité naît de la peur de la mort, de la conviction secrète, irraisonnée, mais inscrite dans nos profondeurs, que la mort finira l’emporter.

Les Saducéens en sont l’illustration. Pourquoi se réfèrent-ils à la pratique qui voulait qu’un homme dont le frère était mort sans laisser d’enfant prenne la veuve de celui-ci comme épouse et tâche de la rendre mère, achevant ainsi ce que son frère n’avait pu mener à bien ? Dans un univers où l’on ne croit pas à la résurrection, il n’y a que deux manières de conjurer la mort et le néant : acquérir la gloire, ou engendrer des enfants qui garderont votre mémoire et qui, à tout le moins, porteront la trace que vous avez existé.

Jésus, frères et sœurs, nous délivre de ce besoin-là. Par lui, en lui, nous recevons accès à la vie même de Dieu, nous sommes appelés à participer à l’échange éternel du Père et du Fils, l’un et l’autre laissant jaillir de leur échange l’Esprit qui le renouvelle toujours. Dans cette foi-là, nous n’avons plus à nous inquiéter de notre survie et, alors, tout ici-bas change de signe.

La procréation n’est plus une nécessité vitale, elle peut être paisiblement un émerveillement pour la fécondité de l’union des corps et un service de la vocation personnelle de chaque nouvel être humain.

Acquérir des biens peut ne plus être un objectif déterminant dans l’existence, mais plutôt le déploiement de ses dons pour servir la vie de tous les autres.

Les autres êtres humains ne sont plus des concurrents dont il faut toujours se méfier dans un monde limité, ils peuvent être regardés comme des frères et des sœurs en puissance dont nous aurons la joie de découvrir dans l’éternité la beauté et la profondeur, où se reflète la richesse de Dieu.

Ensemble, nous évêques achevant notre assemblée et vous qui célébrez avec nous dans cette basilique ou grâce au service public et au « Jour du Seigneur », nous entendons les vœux de l’Apôtre : « Que notre Seigneur Jésus Christ lui-même et Dieu notre Père […] réconfortent vos cœurs et les affermissent en tout ce que vous pouvez faire et dire de bien ».

Pendant ces jours, nous avons poursuivi, avec l’aide de personnes qui en ont été elles-mêmes victimes, notre travail pour faire face à la réalité des agressions sexuelles commises par des prêtres contre des mineurs et en sortir définitivement. Il est affreux et intolérable que des ministres du Dieu vivant, de celui pour qui « tous vivent », puissent être des porteurs de mort. A travers différentes causes qu’il faut essayer de mieux cerner, les coupables d’actes de ce genre cherchent toujours à conjurer la mort et le néant. Comment la foi en la résurrection, comment notre foi en Dieu le Père, Dieu des vivants, peut-elle pénétrer le fond le plus archaïque de nos libertés pour nous faire renoncer à la fascination de la mort et servir humblement la vie qui ne peut mourir ?

Nous nous sommes laissés bousculer par des personnes qui changent de vie en raison de la contrainte écologique. La foi en la résurrection ne constitue pas une échappatoire face aux bouleversements auxquels l’humanité fait face et va faire face sur notre planète. Elle nous encourage à chercher des modes de production, de consommation et de vie qui puissent être partagés avec tous les êtres humains, et elle nous promet de trouver en cette recherche de la joie.

Comment des serviteurs du Dieu des vivants ont-ils pu se comporter en prédateurs des ressources de la planète au détriment des autres ? L’ignorance, sans doute, des liaisons entre les phénomènes l’explique et l’excuse pour une part. Désormais, nous autres disciples de Jésus, devons puiser dans notre foi en la vie éternelle les immenses encouragements nécessaires, les motivations profondes, pour participer aux transformations nécessaires sans colère, sans ressentiment, sans panique ni recherche de solutions faciles, sans égoïsme surtout, avec l’espérance forte que le cosmos est un don du Dieu des vivants, non pour que nous nous y enfermions mais pour que tout homme y trouve de quoi se préparer à la vie en plénitude.

Nous ne sommes guère menacés des horribles supplices subis par les sept frères dont le livre des Maccabées nous raconte l’histoire. Nous n’aurons pas forcément besoin de leur héroïsme. Trop d’hommes et de femmes ont été torturés à travers l’histoire, trop le sont encore aujourd’hui. Tout tortionnaire, quelles que soient ses motivations, manque à la foi en la résurrection, manque à la foi dans le Dieu vivant. Le roi grec hellénistique Antiochos est la figure de tous les pouvoirs politiques qui ne supportent pas d’autres pouvoirs que le leur ou qui ne s’accommodent que des pouvoirs à leur mesure. L’assurance des sept frères, que Dieu qui les a créés les veut vivants pour toujours, nous stimule. Puisse la foi en la puissante bonté du Dieu des vivants éclairer nos choix, habiter nos pensées, ouvrir nos cœurs à la recherche de la communion avec tous, nous permettre de vivre les changements du monde dans la générosité, la confiance, l’espérance.

« Que le Seigneur conduise nos cœurs dans l’amour de Dieu et l’endurance du Christ »,

Amen.

Références bibliques : 2 M 7, 1-2.9-14 ; Ps 16 ; 2 Th 2, 26-3, 5 ; Lc 20, 27-38

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