Frères et sœurs,

Au moins les textes d’aujourd’hui sont clairs : oui, il y a une résurrection des morts ! Car Dieu est fidèle ainsi que nous le rappelle saint Paul dans la seconde lecture. Dieu est le Dieu des vivants, proclame Jésus. Il est le maître de la vie, entendions-nous dimanche dernier. Vous croyez en Dieu, croyez donc en la vie ! Et si vous croyez en la vie, croyez en Dieu !

Il y a quelques mois, Christiane Singer nous quittait, frappée par un rapide cancer. Cette écrivaine passionnée par le Christ nous a laissé un magnifique livre intitulé Derniers fragments d’un long voyage. Elle y écrit : « Ma dernière prière : ne soyez pas déçus que la mort a en apparence vaincu ; ce n’est que l’apparence, la vérité est que tout est VIE, je sors de la vie et j’entre en vie. Ah comme je serre dans mes bras tous ceux que j’ai eu le bonheur de rencontrer sur cette Terre ! ». La foi chrétienne nous dit que Dieu est alliance. Il ne peut abandonner ceux avec qui il s’est lié d’amour et, a fortiori, ceux qui ont donné leur vie pour lui. Rappelons-nous les sept frères – quatre seulement ont la parole dans la lecture d’aujourd’hui. « Puisque nous mourons par fidélité à ses lois, le Roi du monde nous ressuscitera pour une vie éternelle. » Il y aurait quelque chose de décidément absurde à faire de la mort un point final. Non pas que ce soit pour ressusciter qu’ils aient été fidèles à Dieu, bien sûr. Mais ce Dieu mériterait-il notre fidélité si lui-même ne l’était pas ?
Il nous faut penser ici à tous les exclus de l’histoire, toutes les victimes de nos injustices, à tous « ceux qui sont morts pour une juste guerre», ainsi que l’écrivait Charles Péguy (ne sommes-nous pas le 11 novembre ?). Mais aussi les affamés, les rejetés, les humiliés, tous ceux à qui Jésus lui-même s’est identifié jusque sur la croix. Le monde n’est pas un attrape-nigaud où les puissants et les mauvais seraient toujours gagnants. Dieu est fidèle et juste. Il remettra les choses dans leur bon sens.

Comment serons-nous là-haut ?

Comment serons-nous là-haut ? La foi est une espérance qui ne dit rien du comment. Le symbole des Apôtres nous a cependant appris à parler de la résurrection de la chair. Qu’est-ce à dire ? L’Évangile d’aujourd’hui, lui, nous suggère que nous serons comme des anges. Mais qui en a déjà vu ? Cette réponse de Jésus nous invite à ne pas prendre cette résurrection de manière matérielle. Il ne s’agit pas d’un retour à la vie terrestre, mais d’une re-création, d’une transformation inimaginable.
Il y a en effet une rupture profonde entre cette vie-ci et l’autre. Nous serons désormais dans le monde de Dieu, lui qui est non pas matière mais esprit. Les mots de nos catéchismes et de nos credos sont donc trop pauvres pour nous permettre de comprendre ce à quoi nous sommes appelés. Le visiteur d’un jardin zoologique n’a pour spectacle que des animaux en cage et il est bien difficile de les imaginer en pleine liberté.
Rupture donc, mais aussi continuité. Le mot chair signifie tout ce que nous sommes, mais dans la fragilité. Nous serons accueillis avec toute notre personne, tels que notre histoire nous aura fait devenir. Et le pardon de Dieu y mettra la touche finale. Théodore Monod, cet explorateur protestant maintenant décédé, espérait qu’il y ait une autre existence après la vie terrestre « ne serait-ce que pour obtenir le pardon de ceux que j’aurais pu blesser au cours de ma vie par mes actes, mes paroles et mes silences » . Et que dire du pardon de Dieu ?

Nous reverrons-nous ?

Nous reverrons-nous ? demande-t-on parfois. Oui, bien, sûr ! Mais ce n’est qu’une pauvre manière de parler à côté de ce que nous sommes appelés à vivre. La chenille peut-elle imaginer ce qu’est être papillon ? C’est pourtant bien elle qui un jour s’envolera dans le ciel. À la lumière de tout l’Évangile, nous sommes invités à parler du ciel en termes de relations et d’amour. L’essentiel de notre vie, ce sont les relations que nous tissons. Rien n’en sera perdu. Le ciel éternisera tous les actes d’amour et de service que les hommes auront accomplis sur cette terre (B. Sesboüé). J’aime la finale de ce film d’il y a quelques années, Ghost. Sam s’en va vers l’éternité Il crie à sa fiancée Molly, encore sur terre : « C’est merveilleux ! L’amour que l’on a en soi, on l’emporte avec soi ! Et Molly de répondre : Au revoir ! »

Mais cet amour est appelé à s’élargir, ainsi que le suggère l’histoire de la femme aux sept maris. Notre amour terrestre a encore quelque chose d’exclusif. Nous ne pouvons aimer totalement qu’une personne à la fois. Dieu, lui, est capable d’aimer tous ses enfants, de façon unique et totale. Dans le Royaume, nous serons capables d’aimer comme lui. Les liens privilégiés que nous avons tissés au fil du temps demeureront. Mais en même temps, nous pourrons nous ouvrir à tous et aimer chacun. Telle est l’espérance chrétienne. Saint Paul parlait d’un corps spirituel. Il sera le lieu d’un amour sans frontières.

Y a-t-il une preuve de cet au-delà ? Non, bien sûr, même s’il y en a parfois des signes. Et le plus grand, c’est Pâques. Jésus est comme cet oiseau qui, en se blessant au filet dans lequel tous sont emprisonnés, ouvre une brèche par laquelle ils peuvent passer. C’est à lui que nous allons communier dans cette eucharistie. Il a aimé comme on n’a jamais aimé. Chaque fois que nous aimons comme lui, au moins un peu, l’éternité est commencée et la chenille que nous sommes encore se sent déjà pousser des ailes !

Références bibliques : 2 M 7, 1…14 ; Ps 16 ; 2 Th 2, 16-3, 5 ; Lc 20, 27-38

Référence des chants :

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