Les pieds sur terre,
Du ciel dans les yeux
Et de l’infini dans le coeur !

Mieux qu’un slogan publicitaire, chers frères et soeurs, je vois dans cet énoncé un raccourci saisissant de la fête de l’Ascension.
 Les images et les représentations culturelles de cette fête peuvent être dangereuses. Elles risquent de nous emporter dans un univers quelque peu magique, vaporeux, irréel, miraculeux… L’Ascension nous donne rendez-vous avec le Jésus de l’incarnation, celui qui est venu planter Dieu au coeur de la vie, au coeur de l’homme, au coeur des réalités les plus concrètes. Jésus a toujours eu les pieds sur terre. Il est venu rejoindre ce qu’il y a de plus beau et de plus tragique dans notre métier de vivre. Il n’a fait que se passionner pour l’homme, lui révélant sa dignité. Il a aimé jusqu’au bout dans la nuit du refus et de la mort.
 Il est désormais ressuscité. Cela veut dire que son option de vie et son engagement au service de l’homme éclatent en victoire et en réussite éternelles.

La Résurrection déjà mais encore plus l’Ascension expriment l’accomplissement plénier, total et définitif de tout le parcours de Jésus, de son acharnement à faire triompher la vie et l’amour au coeur des tragédies et des drames de l’histoire humaine. Eh bien oui, aujourd’hui, on peut le dire et le chanter sur tous les tons et dans toutes les langues : « C’est réussi ! » La vie de Jésus ne débouche pas sur le néant, elle débouche sur la gloire de Dieu. Et, dans cette perspective, au moment où Jésus entre dans le ciel, – comprenez moins dans un espace que dans une intimité – on peut dire d’une certaine manière que Jésus a encore les pieds sur terre, et que, avec lui, la terre devient ciel, l’humain devient divin et l’histoire devient éternité. Avec l’Ascension, c’est toute l’épaisseur de l’humain avec ses contradictions et ses pauvretés, ses grandeurs et ses faiblesses qui trouve son sens et son accomplissement dans le coeur infini de Dieu, dans le brasier trinitaire. Celui qui avait foulé la terre de Palestine avec tant de noblesse et de gratuité, Jésus, a désormais du ciel dans les yeux.

Cette fête de l’Ascension qui est pour Jésus accomplissement de lumière, aboutissement de l’amour, couronnement des efforts de liberté de tout une vie devient en même temps pour ses disciples un nouveau départ.
 S’opère ainsi un merveilleux glissement vers quelque chose de radicalement nouveau, une PRÉSENCE dans l’ABSENCE.

– Il n’y a plus rien à voir du côté du tombeau. Il est vide :
 « Ne cherchez plus parmi les morts celui qui est vivant. »
 C’était le message du matin de Pâques.

– Il n’y a plus rien à voir du côté du ciel.
 « Pourquoi restez-vous là à regarder le ciel ? Jésus qui a été enlevé du milieu de vous reviendra de la même manière… »
 C’est le message d’aujourd’hui, celui de l’Ascension.

– Mais alors ! Où y a-t-il désormais quelque chose à voir ?

… du côté de la communauté, de l’Église, du côté de l’être-ensemble d’hommes et de femmes, investis par l’Esprit-Saint, qui témoigneront du Christ vivant.
 L’Ascension ouvre ainsi sur la Pentecôte.
  « Vous allez recevoir une force, celle du Saint Esprit qui viendra sur vous. Alors, vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie et jusqu’aux extrémités de la terre. »

Impressionnant glissement qui va de Pâques à l’Ascension, de l’Ascension à la Pentecôte. Merveilleux glissement de sève, de vie, de lumière qui nous prépare à découvrir que le Christ, tout en étant exalté dans la gloire du Père, continue son oeuvre de libération au milieu de nous, dans le coeur de chacun , chacune. « L’au-delà » devient « l’en-dedans ». Jésus n’avait-il pas annoncé la couleur : « Il est bon pour vous que je m’en aille ». Désormais, la trace est faite, le chemin est ouvert pour tous les quêteurs de sens, les insatisfaits ouverts, les nostalgiques de l’essentiel, les pèlerins de l’absolu…

Vivre comme le Christ, dans le dynamisme de son exaltation, c’est vivre les pieds sur terre, avec du ciel dans les yeux et de l’infini dans le coeur !
 Dans le concret de nos vies personnelles et communautaires, qu’est-ce que ça veut dire, avoir de l’infini dans le coeur ? Je me risque à évoquer 3 pistes, comme 3 chemins d’ascension.

1. La première nous ouvre la voie d’une formidable ATTRACTION DE GRÂCE.
  « Une fois élevé de terre, j’attirerai à moi tous les hommes ».
 S’il est vrai qu’il y a une pesanteur de péché, de mal, de fatalité, il y a plus fondamentalement une attraction de grâce, de lumière, de sens.
 Tout est appelé à être transformé dans et par l’amour du Christ. Tout est en état de vocation : la vie. l’histoire, le cosmos. Le Christ ne nous offre pas un monde de rechange, plus vrai, plus beau, plus juste. Il affirme que chaque instant dans ce monde a une vocation d’éternité.

2. La deuxième, nous invite à la « DYNAMIQUE DU PROVISOIRE » selon la belle image de frère Roger de Taizé. C’est refuser la tyrannie du moment présent et de l’immédiateté comme si tout se jouait ici et maintenant.
 N’est-ce pas là un des plus redoutables esclavages de notre temps ? Sans minimiser l’importance du moment présent, l’évangile nous invite à l’inscrire dans la perspective d’un devenir et d’une croissance. Ce que nous sommes ne paraît pas encore clairement.

3. La troisième enfin nous ouvre l’espace de la RESPONSABILITE.
 Depuis l’Ascension, le monde vit une forme d’absence de Dieu. Paradoxalement, le Christ est présent dans l’absence. C’est par le dynamisme de l’Esprit qu’il travaille, par le dedans, nos coeurs et nos libertés.
 Dieu nous veut adultes et responsables. Il ne vient pas dicter nos décisions, il vient les inspirer. Il vient nous donner de quoi faire l’histoire avec lui et bâtir le monde selon la maquette éternelle de son amour.

Visiblement, frères et soeurs, il y a mieux à faire que rester le nez dans les nuages comme des doux rêveurs. Il y a un monde à habiter, à transformer, à évangéliser.

Dans l’attraction de grâce,
 dans la dynamique du provisoire,
 dans la conscience éveillée de notre responsabilité,
 puisse cette fête de l’Ascension renouveler notre joie de croire, et autre goût de vivre.

Les pieds sur terre,
Du ciel dans les yeux
Et de l’infini dans le coeur !

Références bibliques :

Référence des chants :

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