La colère et le pardon.

Un Jésus en colère ! Un Jésus qui s’empare d’un fouet, le fait virevolter autour de lui et chasse ainsi bêtes et gens ! Un Jésus qui renverse les tables des changeurs de monnaie et qui profère des paroles furieuses à leur égard ! Ce Jésus-là dont nous parle le texte d’Évangile de ce jour ne nous est pas coutumier. Ne sommes-nous pas, plutôt, habitués à fréquenter, à travers les Évangiles, un Jésus restant toujours maître de lui, se présentant comme « doux et humble de coeur » ? Pourtant, l’épisode de Jésus chassant les marchands du Temple de Jérusalem, est un des évènements les plus certains de la vie de Jésus. Il est même probable que cette colère de Jésus contre les commerçants et les changeurs de monnaie du Temple a constitué un des principaux motifs de sa condamnation à mort par les chefs des prêtres. Le Temple n’était-il pas le lieu le plus sacré d’Israël ? Son fonctionnement n’était-il pas ce qui restait d’indépendance aux Juifs dans le cadre de la colonisation romaine ?

Nous avons du mal à réaliser, aujourd’hui, ce que le Temple de Jérusalem a pu représenter et constituait. C’était une vraie cité à l’intérieur de la Ville, un peu comme la Cité du Vatican à l’intérieur de Rome. Pour les Juifs du monde entier, son importance était un peu semblable à ce qu’est aujourd’hui la Cité de La Mecque pour les musulmans. Surtout, pour tous les Juifs, au coeur du Temple, dans son espace le plus sacré, l’Éternel était sensé demeurer. Là se tenait le Très-Haut qui ne craignait pas de demeurer au milieu de son peuple.

Jésus le charpentier n’appartenait pas au clergé juif, et les récits évangéliques nous permettent de penser qu’il fréquentait davantage les synagogues de villages que le grand Temple de Jérusalem. Alors pourquoi cette colère soudaine contre des pratiques qui existaient depuis si longtemps et semblaient satisfaire tout le monde ? Jésus n’en voulait certainement pas personnellement aux marchands et aux changeurs de monnaie, qui ne faisaient, pour la plupart, qu’exercer leur métier. Mais ce qui a motivé son mécontentement et provoqué l’explosion de celui-ci, c’est le détournement dont le Temple avait fait l’objet avec le temps. Le Temple, lieu de la Présence gratuite de Dieu, était devenu une « maison de trafic » ! Alors que les faveurs de Dieu ne sauraient s’acheter, la recherche de sa Miséricorde faisait l’objet de monnayages ! Des sacrifices payants en échange de sa Bienveillance ! De plus, ce Temple qui aurait dû être une « maison de prière pour toutes les nations », était devenu un lieu où beaucoup d’exclus n’avaient pas le droit de pénétrer.

Il y a des colères qui peuvent être des caprices. Mais il existe aussi des « saintes colères », des colères qui témoignent que l’on n’est pas indifférent aux choses importantes. Or Jésus, fils de la Bible, avait été à bonne école ! Il savait que la colère est un des traits de Dieu que l’on retrouve régulièrement dans les récits de l’Alliance. Dans la Bible, il y a même une expression qui revient souvent où il est dit que « le nez de Dieu s’enflamme » ! Mais Dieu ne se met pas en colère pour rien. Presque toujours, la colère de Dieu s’exprime quand le respect de l’homme est bafoué. Ce qui met Dieu en colère, selon la Bible, c’est essentiellement le spectacle de l’injustice ou de la brutalité de l’homme.

La colère de Dieu, quand elle s’exprime, n’est pas en contradiction avec son amour. Tout au contraire ! Car que serait un amour qui ne se montrerait pas scandalisé par l’injustice ou, justement, par les manques d’amour ? Dieu qui aime, c’est un Être plein de passion, non pas un « gentil papa céleste », permissif, impassible en face du péché… Et de même du Christ. Christ est l’incarnation parfaite de l’amour, précisément parce qu’il ne supporte pas tout ce qui vient abîmer l’amour, le nier, le détruire… Nous avons entendu, en première lecture, ce passage du Livre de l’Exode où sont énoncés quelques commandements divins. Ceux-ci sont formulés sous forme d’interdits : tu ne tueras pas, tu ne voleras pas, tu ne convoiteras pas les biens, la femme ou le serviteur de ton voisin… Mais ces interdits ne constituent-ils pas, en fait, des protections pour l’homme ? Ne constituent-ils pas, en creux, de véritables « droits de l’homme » ? Selon la Bible, c’est Dieu qui a inventé les droits de l’homme ! Et pour que soit respecté l’homme, Dieu est prêt à se mettre en colère !

Après la colère du Christ au Temple, il y a eu la Passion du Christ, sa vie donnée, son corps déchiré. « Père, pardonne-leur ! Ils ne savent pas ce qu’ils font », demandera Jésus en faveur de ses bourreaux. La colère du Christ contre le mal fait à l’homme et à Dieu, a refusé la violence. Plutôt mourir soi-même que de prendre le risque de violenter l’homme ! Ainsi le corps du Christ est-il devenu le lieu définitif et parfait de la réconciliation des hommes avec Dieu et des hommes entre eux. En lui nous trouvons l’Amour parfait de Dieu. En lui nous sommes réunis.

Références bibliques :

Référence des chants :

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