Cette homélie était, lors de sa diffusion, entrecoupée de pièces d’orgue.

 

"Je chanterai pour mon Bien-Aimé."

 

« Je chanterai pour mon ami le chant du bien-aimé à sa vigne. » Nous avons des vignobles au nord de Toulouse dans le Frontonnais et c’est pourquoi les premiers mots de la première lecture de ce dimanche nous touchent. Ceux qui le suivent nous émeuvent plus encore : il est question d’un ami, d’un bien-aimé pour qui un poète ou un barde va entonner un chant. Qui est cet ami, qui est ce bien-aimé, quel est ce poète musicien ? La suite de cette première lecture répond à cette question : le chantre de la vigne est le prophète Isaïe ; son ami, comme son bien-aimé, n’est autre que Dieu, un Dieu-époux qui se plaint de sa Vigne-épouse.

 

(orgue)

 

Frères et sœurs de Toulouse et de la télévision, nous pouvons difficilement pénétrer dans les mystères de la tendresse de Dieu si nous ne sommes pas ouverts à la poésie et à la musique : l’une et l’autre, se complétant à merveille, transmettent en écho la révélation d’un Dieu Ami, Amant, Époux, tant dans les Écritures que dans la liturgie. Prenons le nom de « Bien-aimé ». Comment n’évoquerait-il pas pour nous les péricopes évangéliques du baptême du Seigneur et de sa transfiguration ? Au Jourdain, la voix du Père se fait entendre : « C’est toi mon Fils bien-aimé ; en toi j’ai mis tout mon amour » (Mc 1, 11) ; d’emblée elle s’adresse à lui : Toi ! Sur la montagne, c’est la même parole éternelle du Père qui s’exprime, mais pour nous : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé. Écoutez-le ! » (Mc 9, 7). « Bien-aimés » : c’est aussi la salutation qu’emploie souvent l’Apôtre Paul au début ou au cours de ses lettres pour désigner les chrétiens ; elle est reliée au « Bien-aimé », comme en l’hymne qui ouvre la lettre aux Éphésiens : elle chante « la grâce dont Dieu le Père nous a comblés en son Fils bien-aimé » (1, 6) ; c’est ainsi qu’il peut exhorter ces mêmes destinataires par les mots suivants : « Oui, cherchez à imiter Dieu, puisque vous êtes ses enfants bien-aimés » (5, 1).

 

« Cantique au bien-aimé », ou « cantique pour le bien-aimé », ou encore « cantique des bien-aimés » : c’est un titre qu’on découvre avec émotion dans les Psaumes (Ps 44). « Chant d’amour », lit-on encore dans les titres des psaumes. Car si le prophète Isaïe, que nous écoutons dans son chant d’ami, répercute celui du Bien-aimé, les Psaumes sont par excellence les cantiques de l’amour divin sur tous les tons ou tous les registres de notre existence humaine. Le Psautier représente ainsi une harmonie musicale à la portée cosmique, comme l’explique le grand saint Grégoire de Nysse . Les orgues, peut-on dire, représentent, avec leurs jeux divers et complémentaires, comme une orchestration sublime de cette harmonie du monde, de notre société et de nous-mêmes, que nous ne cessons de rechercher. Chantons bien-aimés, chantons le Bien-Aimé, chantons l’amour !

 

(orgue)

 

Mais « l’amour n’est pas aimé », comme l’a exprimé une mystique, et c’est bien ce que chante le cantique de l’ami du bien-aimé. Dieu a tout fait pour sa vigne, son Peuple, lui le Dieu-époux pour son Peuple-épouse, qui n’a pas compris, n’a pas voulu : « La vigne du Seigneur de l’univers, c’est la maison d’Israël. Le plant qu’il chérissait, ce sont les hommes de Juda. Il en attendait le droit, et voici l’iniquité ; il en attendait la justice, et voici les cris de détresse » (Is 5, 7). Voilà pourquoi le cantique du Bien-Aimé délaissé, mal aimé, rejeté, devient une complainte en mineur, une dissonance qui parcourt nos vies humaines, romancées ou non : le Fils est tué, livré pour nous ; le Psautier aussi en résonne, comme nos orgues, où chantent, par exemple telles cantates de Bach.

 

(orgue)

 

Au-delà de toutes les dissonances qui heurtent nos oreilles et déchirent nos cœurs, nous sommes à la recherche d’un accord parfait, qui ne peut être que l’œuvre de Dieu. Lui seul, si nous l’entendons nous donner le ton, peut nous conduire à la symphonie à travers tout un travail sans cesse à reprendre : « C’est là l’œuvre du Seigneur, une merveille à nos yeux », dit Jésus lui-même, lui le Bien-Aimé rejeté par les vignerons.

 

La souffrance, les refus, les rejets, les oppositions existent, que nous faisons renaître, mais Dieu, par son Fils et en son Esprit, reprend tout cela pour construire cette « tranquillité de l’ordre » qu’est la paix, dans le rythme et l’harmonie. N’est-ce pas ce que saint Paul énonce dans sa lettre aux Philippiens que nous venons d’entendre ? C’est un futur d’espérance : « La paix de Dieu qui dépasse tout ce qu’on peut imaginer, gardera votre cœur et votre intelligence dans le Christ Jésus » (4, 7).

 

L’Apôtre aime les arpèges comme en ce texte puissant de la lettre aux Romains : « Ceux qu’il a connu d’avance, il les a prédestinés ; ceux qu’il a prédestinés, il les a appelés ; ceux qu’il a appelés, il les a justifiés ; ceux qu’il a justifiés, il les a glorifiés » (8, 29-30). Ici, c’est une gamme qu’il nous donne : « Tout ce qui est vrai et noble, tout ce qui est juste et pur, tout ce qui est digne d’être aimé et honoré, tout ce qui s’appelle vertu et qui mérite des éloges, tout cela, prenez-le à votre compte » (Ph 4, 8) : huit notes montantes liées deux à deux pour une plénitude majeure.

 

(orgue)

 

L’avons-nous entendu ? « Que le Dieu de la paix, le Bien-aimé qui nous aime, soit avec nous ! » Amen.

Références bibliques : Is 5, 1-7 ; Ps 79 ; Ph 4, 6-9 ; Mt 21, 33-43

Référence des chants :

Vidéos liées

Recevez chaque
semaine vos newsletters :

Les différentes newsletters