La Belgique vient d’être marquée par un nouveau drame de l’enfance assassinée. Vous qui nous écoutez bien loin de ce pays où deux enfants ont été retrouvés morts parce que martyrisés, je crois que les médias vous ont tenu informé de ce drame qui rappelle de mauvais souvenirs à la Belgique. Et je voulais faire mémoire, rendre présent cet événement au début de cette homélie.

Nous venons d’entendre un Évangile où le Christ rencontre, sur son chemin, des hommes et des femmes confrontés à ces ultimes questions de la maladie et de la mort. À moins de sombrer dans l’amnésie ou de se réfugier dans l’illusion d’un monde aseptisé, personne n’échappe vraiment à ces questions qui habitent le coeur de tout homme et de toute femme.

C’est donc l’histoire de cette femme dont on ne connaît pas le nom ; on sait seulement sa maladie : des pertes de sang qui rendent impossible sa capacité d’enfanter. Elle est atteinte dans sa féminité et, dit l’Évangile avec beaucoup d’humour, les médecins ont plus empiré que soulager son état ! Et que fait-elle ? Tout simplement, elle cherche à « toucher » Jésus. Étant donné son impureté, c’est un acte de transgression… non pas par provocation mais tout simplement parce qu’elle reconnaît en Jésus Celui qui peut lui rendre sa dignité.

« Ta foi t’a sauvée », dira Jésus et « sois guérie de ton mal ».

L’Évangile serait-il devenu ce livre d’histoires merveilleuses faisant du Christ le magicien de nos vies ? Certes non, car l’enjeu de ce récit, c’est que cette femme est rendue à sa dignité. L’expérience de chacun nous révèle que ce qui nous relève, ce qui nous remet debout, c’est la confiance partagée qui fait que l’autre n’est plus une menace mais un allié et un partenaire. Avec Dieu, cette expérience peut se vivre à la démesure de l’Amour.

C’est quand on se laisse toucher (au sens de « devenir vulnérable ») que nous sommes guéris de tout ce qui nous paralyse et nous empêche d’être des donneurs de vie. Car c’est pour cela que nous sommes créés : le bonheur ne se trouve qu’en partageant à profusion ce que nous avons reçu… c’est-à-dire la vie !

Et puis vient cet homme – Jaïre – dont on sait qu’il est chef de synagogue. Il ne vient pas pour lui, mais pour sa fille qui est à toute extrémité. Ici aussi, la confiance lui fait dépasser les conventions qui veulent qu’un chef de synagogue ne se prosterne pas devant Jésus déjà mal considéré par les autorités religieuses de son temps.

Jésus répond à l’invitation ; apparemment, cela ne sert plus à rien puisque, dit le texte, la fille est morte. Mais Jésus prend avec lui ceux qui seront particulièrement présents au moment de sa passion : Pierre, Jacques et Jean. On apprend alors que cette fille avait 12 ans, l’âge où elle peut devenir mère. Et voici Jésus qui lui dit : « Talitha koum » c’est-à-dire : « éveille-toi ». C’est la mort qui dit la résurrection, la victoire du Christ sur la mort. Alors, Jésus a-t-il ressuscité cette enfant ? Pas au sens de la Résurrection du Christ car il s’agit pour lui d’une vie toute nouvelle qui n’a rien à voir avec le retour à un état antérieur.

La fille dont il est question dans l’Évangile est réveillée à la vie qu’elle a déjà connue et elle mourra un jour, comme tout le monde, dirais-je.

De quoi s’agit-il alors ? Une fois encore, le Christ vient nous réveiller de notre sommeil, c’est-à-dire aussi de nos torpeurs, de nos aridités qui sont toujours signes de mort. Et le fait que l’événement se passe, pour cette fille, à l’âge de ses 12 ans, est une façon de redire avec force que le Christ est Celui qui nous rétablit dans notre dignité humaine au niveau de ce qu’il y a de plus essentiel. Et dans la foi, c’est la reconnaissance que l’homme (au sens de l’humain) ne réalise pleinement son humanité que dans la confiance en Dieu. L’homme trouve sa véritable grandeur dans sa confiance en Dieu.

Comment cet Évangile peut-il résonner dans nos vies et dans le monde ? Je crois que nous sommes tous en attente ou en expérience de bonheur. Tous aussi, nous sommes confrontés à la souffrance, à la maladie et jusqu’eau mystère même de la mort.

Au coeur de ces quêtes essentielles comme au coeur des réalités, souvent dures, auxquelles nous sommes confrontés, il faut redire, avec force et avec foi, que la vie a un sens et que l’absurde et le néant ne sont pas le terminus de la destinée humaine.

Comment croire à l’humanité, diront certains, lorsque des enfants sont assassinés, lorsque des hommes et des femmes banalisent la violence, lorsque le racisme et l’exclusion semblent gagner du terrain, lorsque la misère aboutit à des conditions de vie infrahumaines, etc ?

Il n’y a pas de solutions-miracles mais l’Évangile de ce dimanche peut nous aider à frayer des chemins d’espérance. Il y a, dans le coeur de l’homme, des ressources insoupçonnées pour faire triompher la vie, pour faire goûter aux saveurs de la joie, pour dire l’émerveillement de l’amour. Mais, pour cela, il faut décaper ce coeur de son écorce de suffisance : combien de blessures ne demandent qu’à être guéries ? Seul le surcroît d’amour nous guérit de tous nos manques d’amour. Et c’est l’expérience de l’Évangile.

Toute la vie du Christ est là pour nous inviter à entrer avec lui dans une alliance qui nous remet debout et qui nous rétablit dans notre véritable dignité.

Nous sommes tous ce matin les contemporains de ces femmes de l’Évangile qui ont osé la confiance et qui ont été libérées de ce qui les empêchait de vivre debout.

Mais nous ne sommes debout que parce que nous avons été relevés.

Amen.

Références bibliques :

Référence des chants :

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