À nous aussi, Dieu envoie ses anges

Qui était-elle, la jeune Myriam de Nazareth ? Qu’avait-elle connu jusque-là ? De quel milieu social ses parents étaient-ils ? Avait-elle de nombreux frères et soeurs, des neveux et des nièces ? Tout cela nous ne le savons pas. Tout juste le Nouveau Testament nous apprend-il qu’elle était fiancée à un homme de la descendance du roi David nommé Joseph (à cette époque, en Palestine, les filles étaient fiancées vers l’âge de 15-16 ans). Et qu’un jour elle fut informée qu’elle allait être enceinte sans même avoir été touchée par un homme, l’enfant à naître devant s’appeler Yeshoua, « Dieu sauve ».

Ce moment de « l’Annonce faite à Marie », nous le connaissons par le récit qu’en a brossé l’évangéliste Luc. Sans doute sommes-nous, également, habités par les représentations qu’ont faites plusieurs grands peintres (Fra Angelico, Le Greco…) de la visite de l’ange à la jeune vierge. Tout cela peut nous paraître comme relevant beaucoup du genre littéraire « merveilleux », presque du conte de fées. Pourtant, l’Évangile n’a pas pour vocation de nous raconter « de belles histoires ». Il n’est pas un recueil de contes destinés à nous offrir de bienfaisantes rêveries. L’Évangile est Bonne Nouvelle pour toujours et pour tous les jours, mais aussi invitation à changer nos vies, et chacun de ses récits, chacune de ses paroles veut nous rejoindre les uns et les autres dans l’aujourd’hui de nos existences.

À travers le personnage de l’ange Gabriel, nous croyons que c’est Dieu qui est venu visiter la jeune vierge de Galilée. Et à travers la commémoration actualisée (le « mémorial ») que nous faisons de cet évènement en ce quatrième dimanche de l’Avent, c’est encore Dieu qui se présente, venant, cette fois-ci, nous visiter. Il le fait ici à Sélestat, dans cette belle ville de longue tradition chrétienne et humaniste, la ville du grand humaniste Beatus Rhenanus, ami d’Erasme, mais il le fait aussi dans toutes les maisons où notre messe du « Jour du Seigneur » vous rejoint.

Vous connaissez le sens du nom hébreu de Gabriel : « Dieu est fort ». Le personnage nous est présenté comme étant « un ange », c’est-à-dire, tout simplement, un « porteur de nouvelle ». En grec, « ange » et « évangile » ont la même racine (d’ailleurs si vous faites bien attention, même en français on retrouve la trace du mot « ange » dans « évangile » !).

Peu importe que cet « ange » ait eu ou non des ailes, qu’il ait été enrobé de lumière ou pas. Ce qui me parait intéressant, c’est que ce Gabriel, quand il se manifeste à Marie, a déjà une longue histoire avec le peuple de l’Alliance, ce qui veut dire que Marie le connaissait donc un peu ! Et sans doute n’est-ce pas par hasard si c’est lui (et non Mikaël ou Raphaël, les deux autres anges les plus célèbres de la Bible !) qui se soit retrouvé mêlé à tout cela.

L’ange Gabriel est apparu pour la première fois dans un livre biblique avec le Livre du prophète Daniel. Ce Livre, écrit en une période de persécution du peuple d’Israël (la persécution d’Antiochus Epiphane, au deuxième siècle avant l’ère chrétienne), décrit les évènements difficiles qui se présentent. C’est un livre du genre « apocalyptique et eschatologique », et Jésus y puisera des images terrifiantes pour parler du Jour du Jugement. Dans les pages de ce Livre, le prophète Daniel est mis en scène à travers des péripéties à peine croyables (jeté dans une fosse aux lions, il n’est pas dévoré !) et à travers plusieurs songes qu’il doit interpréter. Or qui vient à son secours ? L’ange Gabriel, justement, ce « Dieu est fort », cet ange dont la tradition juive dit qu’il est « l’ange de la Vérité ».

Mais selon la tradition juive, Gabriel n’en était pas à son « coup d’essai » ! Qui annonça, en effet, à Hagar, la servante d’Abram et de Saraï alors stérile, qu’elle allait donner un fils (Ismaël) au patriarche araméen? Gabriel ! Et qui vint au secours d’Hagar et d’Ismaël mourant de soif quand ils se retrouvèrent chassés au désert par Sara et Abraham ? Encore Gabriel (toute cette histoire est écrite dans le Livre de la Genèse).

Toujours selon la tradition juive (celle que Marie connaissait probablement comme tous les jeunes Juifs pieux de son temps), Gabriel était également apparu à l’épouse de l’Hébreu Manoah, autre femme stérile de l’histoire biblique, pour lui annoncer qu’elle donnerait naissance à Samson, ce personnage à la force herculéenne qui combattit les Philistins (voir le Livre des Juges). Et c’est aussi Gabriel qui aurait lutté auparavant toute une nuit dans la poussière avec Jacob, le fils d’Isaac, le petit-fils d’Abraham. Après ce combat qui le laissa déhanché, Jacob s’appela Israël, c’est-à-dire « qui a lutté avec Dieu » (encore le Livre de la Genèse).

Enfin nous avons tous en mémoire la visite que, selon l’Évangile de Luc, Gabriel fit à Zacharie pour lui annoncer que sa femme stérile, Élisabeth, allait donner naissance à Yohanan, le futur Jean le Baptiseur. Dans le récit, on l’entend se présenter lui-même : « Je suis Gabriel qui me tiens devant Dieu. J’ai été envoyé pour te parler et t’annoncer cette bonne nouvelle ».

Ainsi donc, Gabriel est avant tout l’ange qui promet de la part de Dieu des enfants et qui, de ce fait, souligne combien toute naissance est à recevoir comme une bonne nouvelle ! Il s’adresse tout particulièrement à des femmes : Hagar, l’épouse de Manoah, Marie. Car il est celui qui est chargé par Dieu de dire qu’il n’y a pas de stérilité définitive, qu’il n’y a pas de situation sans issue. Il est aussi celui qui réconforte, qui rend fort. Il est également celui qui aide à voir clair, à saisir ce qui est vrai.

Nous ne savons pas bien qui sont les anges, sinon que, lorsqu’ils interviennent, ils sont l’expression de ce que Dieu veut pour nous. Gabriel est celui qui vient nous rappeler que tout enfant est précieux, que tout enfant est grand, que tout enfant est fils ou fille du Très-Haut. Gabriel nous dit encore que toute naissance représente un mystère et une promesse de nouveauté et de renouvellement. Que tout enfant est l’apparition sur terre d’une nouvelle image de Dieu.

Je vous ai dit en ouverture de mon propos que, aujourd’hui, là où nous sommes, Dieu vient nous visiter par anges interposés, comme il a visité hier Marie dans sa maison familiale de Nazareth. Dieu, en effet, ne peut que désirer que nous soyons mieux conscients d’avoir chacun (chacune) une mission à accomplir dans notre existence, aussi modeste soit elle : une mission de construction de son Royaume, dès ici bas sur la terre. Dieu ne peut que vouloir, aussi, que, à notre tour, nous soyons comme fécondés, « engrossis » par sa Parole et par son Esprit. Nous ne sommes ni Hagar, ni Jacob, ni Marie de Nazareth, et pourtant au-dessus de chacun de nous est inscrit une promesse. Ce récit de l’Annonciation que nous avons écouté nous invite, bien entendu, à prendre exemple dans la confiance et dans le « oui » de Marie à la volonté de Dieu. Mais il nous appelle également à nous raccrocher à la figure de l’ange qui a veillé sur notre naissance. Car chacun (chacune) de nous a constitué et reste une « bonne nouvelle ».

Références bibliques :

Référence des chants :

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