Il y a huit ans, un pianiste, chef d’orchestre israélien, Daniel Barenboïm, et un intellectuel arabe, Edward Saïd, ont eu l’idée de créer l’orchestre du Divan occidental-oriental, composé de 90 jeunes venus d’Israël, des territoires palestiniens, de Syrie, du Liban, d’Égypte et de Jordanie. Ces deux hommes sont conscients que, si la musique ne résout pas le conflit arabo-israélien, ce sera encore moins les armes, et ils demeurent convaincus que l’essentiel est de permettre à des jeunes d’apprendre à se connaître les uns les autres.
Lorsqu’on écoute ces 90 jeunes musiciens israéliens et arabes, on se met à rêver, et les plus sceptiques peuvent hausser les épaules devant cette entreprise, à leurs yeux utopique.

N’était-ce pas un peu l’attitude des disciples de Jésus, lorsqu’on l’entend parler du Messie qui devait être livré aux mains des hommes, être tué, et trois jours après ressusciter ? « Ils ne comprenaient pas ces paroles, et ils avaient peur de l’interroger » précise l’évangéliste.
Que dire de leur étonnement lorsque après avoir discuté pour savoir qui était le plus grand parmi eux, Jésus leur affirme que c’est le serviteur qui est le plus grand ; et il va même plus loin puisqu’il place un enfant au milieu d’eux et, non seulement il s’identifie à cet enfant, mais il identifie Dieu lui-même à ce petit.
Jésus, on le voit, est venu bouleverser leur schéma de pensée :
– Ils attendent un Messie à la main puissante, capable de chasser l’occupant romain ; Jésus leur annonce un messie livré aux mains des hommes.
– Ils se querellent pour connaître le prestige, les honneurs, la considération, en un mot : être reconnus comme grands en ce monde ; Jésus bouscule l’ordre établi et il les invite à se faire serviteurs pour être reconnus grands dans son Royaume.
– Enfin, il leur présente un enfant comme icône de Dieu.
Nous imaginons la longue et patiente éducation des disciples que Jésus a dû entreprendre.

Et si nous nous laissions nous-mêmes éduquer par le Christ !
Il nous arrive de ne pas comprendre ses paroles. Le message évangélique est bien souvent en contradiction avec le message du monde. Jésus le savait très bien lorsqu’il priait Dieu son Père au cours de son dernier repas : « Ils ne sont pas du monde, comme moi-même je ne suis pas du monde. Je ne te demande pas de les retirer du monde, mais de les garder du Mauvais ! » (Jn 17, 14-15)

Frères et sœurs, allons-nous joindre notre voix au concert du monde qui prône un matérialisme effréné, au détriment de la dimension spirituelle de l’homme ?
Allons-nous nous taire devant les différentes formes d’intolérance et de racisme, alors que l’Évangile prêche la fraternité ?
Allons-nous oser parler de l’amour comme l’attribut essentiel de Dieu et le signe distinctif de l’homme créé précisément à l’image de Dieu ?
Allons-nous, nous chrétiens, donner le témoignage du service qui n’est pas servitude puisqu’il est service du Christ lui-même ?

Bien sûr il nous arrivera encore de ne pas comprendre le message évangélique ; raison de plus pour chercher à mieux le connaître pour le mettre en pratique. Bien sûr il nous arrivera de nous taire car, comme les disciples, nous ne serons pas très fiers de nos comportements et de nos pensées.
Laissons-nous interroger par le Christ. Laissons-nous bousculer par lui, Laissons nos frères nous remettre en question.

Mais si le Christ nous dérange, n’oublions pas que nous avons, nous aussi, à déranger nos frères. Vous connaissez la parabole du sel de la terre et celle du levain dans la pâte. La pincée de sel comme le levain, c’est bien discret, mais c’est efficace et ça transforme : le sel donne du goût, et le levain fait lever la pâte. Soyons ainsi, discrets dans le monde, mais efficaces pour le Royaume.

L’Évangile fait de nous des hommes et des femmes tiraillés, ce qui n’est pas très confortable. Si nous ne sommes plus tiraillés, c’est que nous avons édulcoré l’Évangile et avons fait du christianisme un verni : nous posons peut-être des gestes religieux, nous respectons des règles morales… mais sommes-nous imprégnés du message évangélique qui sans cesse nous invite à aimer Dieu et à aimer nos frères ? Or que sommes-nous venus faire dans cette église, ce matin, sinon nous laisser envahir par la Parole de Dieu et par le Pain de Vie. Et vous, amis qui êtes devant votre écran de télévision, si vous avez décidé de vous associer à notre célébration, c’est bien parce que vous attendez un message. Que ce message n’atteigne pas que vos oreilles, mais qu’il parvienne jusqu’à votre cœur pour que vous le mettiez en pratique. Que vous soyez bien portants ou malades, le Seigneur veut vous rejoindre. Si vous ne comprenez pas toujours ce qu’il attend de vous, n’ayez pas peur de l’interroger ; il connaît votre faiblesse et votre fragilité. Avec saint Paul osez dire : « Lorsque je suis faible, c’est alors que je suis fort. » (2 Co 12, 10) .

Frères et sœurs, je ne sais ce que pensent ceux qui, dans les grandes villes européennes, se pressent pour écouter l’orchestre du Divan occidental-oriental dirigé par Daniel Barenboïm. Ils peuvent se contenter d’écouter de la très belle musique, ils peuvent aussi se mettre à espérer que « vivre ensemble » est possible, même quand on est israélien et arabe. N’est-ce pas cela l’espérance : croire en de grandes choses en appréciant des petites réalisations ?

Notre espérance à nous chrétiens, c’est de croire au salut de l’humanité en regardant le Christ livré aux mains des hommes, tué, et ressuscité le troisième jour.
Notre espérance, c’est de voir dans le serviteur quelqu’un de grand.
Notre espérance c’est de reconnaître sous les traits d’un enfant le Christ et Dieu son Père.
L’espérance, c’est ce qui fait vivre, c’est ce qui donne envie de vivre.

Références bibliques : Sg 2, 12-20 ; Ps 53 ; Jc 3, 16-4, 3 ; Mc 9, 30-37.

Référence des chants :

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