Pour vous qui suis-je ?

Qu’est-ce que c’est que cette histoire-là ? Jésus pose une question à ses apôtres : « Qui dites-vous que je suis ? ». Pierre répond correctement et de tout son cœur : « Tu es le Messie » et voilà que Jésus, quelques instants plus tard le traite de Satan. Comment comprendre ?

Et puis, vous les avez bien retenues, les dernières phrases prononcées par Jésus : « Si quelqu’un veut être mon disciple, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive » et en conclusion, quelque chose comme cela : si vous voulez sauver votre vie, il faudra accepter de la perdre. À bon entendeur, salut ! Tout cela mérite explication, tout de même !

. Jésus pose la question à Pierre, qu’a-t-il répondu ?
 . Jésus pose sûrement cette question à son Église, que peut-elle répondre ?
 . Jésus pose à chacun de nous la même question, quelle sera notre réponse ?

C’est Pierre qui a répondu le premier, de tout son cœur et de toute sa foi : « Tu es le Messie ». Dans un texte parallèle, l’évangéliste Matthieu enrichit encore la réponse de Pierre : « Tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant ». Jésus le félicite et lui confie, ce jour-là, la charge de sa future Église : « Tu es Pierre et sur cette pierre, je bâtirai mon Église ».

Un autre jour, Pierre aura une réponse encore plus belle. « Allez-vous me quitter, vous aussi ? » demande Jésus. Pierre lui lance : « À qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle ».

Oui, il peut devenir le roc sur lequel se bâtira l’Église. Avec des apôtres comme lui, la foi au Christ vivant pourra se transmettre fidèlement.

Le roc, oui, mais quelques instants plus tard, le roc devient pierre d’achoppement. Quand Jésus annonce la manière tragique dont il prévoit la fin de sa vie, Pierre s’écrie : « Ca, non jamais ! ». Pas question pour le Messie de souffrir et de mourir !

Pierre, en effet, quand il disait « Messie », entrevoyait comme tout le peuple, un Messie puissant qui redonnerait à la nation juive sa puissance politique et sa pureté religieuse. Mais il se trompait de messie. Jésus ne serait pas ce messie-là. Entre la réponse généreuse de Pierre et la résolution courageuse de Jésus qui allait donner sa vie, la distance était si grande que Jésus lui fait ce vif et sévère reproche : « Pierre, ne me tente pas, ne sois pas le Satan qui me détourne de ma mission ».

Et si Jésus, maintenant, pose la question à l’Église, notre Église : « Qui dites-vous que je suis ? ». Sa réponse lui méritera sûrement le beau titre de roc, tant sa foi est solide, même si, comme Pierre, elle a été et est parfois pierre d’achoppement.

Roc, sûrement. C’est elle qui, depuis 2000 ans, a transmis l’Évangile de Jésus jusqu’à nous. C’est elle qui a suscité tant de vrais disciples. C’est elle qui a reconnu et fait découvrir la vraie nature du Christ. Un prophète, oui, le plus grand prophète, un modèle d’humanité. Mais pas seulement. L’Église proclame qu’en cet homme Jésus, c’est Dieu qui s’est approché de nous. Dieu même est venu parmi nous partager notre vie humaine, rejoindre tous les hommes sans exception, à commencer par les petits et les pauvres, les déshérités et les pécheurs, et connaître l’enfer de la souffrance et de la mort pour la transfigurer en amour et en vie.

Oui, c’est ce Jésus-là qu’elle n’a cessé d’annoncer et, depuis vingt siècles, elle continue de susciter des hommes et des femmes qui croient véritablement en lui et dont la foi se lit à livre ouvert dans leur existence. Est-il besoin de donner des noms ? Tenez, connaissez-vous cette superbe anecdote ? Helder Camara a exercé son ministère d’évêque dans le Nord-est brésilien. Quand il entendait parler de quelqu’un qui avait été injustement arrêté, il téléphonait à la police. « J’apprends que vous avez arrêté mon frère ». Et la police se confondait en excuses : « Oh ! Monseigneur, nous sommes confus, venez le chercher, s’il vous plaît ». Mais, au commissariat, on lui disait parfois : « Monseigneur, cet homme n’a pas le même nom que vous ». Helder Camara répondait que les pauvres étaient tous son frère et sa sœur.

Oui, l’Église a été le roc sur lequel la vraie foi au Christ s’est transmise. Oui, le roc et pourtant aussi la pierre d’achoppement.

Chaque fois qu’elle a oublié le Christ serviteur et que, comme Pierre, elle rêvait de puissance. Chaque fois qu’elle a oublié les pauvres et s’est liée aux puissants et à leur argent. Chaque fois qu’elle a affiché un air impérial et que ses responsables ont imité les princes de ce monde. Quand elle a régenté les consciences et menacé les hommes du châtiment d’un dieu tout-puissant qui tonne et qui fulmine, comme si le Christ n’était pas venu révéler un Dieu proche, un Dieu d’amour et de pardon.

Souhaitons que ces reproches qui ont fait de l’Église une pierre d’achoppement ne concernent plus que le passé.

Un dernier mot maintenant. La question de Jésus : « Qui dites-vous que je suis ? » est posée ce matin à chacun d’entre nous. Quelle sera notre réponse ? Il faut en convenir, notre réponse à nous aussi n’est pas dépourvue d’ambiguïté. Notre foi au Christ est parfois solide comme le roc, heureusement, mais parfois la manière de vivre notre foi fait de nous une pierre d’achoppement pour ceux qui nous voient vivre. Prendrons-nous le temps aujourd’hui ou dans la semaine, grâce à l’Évangile que nous venons de méditer, d’enrichir, d’ajuster notre réponse ? Et si la phrase de Jésus : « Celui qui veut être mon disciple, qu’il prenne sa croix », si cette parole de Jésus nous choque comme elle a choqué Pierre, essayons de la comprendre pour la vivre, car elle est essentielle au message du Christ. Comprenons que Jésus ne nous demande pas de souffrir, la souffrance pour la souffrance, le sacrifice pour le sacrifice, il nous demande d’aimer, il nous demande l’amour. Et l’amour authentique, nous le savons bien, est parfois coûteux.

Comme l’a très bien exprimé Charles Péguy, dans ce petit récit que je vous laisse en terminant. Charles Péguy raconte l’histoire d’un homme qui arrive au ciel. L’ange
qui garde la porte lui dit : « Montre-moi tes blessures ». L’homme répond : « Mes blessures ? Je n’ai pas de blessures ». Alors l’ange lui dit : « Tu n’as donc jamais rien trouvé qui vaille la peine de se battre ! ».

Références bibliques : Is 50, 5-9a ; Ps 114 ; Jc 2, 14-18 ; Mc 8, 27-35.

Référence des chants :

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