Sentinelles de la venue du Royaume

Frères et sœurs, nous ne pouvons pas être des chrétiens « version light », à 20, 50 ou 60%. L’engagement à la suite du Christ ne peut être que radical et exclusif. C’est sa nature même, il ne peut en être autrement. Il ne s’agit pas là d’une injonction autoritaire imposée par le Christ, nous sommes là dans l’ordre de la promesse et de la grâce : « sois sans crainte, petit troupeau, … le Père a trouvé bon de vous donner le Royaume.» Cette heureuse annonce peut donner forme nouvelle à notre existence. Pour la recevoir, Jésus nous invite à la radicalité dans la démarche de foi : « Vendez ce que vous avez et donnez-le en aumône … faites-vous un trésor inépuisable dans les cieux. »

L’appel est clair pour nous qui essayons d’être les disciples du Christ. Nous vivons dans une société qui prône le risque zéro. Nous sommes largement participants d’une culture de l’assurance qui pousse à nous garantir en tout et pour tout. Comme il est difficile d’accepter que, dans notre vie, tout ne soit pas maîtrisable, qu’il puisse y avoir de l’imprévu et de l’inédit ! Pourquoi faut-il attendre que nous soyons bousculés par les événements et meurtris par les épreuves pour, enfin, laisser au Seigneur une place dans notre vie ? Faisons-nous encore vraiment confiance à Dieu ? Attendons-nous encore de recevoir de Lui ce qui nous est nécessaire ?

La parole du Christ nous appelle à nous détacher de tous ces biens, souvent illusoires, pour nous attacher sans retour à Dieu qui nous promet le bonheur.

La foi est l’élan qui nous porte vers Dieu et nous attache au don qu’Il nous fait. La foi, dit la Lettre aux Hébreux, permet de ‘con-naître’ des réalités qu’on ne voit pas. Le disciple du Christ vit de la promesse du Royaume, il découvre l’invisible et vient au monde d’une façon nouvelle. C’est l’expérience vécue par les catéchumènes qui progressent sur le chemin de la foi. Ils redécouvrent leur vie quotidienne autrement, car la foi ne nous fait pas échapper miraculeusement aux aléas et aux responsabilités de l’existence, mais elle apporte le courage de l’assumer. La foi au Christ ne nous fait pas vivre autre chose, mais elle nous fait vivre autrement les choses de la vie.

L’attitude du chrétien est donc bien celle de la vigilance et de la veille : « vous aussi, tenez vous prêts … restez en tenue de service, gardez vos lampes allumées. Heureux les serviteurs que le maître, à son arrivée, trouvera en train de veiller. » Veiller, c’est rester mobilisés parce qu’on espère en la promesse de Dieu. Veiller, comme le Christ nous le demande, c’est adopter une posture particulière dans notre société qui, trop souvent, nous déresponsabilise, nous sert du prêt-à-penser et nous plonge dans un attentisme stérile. Jean-Paul II avait lancé cet appel aux jeunes : « soyez les sentinelles du matin ». Veiller, c’est s’arracher à nos habitudes et nos routines pour dépasser sans cesse le cadre de nos projets, afin de vivre davantage en hommes et femmes de la promesse guettant l’aube des temps nouveaux de l’Evangile.

Qui se laisse guider par la foi consent à placer sa confiance en Dieu au point de devenir libre de se détacher de ses projets. Tous ces rêves de richesse ou de puissance que nous jetons devant nous et qui prennent corps à partir de nous-mêmes, taillés à notre mesure humaine. Certes, le disciple du Christ ne renonce pas à forger des projets, il n’est appelé ni à l’angélisme ni à la paresse. Il se tient debout dans l’existence, conscient d’être responsable de construire sa vie. Mais la foi lui garde les yeux fixés sur la promesse indéfectible du Royaume, qui reste de l’ordre de la grâce, garantie par le Christ.

Nous avons tous des projets pour notre vie, c’est légitime et positif. Surtout pour vous, les jeunes, qui voulez assurer un avenir heureux. Cependant, la foi nous conduit à accepter dans la confiance, l’appel du Seigneur qui, souvent, nous déroute et nous fait vivre de l’insoupçonné. Lorsque nous accueillons l’Evangile en vérité, il fait surgir dans notre vie l’imprévu de Dieu, qui interroge nos projets personnels, et nous oblige à les réviser à la lumière du message du Christ. Oui, notre foi nous fait connaître des réalités que, livrés à nous-mêmes, nous sommes incapables de percevoir. Seule la Parole de Dieu peut éduquer notre regard, qui deviendra capable d’entrevoir la vérité du réel de nos vies, et nous donner d’espérer.

Ce fut l’aventure d’Abraham, celle des apôtres qui ont suivi le Christ, celle de tant de saints de chez nous, que nous aimons vénérer avec ferveur en Corse. Cette lignée de croyants a consenti, à des époques différentes, à se laisser conduire par le Seigneur. Cette aventure de confiance, de liberté et de croissance, c’est le chemin de la sainteté. Cette sainteté que nous osons demander au Père :

« Seigneur, fais moi la grâce de me laisser conduire par ta Parole, dans la confiance.
Accorde-moi suffisamment de souplesse pour me laisser dérouter par Toi sans rechigner, sans désespérer.
Donne-moi un cœur suffisamment désencombré et pauvre pour que j’accepte de me dessaisir de mes projets personnels pour toujours m’en remettre à Ta promesse.
Car tu es mon Dieu, tu m’aimes et tu m’offres ton Royaume.
Fais de moi le veilleur d’une humanité renouvelée dans l’amour. Je porterai alors ta lumière parmi mes frères, au cœur de ce monde qui veut espérer en demain.»

Amen.

Références bibliques : Sg 18, 6-9 ; Ps 32 ; He 11, 1-19 ; Lc 12, 32-48

Référence des chants :

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