« Restez éveillés. » C’est ce que le Seigneur demande instamment à ses disciples. Cet appel résonne aujourd’hui, jusqu’à nous, pour nous dire : « ne vous assoupissez pas mais soyez des veilleurs ».

L’assoupissement n’est pas un risque improbable : les disciples du Christ eux-mêmes, à l’heure de l’agonie au mont des Oliviers, ont succombé au sommeil. Oui, le feu de la foi au Ressuscité risque, si l’on n’y veille pas jour après jour, de voir sa flamme baisser jusqu’à s’éteindre, s’attiédir jusqu’à se refroidir. Il y a le poids des épreuves et des souffrances qui peut être tellement pesant que le cœur s’alourdit et se plombe. Il y a les drames, les violences et les injustices de notre temps qui sont « légion » : notre impuissance risque de devenir notre indifférence, et notre indifférence notre abandon ou notre désertion des lieux où il faut se tenir et tenir. Et il y a encore ce à quoi l’on s’accoutume, par résignation ou par fatigue : alors, les yeux habitués ne voient plus ce qui est inacceptable et ne peuvent plus repérer ce qui germe, ce qui émerge et ce qui naît – ce qui a le visage de l’enfant de Bethléem. Un cœur assoupi et une âme endormie risquent de manquer l’heure du rendez-vous avec Dieu et autrui.

« Tenez-vous sur vos gardes, restez éveillés et priez », nous dit le Seigneur. Cette parole ne vise pas un moment particulier de notre existence, celui de l’épreuve ou celui de la mort. Elle concerne toute la durée d’une vie et chacun de ses moments. On raconte que saint Louis de Gonzague, jeune jésuite mort à 23 ans, jouait un jour avec d’autres jeunes jésuites quand l’un d’entre eux lui demanda : « Louis, si l’on vous disait que l’heure de votre mort est arrivée, que feriez-vous ? » Et Louis, dit-on, répondit : « je continuerais à jouer ». Oui, veiller, c’est vivre au présent : Dieu est présent à qui désire le chercher, l’aimer, et le servir, en tout lieu, à tout moment, en toutes circonstances. Alors, restons éveillés comme ceux qui savent attendre – qui savent vivre la patience des veilles – parce qu’ils ne désespèrent de rien ni de personne : leur attente ne sera pas vaine. Restons éveillés comme ceux qui ont conscience qu’il n’est pas facile d’être chercheurs de Dieu dans cette société qui refuse ce qui lui échappe ou la dépasse : la grâce de Dieu trouvera le chemin du cœur de chacun. Restons éveillés comme ceux qui veulent vivre jusqu’au bout leurs responsabilités d’hommes là où ils sont ou se sont engagés : le désir de Dieu nous enracine dans nos tâches les plus quotidiennes mais il nous faut pour cela un cœur et un esprit larges. Ce saint tellement actuel qu’est Alberto Hurtado disait ainsi : « celui qui ne pense pas en grand, en fonction de tous les hommes, est perdu d’avance » . Restons éveillés comme ceux qui ont compris, au bord du tombeau de la mort d’où le Ressuscité a surgi, que rien n’est désormais fermé : l’avenir est ouvert, les chemins du monde sont ouverts…

« Restez éveillés. » La réponse à cet appel du Seigneur peut prendre beaucoup de formes et conduire par beaucoup de chemins. Regardons aujourd’hui où nous célébrons sa fête le visage de saint François-Xavier buriné par les vents. Il n’est pas resté quelque part figé dans l’attente de l’heure de Dieu, soucieux jusqu’au scrupule que rien n’échappe à sa veille… Rester éveillé pour François-Xavier signifie partir au plus loin . Il s’en est allé, sans réserve et sans retour, comme le lui demandait Ignace, vers l’Asie, à travers mers et pays et il a parcouru 100 000 kms en 10 ans. Veiller fut pour lui un chemin, un long chemin au cœur de l’humanité et jusqu’aux extrêmes du monde connu. Ce n’est pas sa seule énergie qui le poussait toujours en avant : c’est toujours le Seigneur qui attire et conduit plus loin, beaucoup plus loin, que là où l’on envisageait d’aller et de rester. Rester éveillé pour François-Xavier, c’était aussi demeurer au plus intime de lui-même , dans la prière – ce cœur à cœur avec Dieu. Il faut un cœur large, ce cœur que la prière ne cesse jamais d’élargir, pour redire en tout lieu et en toute circonstance : « me voici ». Veiller est un chemin intérieur qui n’est jamais achevé. Certes, les obstacles et les périls ne manquaient pas, mais comme il l’écrivait : « le pire danger serait d’abandonner l’espérance et la confiance en la miséricorde de Dieu » . Rester éveillé pour François-Xavier, c’était enfin s’éveiller, avec toute l’ardeur brûlante d’un homme passionné du Christ, à sa présence cherchée et trouvée au plus profond du monde , c’est-à-dire en toute chose et en tout homme. Car Dieu est à l’œuvre dans le monde, Il est à l’œuvre dans notre monde. Oui, la veille de l’apôtre le conduit au plus loin, au plus intime, au plus profond.

« Restez éveillés » dit le Seigneur. Oui, restons éveillés. Laissons nos vies et notre histoire ouvertes à ce qui les dépasse. Oui, qui que tu sois, reste éveillé. Incline l’oreille de ton cœur et entends germer ce qui n’a besoin que de toi pour pousser ses racines. Permets au Christ de venir à toi.

Références bibliques : Jr 33, 14-16 ; Ps 24 ; 1Th 3, 12-4, 2 ; Lc 21, 25-36

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