Frères et sœurs,
 Que n’a-t-on pas fait dire à des textes comme celui que nous venons d’entendre ! Ne serait-ce pas la démonstration lumineuse que la religion est l’opium du peuple… pour reprendre l’expression dépassée de Marx ? « Si vous êtes pauvre, semble dire l’Évangile, ne vous en faites pas… vous serez comblés dans l’au-delà. Il suffit d’attendre et, donc, de se résigner. Par contre, si vous êtes riche, vous serez malheureux après votre mort ! »
 Je ne vais pas vous étonner en vous disant que ce n’est pas là le sens de cet Évangile. Il suffit, pour le comprendre, de reprendre les premiers mots de l’épisode de ce dimanche : « Jésus disait une parabole ».
 La parabole est ce langage imagé qui n’a pas pour but de tirer des conclusions en rapport direct avec l’image retenue ou le fait évoqué. (Il ne s’agit pas d’un reportage). Il s’agit plutôt de partir d’un récit ou d’un fait de vie qui nous font entrevoir ce qu’est le Royaume de Dieu, et, par là, de ce qu’est notre destinée et le sens de la vie.

Que nous dit cette parabole ?

  • D’abord que notre vie humaine est quelque chose de sérieux. Elle n’est pas le brouillon de ce qui peut être recommencé au prix de multiples réincarnations. En quelque sorte, chaque journée, chaque geste et chaque choix deviennent semence d’éternité et, en ce sens, ont un caractère définitif. Mais alors, direz-vous, comment croire encore au pardon et à la conversion si on ne peut plus faire marche arrière ? C’est justement parce que, dans la vie, on ne peut pas faire marche arrière que le pardon est possible et que la conversion est nécessaire. Ils nous engagent vers l’avenir, et non pas vers le passé ! Dans la parabole de l’Évangile, le riche et Lazare, le pauvre, doivent accepter d’être cohérents… et ici, c’est autre chose que d’être puni ou récompensé !
  • Vient alors une autre question : où est l’amour de Dieu si cet amour ne parvient pas à éliminer les tortures éternelles du riche qui semble se repentir de ce qu’il a vécu ? L’amour de Dieu ne ressemble pas à un effaceur ni à une baguette magique. Son amour, non seulement suppose, mais est créateur de confiance et de liberté. Pour le faire comprendre, je prendrais une image : quand j’étais petit et que je faisais de la photo (on n’était pas à l’époque du numérique), je plongeais le papier photo dans un bain révélateur et puis, dans un bain fixateur. Avant de plonger dans le révélateur, le papier était vierge, blanc. Une fois dans le révélateur, la photo apparaissait et il était temps de le plonger dans le fixateur pour ne pas altérer ce qui avait été découvert. Je crois que Dieu agit un peu de la même façon avec nous. Son amour est un puissant révélateur de qui nous sommes. Et le jugement de Dieu, c’est être plongé dans son amour. Il y a l’amour-révélateur qui fait la vérité en nous. Il y a l’amour-fixateur qui nous redit le caractère définitif de notre vie éternelle. Il y a aussi un amour-correcteur qui nous permet de réajuster notre trajectoire de vie lorsque la lumière de son amour vient éclairer le film de notre existence. Au fond, l’amour de Dieu est si grand qu’il nous rend responsables de notre destinée… dès maintenant et sans attendre demain. Non pas dans une solitude qui étouffe (ce serait le désespoir) ou dans un abandon qui ne conduirait qu’à l’absurdité de la vie… (et même de Dieu), mais dans une relation reconnue comme une communion d’amour à vivre sur le mode de l’Alliance. Et cela change tout !
  • Il reste une question que je voudrais encore évoquer : pourquoi le riche de l’Évangile ne peut-il pas avertir ses frères de ne pas suivre le même chemin que lui ? Quel est ce grand abîme qui les sépare ?
  • D’abord, il y a des choses qui ne se comprennent pas que dans l’écoute de la Parole de Dieu : « Ils ont Abraham et Moïse : qu’ils les écoutent » lui est-il répondu. Cela nous redit l’importance de vivre notre vie comme la réponse à un appel de Dieu. (C’est ce qu’expriment Abraham et Moïse qui, tous deux, ont vécu leur vie en réponse et en fidélité à l’appel de Dieu). En ce sens, la Parole de Dieu est comme une clé de son Royaume.
  • Ensuite, on ne peut pas vivre par procuration. Il y a des choses et des choix qu’on ne peut pas faire à la place d’un autre. Autant il y a la prière d’intercession, autant il n’existe pas de prière par procuration. L’intercession est source de relation alors que la procuration est d’abord signe d’une absence. (Quand je donne procuration, c’est que je ne suis pas là).

Au fond, l’Évangile de ce dimanche est une grande et bonne nouvelle. Dieu nous rend responsables en nous permettant de poser des choix libres, mais en nous rappelant aussi que la solidarité doit toujours rester le fil rouge de notre vie. C’est cela qui restera quand beaucoup d’autres choses disparaîtront. Enfin, l’Évangile vient nous redire qu’il n’y a pas de frontière entre l’ici-bas de notre humanité et l’au-delà que sera la plénitude de l’éternité. L’amour n’a pas de frontière, pas même celle de la mort et cela, c’est une Bonne Nouvelle. C’est pourquoi nous pourrons dire dans quelques instants : je crois et j’y crois !

Références bibliques : Am 6, 1…7 ; Ps 145 ; 1 Tm 6, 11-16 ; Lc 16, 19-31

Référence des chants :

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