Il suffit parfois de commencer par un simple regard, souligne le psychiatre Boris Cyrulnik, pour qu’un être humain puisse entrer en résilience. Un simple regard et voilà qu’un homme, une femme ou enfant peut se libérer de ses drames intérieurs pour marcher à nouveau librement sur le chemin de sa propre vie. Un simple regard comme celui porté par Jésus sur la personne de Zachée. Le Fils de Dieu a d’abord choisi de parler par ses yeux. Il pose son regard sur celui qui cherchait aussi à le voir. Nous assistons à une rencontre de deux regards, l’un humain et l’autre divin. Et à notre tour, nous sommes conviés à nous interroger sur nos propres manières de nous regarder les uns les autres. Il est essentiel de le savoir car tous nos regards dévoilent quelque chose de l’âme de l’être que nous sommes.

Me viennent à l’esprit, ces simples regards de douceur où s’exprime tout l’amour. De tels yeux, nous réchauffent à jamais le cœur et s’inscrivent dans la mémoire de nos sentiments. Il suffit également d’un simple regard pour dire toute la complicité entre deux êtres ou encore pour exprimer de la compréhension, voire de la compassion à ce qui se vit ou à ce qui vient d’être dit. Me viennent également à l’esprit, ces regards de confiance où tant de choses ont pu se partager sans qu’aucun mot n’ait été prononcé. Nos yeux ont si bien parlé. Tout simplement. Tout tendrement. De tels regards nous font grandir en humanité. Ils sont nécessaires à notre croissance, à notre devenir car ils nous façonnent et nous ouvrent de la sorte le regard vers un horizon de paix intérieure.

Mais à côté de ces regards bienveillants, il y également des regards qui nous glacent à jamais tellement ils expriment la froideur de ce que l’autre ressent à notre égard. Il s’agit, cette fois, de regards où notre interlocuteur nous fait comprendre dans le silence de ses yeux à quel point nous n’avons aucune valeur. Rien de pire alors que d’être confronté à ces regards de jugement, ces regards de condamnation comme si l’autre avait la prétention de croire qu’il nous connaissait mieux que nous-même. De tels regards sont humiliant, dégradant, enfermant, car ces yeux-là nous annihilent sur place, à l’instant même où ils croisent notre propre regard.

Un regard n’est donc jamais neutre. Un regard aimant rend une personne aimée. Il est d’une certaine manière le miroir de l’âme offerte à la contemplation de tous ceux et celles qui nous regardent. Il est cette offrande infinie que nous cherchons à déchiffrer chez l’autre afin de pouvoir entamer une relation à vivre en vérité. N’oublions jamais que le tréfonds de notre âme n’est offert qu’au regard bienveillant de Dieu. Lui et lui seul peut nous connaître dans le plus intime de notre cœur là où aucun être humain ne pourra jamais prétendre avoir la connaissance de l’être que nous sommes. Il y a en chacune et chacun de nous un jardin secret où seul Dieu peut venir se promener. Il y a en nous une part de mystère qui nous dépasse et auquel seul le divin peut accéder. Cette partie de notre être lui est réservée. Elle contient toutes les potentialités de ce que nous sommes appelés à devenir un jour, que ce soit dans cette vie-ci ou dans l’au-delà. Trop souvent, nous voyons chez les autres leurs imperfections, leurs manquements et nous nous arrêtons à ces premières impressions. Nous portons un regard humain qui juge et nous nous enfermons dans celui-ci.

Il en va tout autrement pour Dieu d’après l’évangile de ce jour. Sans pour autant fermer les yeux sur nos manques d’amour, Dieu pose sur nous un regard de bienveillance et de miséricorde pour que nous puissions nous convertir, c’est-à-dire revenir à Lui et vivre ajustés à ce qu’Il attend de nous. Le regard divin ne nous enferme jamais lorsque nous trébuchons. Il nous reprend à notre rythme, il nous relève pour que nous nous détournions de ce qui nous empêche de devenir nous-mêmes. Le Fils Jésus, notre frère, voit en chacune et chacun de nous ce saint qui sommeille et toute cette lumière que nous sommes appelés à découvrir, à devenir. Comme pour Zachée, le Christ pose aujourd’hui encore sur nous un regard bienveillant de compassion et de miséricorde. Un regard nous appelant à exister mais à exister autrement. En inscrivant notre vie en Dieu, nous l’écrirons dorénavant avec l’encre de l’Esprit Saint. Cette encre indélébile nous conduit à ne poser que des actes d’amour révélant ainsi la divinité existant au cœur de notre humanité. Puissions-nous alors, à notre tour, apprendre à nous regarder les uns les autres avec les yeux de Dieu. Amen

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