Oserais-je le terme ? Quel rustre ! Avez-vous bien entendu l’accueil que Jésus réserve à cette femme ! Fallait-il qu’il soit si brutal envers celle qui aujourd’hui s’approche de lui. Une femme ! Une étrangère ! Une païenne même ! Qui plus est, en détresse, sa fille étant tourmentée par un démon ! Voilà qu’elle s’adresse à Jésus avec une confiance et une espérance évidentes, qui nous touchent. Nous pourrions attendre qu’il la reçoive avec sollicitude ? Eh bien non ! Par trois fois, il s’échappe ! D’abord, il l’ignore. Ensuite, il éconduit les disciples, qui viennent intercéder pour être tranquilles. Enfin, et c’est bien le comble, il la traite de « petit chien qui ne doit pas prendre le pain des enfants ! » Lui qui prêche la douceur, l’amour du prochain, l’accueil de l’étranger, comment se fait-il qu’il soit si rude avec celle qui le sollicite ?

Chers frères et sœurs, nous voilà dans l’embarras ! Comment trouver ici quelque leçon, nous qui, avouons-le, sommes trop souvent mal à l’aise avec l’accueil de l’étranger ? Or pourtant, c’est bien de cela dont il s’agit ! Telle est mon ambition avec vous ce matin. Non pas évacuer le sens du récit, non pas raboter les propos de Jésus. Mais comprendre ! Comprendre le comportement de Jésus pour comprendre ce que veut dire, en vérité, « accueillir l’étranger » !

Constatons d’abord un autre paradoxe, qui peut nous aider à avancer : après trois refus, Jésus finit par donner à cette femme ce qu’elle demande. Il ne le fait ni par pitié ni par sentimentalisme. Il ne le fait pas non plus par facilité. Ni par exaspération. Alors pourquoi un tel revirement final ? Parce que c’est seulement à la fin que, conduite par Jésus, la femme est capable de dévoiler le sens profond de sa requête. En réalité, Jésus accorde la guérison à la Cananéenne parce qu’une relation vraie est enfin possible. Reprenons ce dialogue conclusif sous cet angle.

La Cananéenne finit par dire : « justement, les petits chiens mangent les miettes qui tombent de la table de leurs maîtres. »  Elle reconnaît qu’en tant qu’étrangère, elle dépend du peuple qu’elle sollicite. Non pas simplement de Jésus en tant qu’individu, mais de Jésus en tant qu’il représente son peuple. La femme s’adresse à lui sur le registre de la relation entre deux peuples. Sa démarche a une dimension sociale. Elle admet que l’étranger ne jouit pas d’un droit inconditionnel : il n’est reçu qu’à condition de reconnaître le caractère propre du peuple qui l’accueille.

En réponse à cette attitude de l’étrangère, Jésus fait preuve d’une ouverture tout aussi admirable. En disant : « femme, grande est ta foi ! », il reconnaît que la requête de l’étrangère est légitime. Il accède sans arrière-pensée au désir de bonheur de cette femme. Par ce don sans restriction, il va jusqu’à lui accorder les mêmes privilèges qu’à son propre peuple. Nous y sommes. Une relation juste avec l’étranger est enfin établie. Pour cela, il a fallu cette reconnaissance réciproque. Jésus a su la provoquer par son attitude rugueuse mais vraie.

Chers frères et sœurs, que nous soyons l’étranger ou celui qui accueille, retenons ce matin ces principes tout simples de l’évangile. Ici, à Vitré, les communautés africaines, haïtiennes ou vietnamiennes constituent, nous le savons, autant une richesse qu’un défi. Apprenons à ne pas à nier nos différences, mais à reconnaître nos spécificités. Qu’il le soit par sa culture, par sa religion ou par sa nation, l’étranger n’est pas reçu en vertu d’un sentimentalisme impulsif. Il l’est si l’accueillant comme l’accueilli reconnaissent leur rôle mutuel et leur dignité propre. Que Jésus, l’étranger par nature, nous fasse la grâce de le comprendre.

Références bibliques : Is 56, 1.6-7 ; Ps. 66 ; Rm 11, 13-15.29-32 ; Mt 15, 21-28

Référence des chants : Liste des chants de la messe à Vitré le 17 août

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