La crèche de Noël est encore à sa place, dans beaucoup de nos maisons, tout comme dans cette église, la maison de la « famille-Église » d’Urrugne, la crèche est encore à sa place. Noël a laissé dans nos yeux ses images de retrouvailles et de cadeaux… et nous voici soudain bousculés aujourd’hui, avec ce dimanche de la « Sainte-Famille » …qu’avec un peu de malice, je préfère nommer « dimanche de la Sainte-Fugue » ! Saint Luc vient de nous raconter comment Jésus, à l’âge de 12 ans, s’est rendu à Jérusalem avec ses parents pour un pèlerinage. La notion de famille étant à l’époque sans doute fort différente de la nôtre, on ne s’inquiète pas, au retour, de ne pas voir l’enfant : il doit être avec la parenté… Clin d’œil à la résurrection, ce n’est qu’au bout de trois jours que l’enfant égaré est retrouvé !

L’enfant, lui, eh bien ! Il a trouvé sa place ! Dans le Temple, au milieu de ceux qui sont des savants de la Parole de Dieu, nommés « docteurs de la loi »… Les mots qu’il adresse à ses parents lorsque ceux-ci le retrouvent sont stupéfiants : « Comment se fait-il que vous m’ayez cherché ? Ne le saviez-vous pas ? C’est chez mon Père que je dois être » Les parents ne comprennent pas l’enfant alors que leur tension est perceptible : « Pourquoi nous as-tu fais cela ? Vois comme nous avons souffert en te cherchant ! »

Dites, certains parmi nous, si leur fils leur avait servi : « C’est chez mon Père que je dois être », certains n’auraient-ils pas réagi par une claque vigoureuse ? Essayons de comprendre cependant : nous voyons apparaître ici une tension évidente entre les projets que des parents peuvent faire pour leur enfant et le désir que développe cet enfant, Jésus, d’entrer dans le projet de son « Père du ciel » comme on dit !

Jésus est donc en train d’exprimer son « choix pour Dieu » qui ne se fera pas sans difficultés ou ruptures, tout au long de sa vie. Au moment où il va être arrêté, au Mont des Oliviers, l’angoisse le saisit : « Père, si tu peux écarter de moi cette coupe […] pourtant que ce ne soit pas ma volonté mais la tienne qui se réalise ! » Et puis voici un autre passage moins connu : au chapitre 8 de l’Évangile de Luc, la mère et les frères de Jésus ne peuvent le rejoindre dans la demeure où il se trouve, à cause de la foule. Alors on lui fait dire : « Ta mère et tes frères se tiennent dehors, ils veulent te voir. » Et lui rétorque : « Ma mère et mes frères, ce sont ceux qui écoutent la Parole de Dieu et qui la mettent en pratique. »

Ce dimanche de la Sainte-Fugue – pardon, de la Sainte-Famille ! – nous pose donc une question, d’autant plus difficile à gérer aujourd’hui que nombre de nos familles sont décomposées ou recomposées : comment chaque membre du cercle de famille est-il ouvert à la vraie destinée des autres ? Vous savez, lorsque je célèbre des baptêmes, assez souvent je rencontre des parents qui veulent lire le texte d’un auteur libanais, Khalil Gibran : « Vos enfants ne sont pas vos enfants, Ils viennent à travers vous mais non de vous. Et bien qu’ils soient avec vous, ils ne vous appartiennent pas. » Ah ! C’est bien beau de lire cela le jour du baptême d’un nouveau-né, mais par la suite ? Cet enfant venu au monde, appartiendra-t-il exclusivement à ses parents ? « Ma fille, tu seras polytechnicienne ou nageuse olympique, rien d’autre ! » Cet enfant va-t-il prétendre n’appartenir qu’à lui-même et revendiquer une autonomie féroce masquant mal une atroce solitude ? Cet enfant appartiendra-t-il à celui ou celle qu’il choisira afin de vivre en couple ; comment être sûr de ne pas être ligoté ou dévoré par l’autre ? La réponse bien sûr n’est pas simple, et elle est rarement tranchée tout net !

L’être humain nouveau qui vient au monde va-t-il pouvoir librement offrir sa vie librement ? Permettons-nous que nos familles ne soient pas des usines à formater mais des ateliers de pâte humaine pour apprendre à s’écouter, à s’entraider, à s’encourager ? Je nous souhaite donc à tous une bonne réflexion en ce sens, dans chacune de nos familles souvent rassemblées en ces jours de fête ! Cette réflexion qui vaut bien sûr aussi pour les « familles-Église » que sont nos communautés chrétiennes. Peut-on y être accueilli et aidé à devenir soi-même parce que ceux qui y tiennent déjà une place sont conscients de leur rôle pour la croissance des nouveaux venus ?

L’eucharistie que nous allons célébrer manifeste déjà notre communion. Que Dieu nous donne de bâtir vraiment cette communion.

Références bibliques : 1S 1, 20-22.24-28 / Ps 83 / 1 Jn 3, 1-2.21-24 / Lc 2, 41-52

Référence des chants :

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