Le pain, vous l’aimez comment ? Plutôt bien cuit ou plutôt farineux ? Bien frais ou un peu rassis ? Trempé dans du lait ou en larges tartines avec beurre et confiture ? Ces questions sont apparemment banales, sans doute impertinentes, mais c’est bien la question de l’Évangile que nous venons d’entendre : vous l’aimez comment, Dieu ?

Jésus est dans la synagogue de Capharnaüm. Il parle, il parle de pain, il parle de lui… « Moi, je suis le pain vivant », et ses propos commencent à échauffer les esprits : « Comment cet homme peut-il nous donner sa chair à manger ? » Et le scandale est en train de naître autour de la folie de ses propos. Et le scandale n’est pas une question d’anthropophagie, ni non plus de théologie, non, le scandale est celui de la passion et de la croix : il prend un peu de pain, un peu de vin ; « c’est mon corps, livré, rompu pour vous ; c’est mon sang, ma vie, donnée pour vous… C’est moi, prenez, mangez, buvez ! »

C’est le cœur de notre foi chrétienne : la foi du pain rompu, Dieu qui se donne pour que nous ayons la vie. Et le don est toujours une question de folie : la sagesse du livre des Proverbes nous invite à quitter la folie ; Paul nous exhorte à quitter notre conduite de fous, mais Jésus, lui, choisit la folie d’aimer et nous donne jusqu’à sa propre vie. Peut-être avez-vous vu, tout récemment, au cinéma, ce film tiré du roman de Muriel Barbery : « L’élégance du hérisson ». La dernière réplique du film est forte de sens : « Ce n’est pas la date de notre mort qui compte. C’est ce qu’on faisait à ce moment-là ; et vous, madame Michel, vous vous prépariez à aimer ». L’amour, c’est cela qui donne la saveur de ce pain brisé, le goût de ce pain partagé par le Christ au soir de la pâque. Oui, c’est l’amour qui dit le prix du pain rompu, l’amour et non pas la souffrance, ou la douleur, ou la torture ; l’amour de celui qui donne jusqu’à sa vie pour que tous aient la vie. Ce n’est pas sa mort que le Christ nous donne sur la croix, à quoi cela servirait-il ? Mais c’est sa vie qu’il nous donne, en abondance, fleuve de vie éternelle qui déborde de son côté ouvert, souffle de foi et d’espérance qu’il souffle en nos propres vies si souvent marquées par le découragement, et le non sens et la fatigue. « Je suis le pain vivant », dit Jésus et les apôtres comprendront dans les jours noirs de la passion, que Jésus veut leur dire :  « Croyez avec moi ! Espérez avec moi ! Aimez, comme moi je vous ai aimés. »
 
Sœurs et frères, est-ce que nous mangeons de ce pain-là ? Est-ce qu’il nous fait vivre ? Est-ce qu’il nous donne le goût de Dieu et le goût des autres ? Nous vivons dans un monde dur, où l’on donne souvent des pierres à celui qui demande du pain. Nous vivons dans un monde où nous multiplions les discours et les bonnes intentions, mais pendant ce temps, des hommes, des femmes, des enfants meurent de faim, et restent affamés de paix et assoiffés de justice.

« Je suis le pain vivant », dit Jésus, mais lui ne se contente pas de grands discours, il donne d’abord de quoi rassasier ceux qui ont faim en multipliant le pain et le poisson. « Mangez, buvez, » dit Jésus, et le soir du jeudi saint, ses mots deviennent gestes : il prend du pain, du vin, le pain et le vin de sa vie, il prend sa vie et il la donne. À tous, sans exception. Et d’abord à toi qui luttes peut-être pour ton pain quotidien, à toi qui luttes pour un peu d’amour et de reconnaissance, à toi qui luttes pour trouver du sens à ta vie. « Qui mange ma chair et boit mon sang, je demeure en lui », dit Jésus, et il s’invite pour le repas à la table des pécheurs et des prostitué(e)s, et de tous les Zachée et autres fils prodigues qui veulent bien l’accueillir. Le pain qui descend du ciel, c’est le pain qui se fait proche de toi, quand tu as faim de vivre et d’aimer.

La question n’est pas de savoir si nous en sommes dignes de ce pain, ou si nous le méritons… La question, c’est de savoir si nous avons faim. Avons-nous faim et soif de devenir fils et filles de Dieu ? Toi qui manges de ce pain et bois à cette coupe, rends grâce à Dieu pour ce que tu reçois, deviens ce que tu reçois et fais comme ton Seigneur : donne-toi pour la vie du monde. Aime, jusqu’à te perdre. Engage-toi, au risque de te faire rejeter. Prends le parti de l’homme, c’est le parti de Dieu. Amen.

 

Références bibliques : Pr 9, 1-6; Ps. 33; Ep 5, 15-20; Jn 6, 51-58

Référence des chants :

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