Quelle est-elle cette eau dont la soif nous étreint au plus secret du cœur, cette eau dont la découverte a bouleversé la Samaritaine ? Chacun de nous le sait ou cherche à le savoir, à moins que blasés ou soucieux, nous en ayons perdu le goût. Que la fête de ce jour nous en redonne le désir et la force : c’est ce que je souhaite à chacun d’entre vous !

Cette eau, en effet, Thérèse d’Avila, au 16ème siècle, l’a longtemps cherchée et désirée. Elle nous invite, à notre tour, à faire confiance aux grands désirs que nous portons et par lesquels, Dieu nous porte et nous conduit. Ces désirs, nous le savons, sont multiformes. Ils ont certes leur part d’ambiguïté et d’obscurité mais Dieu, dans le parcours parfois sinueux de notre vie, les purifie et les éclaire. Ainsi Thérèse, déjà quadragénaire et entrée dans la vie religieuse depuis plus de vingt années, pour des motifs d’ailleurs pas très limpides, menait-elle une vie qui oscillait entre l’oratoire et les parloirs, entre la recherche de Dieu et le désir de plaire. « Je désirais vivre mais ne vivais pas » commentera-t-elle plus tard. Une expérience, aussi inattendue que préparée par la grâce, lui fit comprendre, à la vue d’une représentation de Jésus dans sa Passion, la radicalité de l’amour sauveur.

Cette pluralité des désirs qui l’habitent va ainsi la conduire à découvrir une présence plus profonde encore, celle de Dieu en nous. Thérèse exprima magistralement cette base de notre foi avec l’image d’un château. Nous sommes un château aux nombreuses demeures, dans la plus profonde desquelles réside un Roi. Le parcours menant à sa rencontre constitue l’aventure de notre vie spirituelle. Ce Roi, c’est Jésus et cette rencontre, c’est l’oraison, l’expérience de la prière silencieuse, chemin de méditation et de connaissance de soi, chemin de foi pour regarder le Maître, chemin de silence pour l’écouter et lui parler, chemin de dialogue avec l’ami qui nous enseigne à dire « oui » au Père, avec liberté et persévérance. L’oraison, c’est cela et bien plus encore : celle de demander à Jésus l’eau apaisante du salut et celle d’entendre Jésus nous demander à boire, l’hospitalité de notre amour, de notre foi.


L’eau est aussi celle qui lave et purifie et l’eau sur laquelle nous méditons, celle de la conversion. La vie de Thérèse d’Avila est une aventure de conversion, de découverte existentielle de la miséricorde du Seigneur et d’un ajustement toujours plus profond à la volonté de Dieu. Thérèse est pour cela marquée par un sens aigu du primat de l’action de Dieu dans notre vie sans pour autant négliger la nôtre. La vie chrétienne se joue dans une synergie subtile que Thérèse résume ainsi : « faire le peu qui dépend de nous. »

Pour cela, elle n’aura de cesse de chanter la miséricorde à l’œuvre dans sa vie dont les limites ne sont que celles qu’y met notre manque de confiance. Pour cela, Thérèse insistera sur les moyens nécessaires pour laisser agir la miséricorde. « Oraison et mollesse ne vont pas bien ensemble ». Et de préciser une triade de vertus : l’amour fraternel, l’humilité et le détachement. Libre pour aimer, dire oui et rendre grâce, voilà la condition d’une vie donnée au Seigneur : tel est aussi le message de Thérèse.

L’eau, enfin, est celle qui, jaillissant de la source, devient fleuve et conduit à la mer. Célébrer les cinq-cents ans de sainte Thérèse, c’est s’en reconnaître héritier, un peu comme le fleuve vis-à-vis de la source. Cela nous remplit d’un double sentiment. D’une part, nous rendons grâce pour celle qui nous a transmis un esprit et une manière de vivre l’évangile : le sens de la présence de Dieu, la prière comme rencontre avec l’ami, Jésus, une certaine pratique de l’ascèse, une vie fraternelle empreinte de simplicité et de joie. D’autre part, nous sommes conscients de la responsabilité de faire fructifier cet héritage pour toute l’Eglise et de faire goûter à tous l’eau toujours fraîche de la source. La Règle du Carmel et la manière que nous donne Thérèse d’en vivre ne consistent pas tant en un chemin déjà tracé qu’en un horizon qui nous oriente, celui de la sainteté et de la connaissance du Dieu vivant ! Pour cela, « Mère Thérèse » nous lègue le sens d’une vie donnée à Dieu. Une vie pour dire Dieu aussi, car Thérèse eut le don non seulement de prendre conscience des grâces reçues mais aussi de savoir les dire et les écrire. Dire Dieu, ses manières de faire dans nos vies, voilà une tâche des héritiers de sainte Thérèse au service de la nouvelle évangélisation. Que l’Esprit Saint, autre symbole de l’eau dans l’Ecriture et, au fond, le seul légataire autorisé de l’héritage, nous soit donné pour cela en abondance. Amen

Références bibliques : Sg 7, 7-14 ; Ps. 83 ; Rm 8, 14-17.26-27 ; Jn 4, 5-15

Référence des chants : Liste des chants de la messe au carmel de Saint-Maur (39) le 12 octobre 2014

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