Sœurs et frères, pendant des siècles, voir un lépreux s’approcher déclenchait une véritable panique. Cette maladie était maudite car face à elle, on était complètement démuni. Vous le savez, réputée extrêmement contagieuse, elle était à l’époque inguérissable. D’où l’angoisse qu’elle suscitait comme nous l’avons vu récemment avec la réapparition du virus Ébola. On comprend alors ces règles strictes du livre des Lévites, prises pour protéger le peuple, mais avec comme conséquence, cette exclusion inexorable que connurent les lépreux durant des siècles.

Il y a aussi une autre raison à la frayeur que suscite la lèpre : c’est qu’elle défigure la personne, elle abîme et ronge le corps. La lèpre devint donc le symbole par excellence de tout ce qui ravage l’homme, y compris au sens moral et au sens spirituel. Dans la Bible, la lèpre devint synonyme du péché. Je note au passage que cela nous éclaire sur ce que nous appelons le péché. Le péché, ce ne sont pas des « peccadilles ». Le péché, c’est ce qui défigure notre humanité, c’est ce qui abîme l’autre. Le péché c’est ce qui, par mes pensées, mes paroles et mes actions détruit, altère mes frères et mes sœurs. C’est aussi tout ce qui crée de l’exclusion, ce qui met l’autre « hors du camp », qui le met « hors-jeu ».

À partir de ce récit sur la guérison d’un lépreux par Jésus, l’Évangile de Marc ne vise pas simplement à nous raconter ce qui s’est passé pour cet homme-là, « en ce temps-là ». L’Évangile vise toujours notre aujourd’hui. Il veut nous parler de nous et de cette rencontre avec le Christ qui peut s’opérer aussi pour chacun de nous. Ce matin, cette rencontre est d’ailleurs déjà commencée ! Nous sommes déjà entrés dans la démarche de ce lépreux qui « vient auprès de Jésus » : vous êtes venus ici, dans cette église de Froidmont, et vous, qui êtes devant votre télévision, vous vous êtes joints à nous, pour rencontrer Jésus.

Et qu’avait-il dans le cœur ce lépreux en venant vers Jésus ? Il sait bien qu’il est lépreux. Vous avez peut-être noté que le livre des Lévites demandait au lépreux de « porter des vêtements déchirés et d’avoir les cheveux en désordre ». C’est peut-être plus parlant pour nous… En venant ce matin vers Jésus, il y a peut-être aussi en nous des choses qui sont en désordre et qui nous abîment. Qui font que nous mettons certains à distance, y compris Dieu. Il y a peut-être en nous des relations qui s’effilochent, des déchirures qui nous font mal ? Mais la force, la grâce qui habite cet homme et qui le sauve, c’est sa foi. Il ose, il ne se laisse pas enfermer par la honte ou la peur. Il va tout droit à Jésus, assez humble que pour tomber à ses genoux…

Alors, regardons Jésus. J’imagine que tout son entourage, paniqué, a reculé d’effroi. Lui, il s’arrête, il est pris de compassion, il prend le temps de se laisser remuer le cœur. Puis il tend la main et touche le lépreux. Et il fait la même chose pour chacun et chacune de nous ce matin. À nous aussi il dit : « Je le veux sois purifié. » Le mot choisi : « purifier », a un sens suffisamment large pour s’adresser tant à un lépreux, qu’à chacun de nous : « Je le veux, retrouve ton vrai visage, ta vraie dignité, d’homme et d’enfant de Dieu, retrouve ta vraie beauté. » Face à la contagion destructrice de la lèpre, Jésus oppose une autre contagion, plus forte que tout mal : la contagion de l’amour. L’amour qui se fait geste, parole, proximité, encouragement. Amour qui se fait risque aussi, car de fil en aiguille, c’est Jésus, lui-même, qui finira par être rejeté « hors des murs de la ville ».

Tout ce premier chapitre de l’Évangile de Marc nous montre en quoi, avec Jésus, « le Règne de Dieu se fait proche ». Si Jésus agit comme cela, c’est parce qu’il est tout entier habité par l’Esprit, tout entier habité par l’amour de son Père : ce Dieu qui a des entrailles, ce Dieu qui désire la communion. Ce Dieu qui n’entre pas dans le jeu de l’exclusion, qui ne s’éloigne pas de celui qui a le corps ou le cœur abîmé. Qui se fait proximité, même là où on trouverait qu’il ferait bien de se tenir à l’écart !

Ce matin, nous entourons le Seigneur. Entrer en communion avec lui, c’est donc entrer avec lui dans cette compassion de ce Dieu qui est sans barrière, c’est œuvrer à cette contagion qui guérit, celle de l’amour sous toutes ces formes. C’est cette contagion qui atteint saint François dans son baiser au lépreux. C’est elle qui a déterminé le Père Damien d’aller rejoindre Molokaï. Et elle continue d’atteindre tous ceux qui cherchent à réinsérer dans le vivre-ensemble tous ceux qui sont mis hors-jeu, ceux qu’on tient à distance, ceux qui ne sont pas de notre camp : la liste en est longue et chacun de nous à la sienne. Cela concerne, et la société, et l’Église, et chacune de nos communautés. Saint Paul nous invite à tout faire pour la gloire de Dieu. Quand poussés par l’Esprit, nous allons vers l’autre, quand nous allons vers le Christ, quand nous résistons aux pièges de l’exclusion, alors le Règne de Dieu se fait proche : alors Dieu est glorifié et l’homme transfiguré !

Références bibliques : Lv 13, 1-2.45-46 ; Ps. 1 Co 10, 31-11,1 ; Mc 1, 40-45

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