Voici, frères et sœurs, que nous montons à Jérusalem. Tel est notre chemin de Carême. Mettant nos pas dans les pas de Jésus, nous marchons résolument vers la Ville sainte (Lc 9, 51). Vers Jérusalem, « la ville de notre Dieu, la joie de l’univers, la Cité du grand Roi » (Ps 48, 1-2), mais aussi vers Jérusalem qui tue les prophètes, Jérusalem où Jésus doit être livré aux mains des pécheurs, Jérusalem où l’Agneau va accomplir sa Pâque, son grand Passage.

Jésus sait ce qui l’attend au bout du chemin. Et il est prêt. Prêt pour ce baptême dont il doit être baptisé (Lc 12, 50), pour cette terrible plongée dans les eaux sombres de la Passion, de la Croix et de la mort. Il monte à Jérusalem pour « servir et donner sa vie en rançon pour une multitude » (Mc 10, 45). Car « il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime » (Jn 15, 13). C’est pour cela, pour cette Heure, pour cette grande déclaration d’amour qu’il est venu.

Oui, frères et sœurs, nous le pressentons, donner sa vie pour ses amis, que ce soit au quotidien ou dans des circonstances plus extraordinaires, voilà, pour chacun de nous, la plus haute vocation, ce qui donne du poids et du sens à notre existence. Mais nous savons aussi, par expérience, combien il est difficile d’aimer. Tant de pesanteurs, tant de peurs, tant d’égoïsmes m’entravent et me ligotent. Donner ma vie ? Mais encore faudrait-il que je la possède ! Encore faudrait-il que je sois libre ! Et je le suis si peu.

C’est pourquoi l’Esprit m’appelle aujourd’hui au désert pour une libération intérieure. Pour briser l’esclavage humiliant de la sensualité – « L’homme ne vit pas seulement de pain » (Lc 4, 4), ni de jeux, ni de plaisirs. Pour renoncer à la griserie des succès faciles, au pouvoir pour le pouvoir, comme si je n’existais que par le regard, admiratif ou craintif, des autres. Pour dépasser, enfin, la tentation redoutable de me servir de Dieu sous prétexte de le servir.

Sans cette liberté intérieure, il n’est pas de don de soi. Voilà pourquoi, dans les évangiles, le Christ propose trois moyens pour mettre notre cœur au large : la pauvreté, la chasteté et l’obéissance. Et, pour que ces recommandations soient toujours vivantes au cœur de l’Église, il appelle certains de ses disciples à les mettre en œuvre de façon plus radicale, exemplaire. Ainsi, par leur pauvreté volontaire, religieux et religieuses nous rappellent que l’avoir est au service de l’être. Par leur continence, ils nous rappellent que Dieu est l’Unique, qu’il doit en tout être le Préféré. Enfin, par l’obéissance consentie, ils nous rappellent que la liberté ne s’accomplit que dans le grand « oui » de l’amour.

Jésus lui-même, dit saint Paul, « s’est fait obéissant jusqu’à la mort et la mort sur une croix ». Il a offert sa vie pour la gloire de Dieu et le salut du monde. Mais il n’était pas dit que le Père se laisserait vaincre en générosité. « C’est pourquoi, poursuit saint Paul, Dieu l’exalté et lui a donné le Nom au-dessus de tout nom » (Ph 2, 8-9). Au terme du chemin, à Jérusalem, au matin de Pâques, la résurrection de Jésus est la réponse – éblouissante – du Père au don du Fils. Elle est la preuve qu’une vie donnée n’est jamais une vie perdue.
Amen.

Références bibliques : Dt 26, 4-10; Ps. 90; Rm 10, 8-13; Lc 4, 1-13

Référence des chants : 140250aa – Alain Deloche, médecin du coeur et globe-trotter

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