Comme Jérémie au temps de la Première Alliance, et à la suite de tous ceux qui, dans notre histoire sainte, ont répondu à l’appel du Dieu vivant, Damien lui aussi s’est levé, debout jusqu’à l’extrême, au milieu, comme il disait « de ses chers lépreux ».
« Assurément, écrit-il à ses parents, vous ne m’empêcherez pas d’embrasser la vie religieuse, en pensant que si Dieu m’appelle, je dois obéir. »

Jésus, lui aussi, en son temps, s’était levé d’au milieu des siens pour sortir et semer la Bonne Nouvelle de l’Évangile. Mais, revenu un jour à Nazareth, ceux qui avaient grandi avec lui, l’enfermant dans ce qu’ils pensaient connaître de lui, ont voulu l’exclure de leur champ de vision religieuse, préfiguration de son rejet et de sa mise à mort à Jérusalem. Pensez donc : voici qu’ils s’entendent dire que les bienfaits du Dieu d’Israël qui, au temps d’Élie et d’Élisée, avaient déjà franchi les frontières, devaient s’ouvrir à plus large encore ! Par la suite, au temps de saint Paul, le même refus d’ouvrir à plus large de la part du peuple d’Israël sera le point de départ de l’évangélisation des païens.
Car l’amour de Dieu ne peut se contenter de l’étroitesse d’une synagogue ou d’une chapelle : il est un feu qui veut embraser le monde entier.
Il est amour offert à tous, sans frontières aucune… La preuve ? Jésus lui-même, va s’asseoir à la table des publicains, de Zachée ; converser en public avec la Samaritaine ; tendre la main aux aveugles, et même s’approcher jusqu’à toucher des lépreux.
Et qui étaient ces gens ? Principalement des tout-venants, des hommes et des femmes mis au rang des exclus par la religion officielle de son peuple et la société de son temps !
Et aujourd’hui, qui sont-ils donc ces exclus, ces laissés pour compte ? Ne sont-ce pas toutes ces personnes victimes de nos contraintes économiques et financières, souffrant d’un handicap, victimes de leur grand âge, de ruptures affectives, du sida, tous trop souvent renvoyés à leur solitude, sans toit, en quelque sorte disqualifiés socialement ?

Malgré tout cela, et Dieu merci, de tous temps et aujourd’hui encore, des hommes et des femmes se sont levés et se lèvent, prophètes, sentinelles du bonheur – tous, visage de la Bonne Nouvelle, que ce soit au nom du Christ, ou sans se référer à lui – mais tous debout pour renouveler ces gestes de proximité près de tous ces exclus. Ainsi, près des lépreux en Inde, près des sidéens à travers le monde, près de jeunes en galère chez nous comme dans les bidonvilles d’Amérique latine ou au Bénin ; comme vous les jeunes ici présents, qui participez à la création d’un havre de paix dans lequel des enfants pourront se reconstruire ; ou encore plus près de nous, y compris dans ce quartier de Paris, ceux et celles présents aux côtés des sans papiers, aux côtés de ceux qui n’ont d’autre abri que la rue, qui ne mangent pas à leur faim… Et ce ne sont là que des exemples…

Permettez-moi de me réjouir, de rendre grâces à Dieu parce que, parmi ces prophètes, ces sentinelles du bonheur, il y a des frères et sœurs de la congrégation des Sacrés-Cœurs, activement présents aux côtés de tous ces marginalisés, en lien avec des organisations ecclésiales ou humanitaires… Ne sont-ce pas eux tous les Damien pour notre temps, à la suite de Mère Teresa, de Raoul Follereau et de sœur Emmanuelle dont Damien fut à la source de leur vocation ?
« Ils sont hideux à voir, écrivait Damien, parlant de « ses chers lépreux », mais ils ont une âme rachetée au prix du sang de notre divin Sauveur… et si je ne puis comme Lui les guérir, je peux au moins les consoler… »

Frères et sœurs, depuis Noël, Dieu et l’homme sont indissociablement liés, tous aimés par Dieu… Et Dieu ne vient en ce monde que s’il y a place pour l’homme au travers des paroles et des gestes d’amour vécu au jour le jour… que s’il y a volonté de procurer à l’homme ce qui lui permet d’être humain : sa dignité, son pain quotidien, sa part quotidienne d’amour, son travail, sa liberté.
Comme il serait bon d’entendre dire par un plus grand nombre de nos contemporains cette parole d’une fillette de 10 ans qui fréquentait un relais paroissial au cœur d’une cité populaire…« Ici, on n’est pas nul ! »

Alors prophète, sentinelle du bonheur ? N’est-ce pas aujourd’hui se lever pour s’opposer à un système, à des idées, à des pouvoirs, à des pratiques qui ne respectent pas la place, la dignité de l’homme dans la société ?
Prophète, sentinelle du bonheur ? N’est-ce pas, comme Damien, prendre le risque d’aller à la rencontre – quel que soit leur état de vie, leurs croyances – de tous ces exclus, de tous ceux que nous mettons peut-être trop facilement à l’écart pour qu’ils ne tourmentent plus nos yeux et notre cœur !
Frères et Sœur, sans regard d’amour, rien de possible… mais l’amour n’est vrai que s’il s’offre en partage, que s’il est réciprocité, entre nous comme en Dieu lui-même.

A la suite de Damien, et de tous les passionnés du Christ, de tous ceux qui se lèvent pour libérer ce monde de toutes les lèpres, le Seigneur nous dit : lève-toi et marche, tes frères t’attendent, deviens porteur de l’amour que, par toi, je veux partager avec eux.
Amen.

Références bibliques : Jr 1, 4-5.17-19; Ps. 70; 1 Co 12,31-13, 13; Lc 4, 21-30

Référence des chants :

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